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sur 657 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je suis entré par la porte étroite de ce récit, guidé par la très belle écriture d'André Gide. Ce texte court, - moins de deux cents pages, dont on devine une dimension autobiographique, nous fait rencontrer quelques jeunes personnages, encore adolescents.
Dans ce texte à la construction insolite, fragile comme un édifice prêt à se rompre, André Gide nous convie dans ce milieu austère d'une famille bourgeoise et protestante de la province du début du vingtième siècle.
Suite au décès de son père, le narrateur Jérôme s'éloigne de Paris avec sa mère pour rejoindre le domaine de Fongueusemare, tout près du Havre le temps des vacances. Là il se lie d'amitié avec son cousin Robert, ainsi que les deux soeurs de ce dernier, Alissa et sa cadette Juliette.
Pourtant c'est le temps d'une jeunesse presque insouciante que nous abordons tout d'abord.
Le bonheur est là comme une joie pure qui vient donner de la lumière aux personnages. Les enfants grandissent et peu à peu, comme on peut le deviner aisément, l'amitié se transforme en amour, emportant Jérôme et Alissa dans un jeu sentimental certes plus platonique que sensuel, mais dont les tours et les détours laissent venir à eux des gestes épris de bonheur et de vertige. La nature est riante autour de ces jeunes amants en devenir et ressemble à ce jardin parsemé d'arbres et de fleurs dans lequel on entre par une petite porte dérobée...
La porte étroite s'ouvre sur cet air bucolique. Alissa et Jérôme ont appris à tout partager, ils ont ce don en eux pour effleurer les mêmes instants, les mêmes paysages, les mêmes objets, ce piano au milieu du salon, une promenade dans le jardin, un coin d'azur, des livres qui parlent eux aussi de bonheur, d'histoires d'amour, de légèreté...
Mais le jardin est un lieu fermé, c'est une histoire qui se tisse peu à peu entre les personnages comme un huis-clos... C'est un amour tendre, sans doute encore fragile, prêt à s'effriter dans l'entrelacement des mots.
La joie d'aimer est vite abîmée par une ombre dont on ne soupçonne pas le dessein qui la porte, dont on ne comprend pas tout de suite le sens qui l'anime.
Un triangle amoureux complexe se déploie comme un chassé-croisé peuplé d'élans et de malentendus. Jérôme et Alissa s'aiment, mais Juliette aime aussi Jérôme, alors Alissa est prête à renoncer à l'amour de Jérôme, à se sacrifier pour faire le bonheur de sa soeur qui est déjà promise à un homme qu'elle ne désire pas, un homme rustre qui possède des terres agricoles dans le sud de la France.
Est-ce alors que les choses ne furent plus pareilles, plus comme avant ?
Une vertu indicible, son exaltation tout aussi sincère que spontanée, viennent effacer cette joie pure qui ne demandait qu'à pousser cette porte étroite, l'ouvrir grande sur un jardin prêt à s'embraser d'odeurs et de couleurs.
Alissa change alors, à moins que ce ne soit le monde autour d'elle qui change à ses yeux, à moins que ce soit son regard sur ce monde... Elle change dans la tranquillité des jours, c'est presque imperceptible. C'est comme un ciel qui bouge dans la couleur pâle des nuages. Jérôme la voit s'éloigner, tant en demeurant dans une sorte d'illusion...
L'écriture d'André Gide dit cela avec délicatesse, justesse, douceur...
Alissa repousse les fiançailles. Elle devient cette Arlésienne drapée d'une foi devenue inébranlable. Jérôme cherche à tendre vers cet idéal de vertu qui porte Alissa, mais ce n'est qu'un chemin pour rejoindre celle qu'il aime et qui l'aime cependant, ce n'est qu'un chemin, tandis qu'Alissa se consume déjà ailleurs, plus loin, plus haut peut-être...
Je me suis tenu dans le retrait de cette porte étroite, qui bat dans le vent, ce vent qui ballote les personnages, les effleure, finit par les tourmenter.
Je n'ai pas vu les choses venir, tout comme Jérôme peut-être. Les hommes sont-ils absents de cet indicible mouvement des femmes en elles ? Je pensais que l'amour d'Alissa cherchait à se nourrir d'un idéal terrestre, le bonheur d'ici-bas, les choses simples et ordinaires de la vie qu'un coeur qui bat pour l'autre peut transcender. Je voyais rire ce jardin en eux, avec ses fleurs, ses abeilles, ses rouges-gorges, ses gorges pleines de rires...
Dans ces pages cruelles où j'étais seul à commencer à voir ce qui se passait, - quand je dis seul je veux dire par là que ma complicité tissée avec le narrateur qu'est Jérôme ne servait plus à grand-chose, je voyais un fossé commencer à se creuser entre les deux amants... Peut-être faisait-il semblant de ne rien voir... ?
J'étais seul à voir ce qui se passait, mais je ne comprenais pas ce qui se passait. Comment tant de tendresse et de complicité pouvaient-elles brusquement être menacées ? Et par quoi d'ailleurs ?
André Gide me laisse pantois avec cette chose inexplicable, incompréhensible aux yeux de l'homme aimant et mécréant que je suis, aimant la vie, les jardins, les fleurs, les gourmandises, les tangages, l'ivresse insoupçonnée qui gît dans l'étonnement de chaque jour, chaque rencontre...
Car c'est pour Alissa peu à peu le renoncement à un bonheur qui lui ferait brusquement peur, ferait pâle figure à côté du rêve qui l'anime, le refus d'un bonheur facile qui viendrait altérer la pureté de l'âme. Elle préfère une vie d'ascétisme religieux aux plaisirs charnels. Pourtant elle n'a jamais cessé d'aimer Jérôme.
J'ai entrevu ici une lutte entre deux forces qui semblent s'opposer : l'amour et la vertu, comme si ces deux versants étaient séparés par un gouffre abyssal et ne devaient jamais se rejoindre...
J'ai vu dans ces pages un récit amer et désabusé.
Le coeur de Jérôme qui bat pour Alissa devient peuplé de chimères.
Elles emplissent le lecteur que je suis d'un sentiment de tristesse et de révolte.
L'abnégation, - l'idéal d'abnégation nourri d'une foi dont on ne sait d'où elle vient, serait-elle donc la seule cause qui rendrait impossible cet amour, du moins dans son expression charnelle ? Quel gâchis ! ai-je alors pensé. Mais qui étais-je pour juger d'un tel amour ? Sauf que je voyais Jérôme souffrir. Sauf qu'Alissa se perdait elle aussi dans cette manière de se consumer tout doucement...
Où poser ma tristesse, mon incompréhension, mon indignation ? À quel endroit ? Ici, peut-être ce soir, dans ces quelques lignes à partager avec vous...
André Gide dit cela avec tant de mots beaux et fragiles, dans une forme narrative mêlant les confidences de Jérôme au journal d'Alissa et aux lettres qu'ils s'écrivent, rendant le texte d'une proximité incroyable. Je laisse entrouverte la porte étroite de ce livre pour que vous puissiez un jour y venir à votre tour.
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Termes choisis, écriture délicate et quelque peu surannée : plaisir de lecture !

Sacrifice, abnégation, refus de l'amour charnel, c'est la voie qu'Alissa choisit face à l'amour qu'elle ressent pour Jérôme, son cousin. Amour partagé il faut le dire.
Et pourtant pour ces deux-là, il était impossible au lecteur de ne pas le voir se concrétiser tant de points communs existaient entre ces deux êtres : amour profond, foi, lecture, jardinage, tendresse et complicité aussi.


J'ai eu un peu de mal au début à passer cette porte étroite. L'empathie auprès de ce jeune couple d'amoureux n'a pas été immédiate. Mais plus j'avançais dans la lecture, plus je me rapprochais d'eux, même si je ne partageais pas leurs choix : trop de passion divine pour elle, trop de laisser-aller ou laisser-faire pour lui. Et pourquoi finalement ? Ne pas oser vivre ? Ne pas goûter au bonheur terrestre ? le sacrifice au nom de la vertu ?

Difficile d'entrer dans la tête d'Alissa et de voir s'exalter ainsi sa passion et pour Jérôme et pour Dieu. On peut lui en vouloir de jouer ce rôle surtout quand elle dit souhaiter à son cousin de se marier avec une autre et d'avoir une fille qui portera son nom, en souvenir. Quelle ambivalence dans ses sentiments ! Mais elle se trompe elle-même en agissant ainsi et c'est bien ce que révélera plus tard ses écrits retrouvés.
Quant à Jérôme, on aimerait le secouer de tant d'effacement et de gémissement.

Un thème (amour courtois, valeurs idéalisées ; ce roman est paru en 1909) bien sûr loin de l'actualité d'aujourd'hui mais qui se lit avec plaisir. Les personnages et les lieux sont très bien dépeints, étudiés en profondeur, par l'auteur. Et l'on ressort de ce récit empli de tristesse pour ces amoureux, en se disant : quel gâchis, mais aussi en s'interrogeant sur le sens de la vie et le poids de la religion.
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“D'autres en auraient pu faire un livre ; mais l'histoire que je raconte ici, j'ai mis toute ma force à la vivre et ma vertu s'y est usée. J'écrirai donc très simplement mes souvenirs, et s'ils sont en lambeaux par endroits, je n'aurais recours à aucune intervention pour les rapiécer c'est ou les joindre ; l'effort que j'apporterais à leur apprêt gênerait le dernier plaisir que j'espère trouver à les dires.”

Entre Paris aux environs du Havre. Jérôme, étudiant à l'École Normale de Paris, et Alissa, qui vit en Normandie avec sa famille et sa soeur Juliette, se retrouvent chaque été chez l'oncle Bucolin dans son village de Fongueusemare. Jérôme et Alissa s'aiment d'un amour pur, discret, en toute simplicité. Ils vivent essentiellement cet amour par correspondance. Alors que leurs familles veulent officialiser leur relation, Alissa ne veut pas de fiançailles et Jérôme n'y voit pas d'intérêt non plus.

Alors, ils se séparent le temps des études, s'écrivent des lettres et se retrouvent occasionnellement lors de weekend ou durant les vacances.

Mais Alissa finit par s'effacer. Elle se sacrifie d'abord pour sa soeur, Juliette, qu'elle croit éprise de Jérôme, puis ensuite pour sa foi. Mais, le jeune homme ne semble pas vouloir s'effacer de sa vie.

La porte étroite”, publié en 1909, est l'un des nombreux romans d'André Gide, Prix Nobel de la littérature en 1947. Il s'agit de l'ouvrage qui a eu le plus grand succès en librairie lors de sa parution.

Ce roman parle d'amour et de renoncement. le récit est porté avec une écriture très douce, tout en délicatesse avec laquelle l'auteur glisse dans l'intimité d'un jeune couple. le lecteur lit leurs correspondances respectueuses tout en suivant l'évolution de leurs sentiments. Il s'en dégage beaucoup de sagesse et de sérénité.

La thématique et la plume de l'auteur me rappellent les oeuvres des auteurs classiques du 19ème siècle. J'ai beaucoup aimé me plonger dans cet univers entre spiritualité et relation amoureuse. J'ai trouvé l'écriture d'André Gide très élégante et agréable à lire. Cela m'a donné envie de poursuivre la découverte de cet écrivain avec “La symphonie pastorale”, un de ses textes majeurs.

Lien : https://labibliothequedemarj..
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Jerôme, venant de perdre son père va avec sa mère et une amie passer les vacances d'été en Normandie, dans la famille de son oncle, les Bucolin. Il tombe alors amoureux d'Alissa, sa cousine et son aînée de deux ans. Il soumet alors son projet de la marier. En même temps, Juliette, la petite soeur d'Alissa, est amoureuse de Jérôme. Alors Alissa se dérobe de plus en plus aux avances de Jérôme, préférant la spiritualité aux plaisirs terrestres mais celui-ci continue toujours de l'aimer. Alissa finit par mourir et léguer son journal à Jérôme qui comprendra le geste de sa cousine qu'il aimera toujours.

André Gide construit autour de ses personnages, un amour très pieux et religieux autour des sacrifices de chacun des protagonistes jusqu'à mener au drame. La porte étroite offre un récit exceptionnel de pudeur et d'abnégation des personnages mais avec tendresse et douceur dans lequel de nombreux parallèles à la vie de l'auteur.
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Ce roman paru en 1909 a été un des premiers succès littéraire de l'auteur.

Le narrateur, Jérôme, l'alter égo de Gide, perd son père alors qu'il n'a que 11 ans.
Sa mère et lui, passent toutes leurs vacances d'été près du Havre, dans la maison de Bucolin, son oncle. Jérôme s'amuse beaucoup avec ses cousines avec lesquelles il tisse des liens étroits. C'est particulièrement Alissa de deux ans son aînée, qui lui accorde toute sa confiance et avec laquelle il partage de nombreuses journées, des jeux puis, en grandissant, des discussions sur de nombreux sujets et des échanges littéraires...
Peu à peu, cette tendresse qui émaille leur relation, se transforme en amour réciproque et tandis que le jeune homme rêve de l'épouser, Alissa devient de plus en plus exaltée...les voir mariés est inéluctable !
C'est alors qu'Alissa découvre que sa jeune soeur Juliette, s'est également éprise de Jérôme. Elle va alors tenter de repousser le jeune homme tout en cherchant mille prétextes, afin que ce soit sa jeune soeur qui soit heureuse à sa place.
Mais Juliette renonce à Jérôme ainsi qu'à son meilleur ami, Abel, qui en était épris, et choisit une autre voie. Elle se marie avec Edouard, un riche viticulteur du sud et quitte la demeure familiale.
Jérôme qui n'a pas perdu espoir d'épouser Alissa, découvre que celle-ci le repousse encore, espace leur correspondance, préfère l'éloignement à sa présence, l'amour platonique à l'amour réel.
La foi protestante qui l'anime tombe dans l'excès, et incite la jeune fille à renoncer à tout amour terrestre et charnel dont au fond elle a peur, pour se consacrer à l'amour de Dieu...plus parfait à ses yeux.
Elle aurait pu choisir d'entrer au couvent, mais André Gide en a décidé autrement...

Voici un roman qui nous parle d'amour impossible non pas parce qu'interdit, mais bien parce que c'est Alissa qui se croit indigne de le recevoir. Elle se sacrifie d'abord pour sa soeur, puis parce qu'elle croit que c'est le seul moyen pour que Jérôme soit heureux et accomplisse son destin.
J'ai aimé la pudeur qui émane de ce récit, son côté romantique et bien entendu autobiographique. J'ai aimé aussi son côté vieillot et suranné...
J'ai aimé les descriptions légères et poétiques des années de jeunesse, de leurs jeux, du cadre bucolique qui les entoure.
La langue employée par André Gide y est pour beaucoup et bien entendu il est plaisant de s'y plonger.
Le roman est empreint cependant, ce qui contraste avec l'insouciance de la jeunesse, de rigueur, de références bibliques, des convenances de l'époque et de ferveur religieuse.
Sans faire une analyse approfondie de l'oeuvre que vous trouverez sans peine, si cela vous intéresse sur internet, d'après moi, André Gide veut également montrer que mieux vaut un amour réel, et réaliste, apportant mille petits bonheurs qu'un amour idéalisé, trop éloigné de la vraie vie, inaccessible et incapable de nous apporter des joies simples...
Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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Certitudes et incertitudes, espoirs et attentes. Les mots se réfléchissent, les rencontres se fuient et se trouvent.

Les lignes s'écrivent, les pages se noircissent et la vie passe puis lasse.

Chapitres de doutes et d'interrogations nous amenant progressivement à nos miroirs cachés.

A connaître dans ces approches et ces détours.
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Un texte "facile" à lire, mais difficile à interpréter!!
Toute la subtilité de ce texte d'André Gide consiste à livrer un roman à la première personne, même s'il y a plusieurs narrateurs via les courriers, qui semble relativement banal : un couple de jeunes amoureux s'éloigne l'un de l'autre à force de retarder leur engagement pour nombre de raisons qui apparaissent plus comme des prétextes que de véritables impératifs.
C'est le premier degré du texte, et le titre du livre suggère une expérience de nature spirituelle puisqu'il est fait mention de la porte étroite. Même si ce n'est jamais explicité dans le livre, c'était probablement évident pour les contemporains de Gide. La porte étroite fait référence à une réponse de Jésus à un jeune homme riche qui lui demande comment accéder au royaume de Dieu. Jésus répond qu'il faut se délester de ses richesses. Et d'expliquer à ses disciples que pour atteindre le royaume de Dieu, il faudra se dépouiller de tout ce que l'on porte, comme on doit délester un chameau pour le faire passer par la porte étroite (petit portillon accessible quand les grandes portes ne sont pas ouvertes).
Il s'agit donc de dépouillement, et d'une interprétation de l'évangile assez austère qui était probablement courante du temps de Gide, beaucoup moins mise en avant aujourd'hui. On parle également dans le texte de quiétisme (doctrine consistant à penser qu'on peut gagner son salut passivement, en s'abstenant d'agir mal) et de jansénisme (doctrine opposée exigeant beaucoup d'efforts de peur que la grâce de Dieu ne manque pour sauver le croyant). Alissa incarne à sa façon les excès du jansénisme par son désir de privation du bonheur, tandis que Julien incarne le quiétisme par son attitude d'acceptation inerte.
Bref, nos deux amoureux semblent plus en recherche spirituelle qu'en recherche charnelle, et le lecteur assiste à la désincarnation progressive de leur amour. La clé en est probablement dans l'attitude de la mère d'Alicia, qui bien que dépressive avait un amant, et donc une jouissance immodérée. Sa fille semble vouloir prendre le chemin inverse, un chemin d'austérité et d'abnégation, dont il est inutile ici de rappeler les différentes étapes, si ce n'est qu'elles vont la conduire à une sorte de mélancholie mortelle à force de réprimer ses sentiments.
Tout au long de la lecture, je n'ai pu m'empêcher de me demander, mais que ne cédent-ils à la passion des corps? le journal intime trouvé en fin d'ouvrage en livre une clé : les moments de grande froideur d'Alissia correspondent à ses luttes les plus intenses contre ses désirs.
Que Gide aie voulu critiquer l'austérité des moeurs de son époque et montrer à quel point elle pouvait être mortifère, nul doute là dessus. Cette austérité est un héritage du XIXème siècle et va continuer à peser sur la foi chrétienne tout au long du XXème siècle, on en voit aujourd'hui des traces dans les scandales liés à des maltraitances dans les orphelinats : il fallait maîtriser les tentations de la chair.
Nos deux héros sont de bonne volonté, presque trop, puisqu'ils acceptent les séparations, et même les provoquent comme de nouveaux moyens de s'assurer de la sublimer leur amour et de s'assurer de sa pureté.
L'intrigue se complique par l'amour de Juliette, la soeur d'Alicia, pour le narrateur. Une nouvelle chance pour Julien de rencontrer l'amour, qu'il va également laisser passer. Juliette va se marier à un homme qu'elle n'aime pas, mais avoir des enfants et être heureuse, tout en restant amoureuse de Julien. Elle représente le pragmatisme et le compromis alors qu'elle est à priori la plus passionnée des deux soeurs. Sa porte étroite à elle se révélera féconde.
Je ne peux m'empêcher de faire le parallèle avec une mystique contemporaine du roman : Thérèse de Lisieux, qui va également être en prise avec la dépression, et également donner sa vie, jeune, dans une extase mystique, en 1897, soit douze ans avant l'écriture du roman. La publication des journaux intimes de Thérèse lui vaut un succès mondial rapide et il n'est pas impossible que Gide en ait eu connaissance.
Quoiqu'il en soit, le livre fut salué du temps de Gide comme un éloge de la vertu, ce qu'il n'est probablement pas, car qui peut envier les deux protagonistes de l'histoire qui sacrifient ce qu'ils ont de plus beau pour une illusion qui n'a finalement pas de sens, et qui ne devient qu'un immense bourbier.
La conclusion en serait plutôt : méfiez-vous de trop chercher la porte étroite. La vie est effectivement suffisamment riche en porte étroites pour qu'on n'aille pas s'en inventer des supplémentaires!
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Gide est un auteur que j'ai toujours voulu lire mais l'occasion ne s'en était jamais présentée jusqu'à cette .
J'ai été ravie par cette découverte.
Il ne s'agit pas d'un roman à rebondissement ni d'une histoire palpitante. Il faut donc passer son chemin si c'est cela que l'on recherche.
Il faudrait à mon avis d'abord lire la biographie de l'auteur pour bien comprendre sa position par rapport à la croyance religieuse.
En effet, dans ce livre, il s'agit de l'influence de la religion (ou plus exactement une des façons d'y croire et de la pratiquer) sur les relations amoureuses.
La porte étroite. le titre est très parlant car en plus d'être tiré de la bible, il illustre très bien le comportement des deux protagonistes.
Tout est si compliqué pour ces deux êtres qui ne cessent de se lancer des défis et de se fixer des objectifs de plus en plus hauts.
Lui, soucieux de séduire, idéalisant la femme qu'il aime. Celle-ci, indécise, ne sachant visiblement pas trouver un équilibre entre sa foi et son coeur ou aimant beaucoup plus l'idée d'être aimée que l'amour lui-même ?
Le style est parfait. Je me suis délectée de ces échanges épistolaires qui rappellent très bien ce que disait je ne sais plus qui: "Les mots nous ont été donnés pour déguiser notre pensée".,
Sous certains aspects, le livre peut sembler long malgré le nombre de pages plutôt négligeable. Il pourrait même agacer certains lecteurs.Mais n'est ce pas là le but recherché ? Une façon silencieuse de "critiquer", de montrer comment certains peuvent se compliquer gratuitement la vie avec certaines croyances religieuses ou pas et ce sans que l'auteur ne s'implique directement.
Ceci dit, la relation entre les deux concernés aurait-elle duré si elle avait été "consommée". Certains ayant tendance à courir après un idéal beaucoup plus qu'une personne.
Cependant, je pense avoir très mal compris la fin du roman. Qu'est-il donc arrivé à Alissa ?
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La porte étroite est le lieu où tout se noue et se dénoue.
Cette porte décrite dans le verset du pasteur comme celle qui conduit à la vie est, comme le chemin, si étroite que deux personnes ne marchent pas de front (p 167). C'est pourquoi, entre vertu et amour facile, naturel et médiocre, Alissa choisit « mieux que l'amour » : une « joie progressive » qui va la conduire, sinon à la vie, à la pureté de son amour exacerbé pour Jérôme.
Plus sur anne.vacquant.free.fr/av/
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LA PORTE ETROITE - André GIDE. Juin 1998 N° 201

J'ai relu avec grand plaisir ce roman de Gide pris au hasard dans ma bibliothèque. J'y ai retrouvé cette atmosphère désuète des amours d'adolescents et de ce temps où on parlait encore de fiançailles, de sentiments amoureux, d'attente, de cour, de timidité, de sacrifice, d'élans vers Dieu, de recherche de sainteté... Toutes choses qui ne font plus partie des thèmes traités actuellement par notre littérature contemporaine.
L'entéléchie recherchée en Dieu par Alissa au prix du sacrifice de son amour pour Jérôme était sans doute le reflet de ce siècle puisque ce livre est paru en 1909.
Ce que j'ai apprécié surtout, au-delà même de l'histoire c'est le texte lui-même, tressé dans ce style si particulier, à la fois simple et clair qui fait tellement honneur à notre belle langue française.
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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