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Une exceptionnelle lucidité
Après la dénonciation du colonialisme au Congo, pas si fréquente à l'époque, Gide fait fort en revenant d'URSS avec ce livre passionnant, incisif et auquel on n'aurait guère de virgule à retrancher ou ajouter, tant il a été clairvoyant comme....comme presque personne à vrai dire à cette date là. Car sa dénonciation n'est pas fantasmée, mais elle s'appuie sur des faits, sur son expérience de voyageur dans l'URSS de Staline manipulé mais toutefois conscient de l'être.
Gide a aussi, comme beaucoup, ses petites casseroles, mais sur le plan politique il fut exceptionnel à au moins deux reprises et sur deux sujets majeurs, la colonisation et l'URSS. Ils ne sont pas si nombreux à pouvoir en dire autant (formule rhétorique car, à son niveau, je n'en vois guère...On songe à Camus mais, génération oblige, sa lucidité prend forme plus tard).
Chapeau.
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La révolution russe d'octobre 1917 suscita de grands espoirs dans le reste de l'Europe, aussi bien parmi les 'classes laborieuses' que chez de nombreux 'intellectuels'. L'URSS devait être le laboratoire du marxisme, un laboratoire si grand et si beau que la révolution prolétarienne s'exporterait dans le monde entier.

Le régime soviétique utilisa la propagande comme instrument de conservation du pouvoir et comme outil de conquête externe. L'invitation d'auteurs étrangers connus pour leur sympathie avec la cause permit à Staline de véhiculer une image positive.
C'est ainsi qu'en 1936, André Gide, récemment converti aux idées communistes, est invité pour visiter le pays. Il s'y rend accompagné de Jef Last (écrivain et journaliste), Jacques Schiffrin (éditeur et traducteur d'auteurs russes), Eugène Dabit (écrivain et peintre, décédé lors de ce voyage), Pierre Herbart (écrivain) et Louis Guilloux (écrivain).
En 1927 et 1928, André Gide avait fait paraître 'Voyage au Congo' et 'Retour du Tchad', dans lesquels il dénonçait les pratiques des compagnies commerciales et de l'administration à l'encontre des Noirs.
En URSS, André Gide et ses compagnons sont traités comme des princes (Gide explique n'avoir jamais pu régler une addition), leurs déplacements sont organisés et encadrés. Ils assistent aux funérailles de Maxime Gorki (1868–1936), écrivain officiel et père du courant 'réalisme socialiste'.

Le témoignage que Gide publie à son retour est clairvoyant et sincère, et surprend le pays hôte qui espérait plus de reconnaissance - et d'aveuglement.
Gide explique qu'il croit encore que la révolution russe pouvait apporter des bienfaits au pays, note avec satisfaction que l'éducation n'est plus réservée à une classe possédante, mais qu'il ne peut pas taire la réalité du régime stalinien.

Dans 'Retouches à mon retour de l'URSS' publié quelques mois plus tard, André Gide répond à ses détracteurs, y distinguant les naïfs (Paul Nizan) des malhonnêtes.
Le propos de Gide est cette fois étayé de chiffres et de témoignages complémentaires, qui rendent sa lecture plus fastidieuse et moins percutante. Il reste cependant clair sur le devenir de cette révolution russe qui a accouché d'un monstre.
Ainsi : « L'URSS change de mois en mois, je l'ai dit. Et c'est bien ce qui m'effraie. De mois en mois, l'état de l'URSS empire. Il s'écarte de plus en plus de ce que nous espérions qu'il était - qu'il serait ».

Ce témoignage important sur l'un des régimes totalitaristes qui marqua le XXe siècle est d'autant plus remarquable que ce type de voyage était fortement encadré et que Gide ne parlait pas le russe. On ne peut qu'être admiratif de sa clairvoyance, et de son honnêteté intellectuelle.
En France, un demi-siècle plus tard, certains refusaient encore d'admettre l'échec de la révolution russe au regard de ses promesses d'émancipation ! Ils n'avaient pourtant aucune excuse depuis bien longtemps.
____

Ces quelques extraits illustrent bien son propos :

- En U.R.S.S., il est admis d'avance et une fois pour toutes que, sur tout et n'importe quoi, il ne saurait y avoir plus d'une opinion.
- A propos de 'l'autocritique', alors en vogue en U.R.S.S. : « Cette critique ne consiste qu'à se demander si ceci ou cela est 'dans la ligne' ou ne l'est pas. Ce n'est pas elle, la ligne que l'on discute. Ce que l'on discute, c'est de savoir si telle oeuvre, tel geste ou telle théorie est conforme à cette ligne sacrée ».
- Il n'y a plus de classe en U.R.S.S., c'est entendu. Mais il y des pauvres. Il y en a trop ; beaucoup trop.
- L'esprit que l'on considère comme 'contre-révolutionnaire' aujourd'hui, c'est ce même esprit révolutionnaire, ce ferment qui d'abord fit éclater les douves à demi pourries du vieux monde tsariste.
- Et je doute qu'en aucun autre pays aujourd'hui, fût-ce dans l'Allemagne de Hitler, l'esprit soit moins libre, plus courbé, plus craintif (terrorisé), vassalisé.
- 'Dictature du prolétariat' nous promettait-on. Nous sommes loin du compte. Oui : dictature évidemment ; mais celle d'un homme, non plus celle des prolétaires unis, des Soviets.
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Polémique à plus d'un titre, “Retour de l'URSS” d'André Gide paru en 1936, a fait naître beaucoup de vocations et peut être, considéré comme le premier essai, à provoquer une des grandes polémiques ayant secoué le Landerneau culturel français au temps fort de la guerre froide. Un intellectuel de gauche doit-il s'élèver contre les dérives commises par les régimes communistes notamment, l'URSS, ou doit-il se taire et ne mettre son intelligence qu'au service de l'anti-impérialisme ? Tels sont, grosso-modo, les termes de cette polémique qui semble encore survivre, malgré la disparition de l'URSS et la débandade de presque tous les régimes communistes. Compagnon de route du parti communiste, dans les années trente bouillonnantes, André Gide, éminent intellectuel engagé contre le fascisme, était invité avec d'autres intellectuels, à visiter le pays de la “révolution rouge”. Là ce qu'il va voir, va tellement l'estomaquer que beaucoup de ses convictions en seront ébranlées. En intellectuel engagé, il ne pouvait se taire devant les exactions et les dérives constatées, aussi décide-t-il d'écrire. “Retour d'URSS” pour témoigner et surtout dénoncer le régime soviétique. Culte du chef (staline), absence de libertés individuelles et collectives, contrôle et manipulation de l'opinion, contrôle des productions artistiques et lutte contre tout art ne respectant pas les canons du régime, niveau de vie médiocre pour les masses populaires et embourgeoisement de certaines couches sociales… autant de dérives que Gide se fait un point d'honneur de dénoncer, car elles trahissent on ne peut plus, l'idéal révolutionnaire, tant galvaudé par le régime soviétique. Par cet essai, Gide demande à ses frères intellectuels d'être vigilants et de prendre les distances qui s'imposent face à des régimes totalitaires. Mal compris, des réactions hostiles pleuvront de partout. Mais tenace, Gide persiste et signe, il complétera même son essai, en réponse à ses détracteurs par un autre essai “Retouches à mon retour de l'URSS”.
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Avec « retour de l'URSS » on est loin de la « symphonie pastorale ». Gide s'est engouffré dans la voie du communisme et de la soviétisation. Lui et ses amis de voyages ont été invités à venir se rendre compte par eux même des progrès réalisés dans la vie de tous les jours grâce au régime stalinien. A son retour Gide rédige un livre qui marque son désenchantement ainsi que celui de ses compagnons de voyage non dupent de l'état du pays qui leurs est présenté. C'est une des premières critiques sur le régime et Gide sera attaqué par les militants communistes à qui il offrira une réponse dans son « retouche à mon retour de l'URSS ». Ce témoignage important né de la plume délicate d'un des auteurs majeur de l'entre deux guerre ce lit agréablement. C'est une critique toute en délicatesse qui cependant ne mâche pas ses mots.
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Lire ce livre plus de quatre-vingts ans après sa publication et après ce que l'histoire nous a appris n'enlève rien à l'intérêt pour le contenu ni surtout pour la polémique qu'il a suscité. Rappelons-nous que toute la crapulerie communiste s'est dépassée pour clouer au pilori l'écrivain qui avait simplement décrit ce qu'il avait vu. Mais il était interdit de dire les faits. On reverra un épisode similaire après la guerre avec l'affaire “Kravtchenko” et le procès intenté par le journal de propagande “Les lettres françaises” avec la p. en chef Aragon. Les temps n'ont pas changé Roussel le politicard du PCF (oui, ça existe encore !) réclame l'interdiction de parole de Z. Ah le Goulag, quelle belle institution, messieurs ! On peut parier que la clique journalicarde actuelle se serait unie aux cris des hyènes (terme de propagande en vogue à l'époque). Heureusement, elle peut remettre le couvert avec une certaine religion, d'amour et de progrès (sic).
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Dès 1935, avec Boris Souvarine, André Gide fait parti des premiers français déçus par le communisme.

En effet, à travers son voyage en U.R.S.S., André Gide nous décrit un contexte sociétal terrifiant :
– Dès leur plus jeune âge, dans les jeunesses communistes (Komsomols) : l'Etat encourage les enfants à dénoncer autrui ; les gens sont endoctrinés, fichés et surveillés ;
– La liberté de penser par soi-même est considérée comme « contre-révolutionnaire » ;
– le but à atteindre est : le nivellement social, l'uniformité des comportements et des esprits ;
– Certes, il n'y a plus de « classe sociale », mais TOUS sont pauvres, sauf les dirigeants du Politburo évidemment ;
– Les gens ne peuvent pas se plaindre puisqu'ils n'ont pas de point de comparaison, étant hermétiquement coupés du reste du monde (pas de journaux hormis l'officielle et Etatique Pravda, interdiction d'expression, d'opinion, etc.) ; et de toute façon, l'Etat-Parti unique ment au peuple, fait de la propagande en lui disant que les conditions sociales sont pires encore, dans le reste du monde ;
– Interdiction de quitter l'unique Parti Communiste ;
– Interdiction du droit de grève ;
– Pas de possibilité de se déplacer librement dans le pays (passeport intérieur).

Dans ce système totalitaire communiste, l'Etat promet le « bonheur »… pour plus tard ; mais d'abord il faut travailler à l'édification de l'idéologie communiste, la fumeuse « dictature du prolétariat », effectuée dans le cadre de la « lutte des classes » (guerre civile). Des générations entières ont travaillé (esclavagisme) et espéré pendant 74 ans, de 1917 à 1991. Mais en guise de récompense le peuple Russe a juste eu le droit : à la déportation en camps de concentration (environ 18 millions de personnes) et/ou à l'extermination (environ 20 millions de morts innocents) !

Et le « bonheur », lui, n'est jamais advenu !
Lien : https://totalitarismes.wordp..
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Pour rendre un dernier hommage à Maxime Gorki, l’écrivain officiel d’URSS, André Gide, est invité par le gouvernement soviétique pour lire un discours sur la place rouge le jour des funérailles de Gorki. L’auteur accepte, excité de partir en URSS qui paraît être pour lui un havre de culture égalitaire. Dans ce récit de voyage, Gide commence à encenser les réalisations culturelles que le gouvernement soviétique lui montre. Il découvre ainsi par exemple que chaque ville et village possède un centre culturel, que chaque usine possède une bibliothèque. Mais très vite Gide commence à constater une uniformisation de la société d’URSS. « En URSS, il est admis d’avance et une fois pour toutes que, sur tout et n’importe quoi, il ne faut et ne saurait y avoir plus d’une opinion ».

Pour André Gide, ce qui fait la valeur d’un artiste, c'est sa force d’opposition anticonformiste. Avant son voyage celui-ci s’interrogeait alors : Qu’adviendra-t-il si le parti unique d’URSS enlève à l’artiste tout motif de protestation ? Quelle est la place de l’art en URSS ? Et lauteur n’avait pas vraiment tort de se poser cette question puisqu’il se voit répondre que pour qu’une œuvre, par exemple musicale, fonctionne, il faut que le peuple puisse fredonner l’air en sortant de l’opéra. Une forme simple sur un fond socialiste. Si une œuvre est jugée trop complexe, elle ne sera plus jouée, l’artiste sera censuré. Il fut pourtant un temps où l’on pensait encore que « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface »

Ce qui m’a dérouté dans ce témoignage (et qui a aussi dérouté l'auteur), mais étais-ce peut être préparé, c’est le façonnement de l’esprit des jeunes élèves soviétiques. En effet, L’URSS joue sur l’enclavement de leur pays pour inculquer à leurs enfants ce que Gide appelle « le complexe de supériorité ». Les élèves d’une école très sélective que visite André Gide sont par exemple certains que l’école n’existe pas en France. Car un pays n’ayant pas encore « fait sa révolution » est un pays arriéré. Ceux-ci sont soucieux de ce que l’étranger pense d’eux, de savoir si les pays occidentaux les admirent autant qu’ils doivent l’être.

Il s'agit ici d'une des premières critique de ce régime. On y découvre une pensée uniforme d'un peuple endoctriné, modelé par la propagande du Parti, et ce dés le plus jeune âge. Ce livre d’André Gide m’a apporté beaucoup de réponses sur cette URSS post-constructiviste.
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Je dois avouer que le livre m'avais bien tenté. L'histoire de l'auteur qui s'intéresse au communisme et qui par son voyage dans l'URSS, se rend compte du pot aux roses.
L'histoire m'intéressait beaucoup, surtout que c'était à une époque où l'on doutait peu du "mauvais coté" de l'URSS, et où les seuls personnes qui affirmait fort ce "mauvais coté", étaient tout de suite défoncer par le parti communiste.

Cependant, un reproche sur ce livre. C'est vrai que le lire en 1937, cela devait être très intéressant, mais aujourd'hui au 21ème sicle, avoir des détails chiffrés sur les écoles construites, la valeur du roubles, le nombres de travailleurs etc. m'intéresse pas beaucoup, car je m'en suis lassé à force.

Je dois cependant reconnaitre que remit dans son contexte, cela à du être une bombe, et l'auteur le dit dans "Retouches à mon..."que son livre à susciter de nombreuses réflexions du parti communiste au moment de sa sorti.

Ce qui est intéressant, c'est quand GIDE parle de personnes au sein du PC et qui soit : se voile la face, ou bien cache la réalité, mais l'on sent comme une gène de montrer la vérité aux gens, et ce traitement par GIDE m'a beaucoup plu.

Alors, je mets 3.5 car le livre, le sujet apporté m'a intéressé et j'ai appris aussi.

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André Gide, prix Nobel de littérature en 1947. En 1936, il publie cet irremplaçable témoignage sur l'URSS de Staline. L'histoire a montré que Gide avait raison et que la société soviétique était bien telle qu'il la décrivait. Mais l'époque était différente. le Parti Communiste était puissant et Gide eu à faire face à sa machine de propagande. L'ouvrage est suivi de la réponse de Gide à ses contradicteurs. Par delà les années, un livre à méditer sur l'espoir révolutionnaire déçu et les mensonges d'un régime politique pervers et destructeur de l'individu que des opportunistes et des cyniques en occident ont soutenu en connaissance de cause.
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