Citations sur Chiens de sang (92)
On compare parfois la cruauté des hommes à celle des animaux, c'est faire injure à ces derniers.
Dostoïevski
Adolescente, elle enquêtait sur elle-même. Et sur ceux gravitant dans son périmètre. Des investigations qui ne menaient à rien ou pas grand-chose. Sauf à la conclusion, pessimiste, réaliste, que la vie est un enchaînement de difficultés à surmonter.
Que la joie est éphémère, la douleur infinie.
Que le bonheur est de secondes, la souffrance d'éternité.
Le témoignage d’un sans-papiers malien contre celui d’un richissime propriétaire terrien, ça ne vaut pas grand-chose. Même si les gendarmes de base auraient bien voulu mettre leur nez dans ses affaires.
Mais non, il ne sera plus harcelé. C’est déjà une histoire ancienne. Les képis sont muselés, persuadés en douceur qu’il s’agit là d’une fable abracadabrante. Qu’ils ont en face un homme au-dessus de tout soupçon. Un ami des puissants de cet État, irréprochable.
Irréprochable.
— N'empêche que tout ça, c'est de ta faute ! s'insurge Gilles. Et t'avais pas à tirer sur la photographe ! C'était pas ce qu'on avait prévu ! On devait juste la choper et lui parler !
— Tu commences à me casser les couilles, petit ! prévient Margon.
Mais le jeune homme reste sourd aux avertissements ; il continue à chatouiller le chef de meute, à le prendre à rebrousse-poil.
— À cause de toi, on a tué un type et on poursuit une pauvre fille ! À cause de toi, on est dans la merde, jusqu'au cou !
- Tu sais, je t'aime bien ! ajoute Rémy. Et puis je trouve que ton prénom est vachement classe ! Sarhaan... Sarhaan...
- Ca veut dire libre en français.
Comme quoi, on ne porte pas toujours bien son prénom.
Sur un journal intime, soigneusement caché, elle a griffonné un jour : la douleur n'a pas de limites contrairement au bonheur.
Ca lui semblait un résumé parfait, comme le rapport du légiste après une autopsie.
Mais quelques heures plus tard, elle a repris son stylo, pour ajouter, juste en dessous : Je me sis trompée ; douleur et bonheur ont tous les deux une même limite : la mort.
Elle n'a plus jamais rien écrit sur ce journal. Ni sur aucun journal. Comme si elle avait effectué le tour de la question essentielle. Cruciale.
Puis, d'un simple regard, il enjoint à Sarhaan et Rémy d'agir avant qu'il ne soit trop tard.
Il y a des moments où la barrières de la langue n'existe plus.
Ils ont déjà un verre dans le nez, sont armés : l'alcool et la bêtise ne font en général pas bon ménage.
Faire la manche ou... se jeter sous les rues d'une bagnole.
Deux options, il n'en voit pas une troisième.
P87-88 : "Sauf à la conclusion, pessimiste, réaliste, que la vie est un enchaînement de difficultés à surmonter. Que la joie est éphémère, la douleur infinie. Que le bonheur est de secondes, la souffrance d'éternité."
P136 : "Le monde est ainsi fait, qui ne changera jamais. Les chasseurs d'un côté, les proies de l'autre".