Thor : Latverian Prometheus

Ce tome fait suite à Thor by J. Michael Straczynski - Volume 3 (épisodes 601 à 603, Giant size final) qu'il faut avoir lu avant. Il vaut mieux avoir commencé avec le début des épisodes écrits par Joe Michael Staczynski et dessinés par Olivier Coipel. Ce tome regroupe les épisodes 604 à 607, écrits par Kieron Gillen, dessinés par Billy Tan, encrés par BATT, avec Tan pour l'épisode 606, et mis en couleurs par Christina Strain pour les 604 & 605 avec l'aide d'Emily Warren pour le 605, par Paul Mounts pour les 605 & 606, et John Rauch pour le 606. Ce tome se termine avec un numéro spécial de Sif, écrit par Sue DeConnick, dessiné par Ryan Stegman, encré par Tom Palmer et Victor Olazaba.

Par un soir d'orage en Latvérie, Victor von Doom regarde au loin depuis le sommet des remparts, alors que les éclairs déchirent les nuages. La déesse asgardienne Kelda arrive par la voie des airs, exigeant de voir Loki, le père du mensonge car il a tué son amoureux Bill Cobb. Doom lui répond qu'il a rompu son association avec Loki, et il ajoute qu'il ne comprend pas pourquoi elle fait semblant de d'être affectée par la mort de Bill. C'était un mortel, et pas elle : le temps l'aurait éteint aussi sûrement que Loki. Il ajoute que les larmes de la déesse sont factices, qu'elle joue au deuil. Keda est hors d'elle et elle frappe Doom d'un éclair en lui assénant qu'il ne sait pas de quoi il parle. Elle est immortelle donc elle ressentira une peine immortelle. Elle constate qu'elle a détruit un robot Doombot, et qu'un câble partait de sa jambe par un escalier descendant dans les profondeurs du château. Elle descend jusqu'à un laboratoire avec une table d'opération tâchée de sang. Elle se retrouve prise à la gorge par une main avec un gantelet métallique, et Doom s'adresse à elle. Toutes les accusations que Bill a pu porter contre lui sont vraies : il se livre à des dissections d'asgardiens pour comprendre la source de leur pouvoir. le pouvoir qu'elle a déchaîné pour abattre le robot et qu'il a capté allait dans le sens de ses recherches, mais était insuffisant pour sa création. Il la tue.

À Broxton dans l'Oklahoma, Donald Blake marche dans la rue en s'aidant de sa canne, tout en parlant au téléphone avec Jane Foster. Celle-ci s'inquiète de savoir comment va sa jambe, s'il a demandé l'avis d'un autre médecin. Il répond que tout va bien, qu'il fait attention et qu'il appellera le grand blond s'il y a du danger. Il termine la conversation en la remerciant de lui avoir donné une idée. En Latvérie dans le camp des asgardiens, Heimdall souffle dans le cor Gjallarhorn. Balder le brave le remercie, ainsi tous les argadiens l'entendront et comprendront qu'il s'agit d'un appel au combat. Tyr arrive pour saluer Balder et l'informer que le recensement des dieux a été fait et qu'il en manque deux douzaines. Balder le remercie, en reconnaissant qu'il aurait dû faire appel à lui plutôt et écouter ses bons conseils. Pour combattre Doom et Loki, Asgard a besoin de toutes ses forces, et de ses armes les plus puissantes. Il se tourne vers Heimdall pour savoir où se trouve Thor. Son interlocuteur lui répond que le dieu du tonnerre n'a pas répondu à l'appel du cor.

En 2004, dans Thor: Ragnarok (épisodes 80 à 85), Michael Avon Oeming & Daniel Berman (scénario), Andrea Divito (dessins) mettent fin à la série de Thor, et l'éditeur Marvel décide de laisser reposer un peu ce personnage, avant de relancer la série en 2007, écrite par Joe Michael Straczynski qui lâche l'affaire au bout de 17 épisodes (1 à 12, 600 à 603, Giant size finale). Il revient donc à Kieron Gillen de reprendre les intrigues en cours et de les mener à leur terme, c'est-à-dire dans l'événement Siege de Brian Michael Bendis & Olivier Coipel au cours duquel Norman Osborn donne l'assaut à Asgard, à la tête de l'armée des États-Unis et des Dark Avengers. Il reste donc au scénariste au cours des 3 épisodes de ce tome (le 607 étant double), à amener l'intrigue à la situation de départ prévue pour Siege, autant dire qu'il n'a pas beaucoup de marge de manoeuvre. Il est bien sûr entendu que le dessinateur doit lui aussi faire l'effort de réaliser des planches dans la lignée de celle de Coipel qui a conçu un nouvel habit pour Thor, et de conserver toute la majesté qu'il lui a donné. Cela commence bien avec la couverture de l'épisode 604 qui semble avoir été dessinée par Coipel lui-même, avec un respect total de la conception de la tenue, une posture pleine de force, avec Thor accroché à son marteau, et une forme de grâce dans son mouvement. Celle du 605 est tout aussi réussie : une contreplongée penchée avec Doom au premier plan et Thor qui va s'abattre sur lui descendant du ciel. Celle du 606 montre le visage de Thor écrasé sous une botte métallique qui le plaque au sol, une posture de défaite sans appel.

Avec la première séquence, le lecteur peut constater que Billy Tan prend cette question de majesté au sérieux. La déesse se tient bien droite sur un petit nuage, dans une posture grave attestant de la douleur de son chagrin. Heimdall est tout aussi imposant avec son casque à corne bien sûr, mais aussi des gants et une lourde cape de fourrure, soufflant avec gravité dans le cor ouvragé qui appelle les asgardiens. Balder porte lui aussi un casque et une lourde cape de fourrure blanche, avec le regard portant vers le lointain et les bras croisés sur la poitrine. Tyr a une stature massive, des habits chauds, et également une lourde cape : une forme de noblesse médiévale. Seul Volstagg fait un peu désordre car il a revêtu un tablier de cuisine ornée d'une tête de vache violette, pour servir les omelettes dans le diner de Broxton. Un peu plus tard, Thor fait son entrée, majestueux, massif, guerrier prêt à l'affrontement, son marteau bien agrippé dans sa main : le lecteur lit sa détermination farouche dans son regard et dans sa posture, ainsi que sa détermination à se battre jusqu'à son dernier souffle. du coup, Docteur Doom bénéficie également de ces postures hiératiques : le lecteur peut voir que c'est un individu habitué au pouvoir, et entendant être obéi. Avec un peu de recul, il apparaît que les traits de contour de Tan n'ont pas la finesse de ceux de Coipel, ni la même élégance. Il n'est pas non plus adepte d'épurer au maximum les cases.

Effectivement, le dessinateur prend le temps de poser le décor, et de le rappeler régulièrement. Cela commence par le parapet en pierre du chemin de ronde du château où se tient Doom. le lecteur peut ensuite voir le laboratoire dans lequel Doom expérimente, ou charcute, les asgardiens : les accessoires évoquent fortement le laboratoire de Victor Frankenstein, avec quelques appareils électriques en plus. Par la suite, le lecteur peut se projeter dans une rue de Broxton en regardant deux façades différentes, dans le laboratoire de Reed Richards où une expérience requiert l'intervention de Ben Grimm pour repousser une chose, dans les bois aux alentours de la capitale de Latvérie, qui eux sont beaucoup moins bien définis (impossible de reconnaître l'essence des arbres, relief incohérent d'une scène à l'autre). Les coloristes utilisent à bon escient les possibilités d'effets spéciaux infographiques pour nourrir les dessins, les compléter, ce qui donnent lieu à des visuels mémorables : l'arrivée de la déesse au milieu des éclairs, l'arrivée de Thor avec son marteau brandi au-dessus de la tête, le cadavre de Kelda brandi par Doom au-dessus des créneaux, Heimdall utilisant sa vision pour découvrir où se trouve le coeur de Kelda, Doom contemplant le cadavre d'un asgardien sur la table de dissection, etc.

Le lecteur se sent rassuré par la qualité de la narration visuelle même si elle n'égale pas celle de Coipel, ce qui le met en confiance pour l'histoire elle-même. Il retrouve les différents fils d'intrigue en place dans les épisodes précédents, et constate que le scénariste parvient lui aussi à écrire dans la lignée de son prédécesseur, en conservant une partie de son ton. le lecteur découvre l'issue de l'amour de Kendal, l'objectif réel de Doom en ayant accueilli les asgardiens sur le territoire de son pays, l'arme qu'il a en réserve pour faire face à Thor, ainsi que l'évolution de l'alliance entre Doom et Loki. Il conçoit des affrontements spectaculaires entre les différentes parties, et son récit réserve quelques surprises bien senties. le lecteur se console donc plutôt bien du départ de JMS en voyant qu'il a droit à une suite bien construite de son intrigue.

Alors que les repreneurs de la série s'en sont allés au bout d'un peu plus d'un an, le lecteur n'est pas forcément très bien disposé vis-à-vis des successeurs même s'ils n'y sont pour rien. Il constate que les responsables éditoriaux ont fait le nécessaire pour dégoter des créateurs d'un bon niveau. Billy Tan fait le nécessaire pour coller à l'esthétique des épisodes précédents, avec une réussite satisfaisante, mais pas le même niveau d'élégance. le scénariste suit un chemin tout tracé vers Siege, en faisant preuve d'une réelle conscience professionnelle : il ne se contente pas de relier les étapes imposées. Il retrouve une partie du panache des épisodes précédents, et il concocte des scènes mémorables, en particulier pour ce qui est des affrontements physiques. En revanche ni lui ni l'artiste n'ont la latitude d'apporter une touche personnelle.