Il faisait un temps de plein hiver rose et gris, si aigre qu’au plus petit déplié de vent on était griffé à pleine peau. Dès le matin, de longs nuages pointus comme des barques traversèrent le ciel. Rien ne bougeait, sauf cette silencieuse navigation.
La pluie a ciré les branches nues des arbres. L’hiver est venu. Les nuits sont mortes. Il n’y a plus d’étoiles, plus de bruit, plus de vent.
Je ne dormais plus. J’écoutais le temps qui glissait dans la nuit.
Mes mains étaient bleues de froid. Puis le temps se mit à ronronner et il joua avec la terre à demi-griffe, comme un chat avec une pelote de laine. Des fois on sentait la griffe, d’autre fois la douceur tiède d’un beau poil profond, parfumé de sueurs de bêtes. Enfin il griffa le dessus des arbres et les fleurs sortirent ; il égratigna les prés et on entendit les rainettes ; il creva les collines ; les rossignols s’envolèrent et ce fut le printemps.
Le silence était tout autour de nous comme du sable dans du vent. A peine s'entendait de loin en loin le bruit d'un pinson éveillé qui tapait du bec sur sa mangeoire. Un mouton soupira. La nuit dehors, eut comme un tressaut des ailes, puis elle resta sans bouger à couver le monde sous ses plumes noires.
Les jours recevaient de grands coups de feu qui éclaboussaient de la poussière jusqu’aux hauteurs du ciel. On trouvait sous l’ombre grise des thyms des alouettes exténuées, paupières clauses, haletantes, ébouriffées et qui revenaient des hauts parages de l’air. Tout le long du jour, sous les coups de soleil, elles jaillissaient comme des étincelles, elles fusaient en sifflant jusqu’aux assises de ciel bleu où ruisselait encore un mince fil de frais. Leur scintillement s’éteignait et elles retombaient, grises et lasses. Les pies et les corbeaux restaient à l’affût, près des puits. Dès qu’ils entendaient grincer la chaîne, ils arrivaient. Ils appelaient vers la femme qui puisait l’eau. Ils venaient becqueter les flaques d’eau et, tout d’un coup, ils s’envolaient ; un renard débouchait du buisson, s’élançait, tête baissée, vers le seau, voyait la femme, sautait en arrière et repartait vers les collines. Il aboyait vers le soleil.
Soudain on déboucha sur le boulevard. On eut en plein visage toute la braise des étoiles et on entendit les collines qui gémissaient sous la main du vent.
Sa main dure se posa sur ma tête comme pour y maçonner des rêves.
L’été, vers midi, une goutte de soleil descendait dans la cour comme une guêpe puis s’envolait.
Le soleil et le printemps se battaient là dehors, à coups de vent tiède ; les fleurs d’amandiers volaient de tous les cotés.