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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Saisir l'effacement du plus célèbre des musiciens inconnus. Poignant et lumineux.

La musique est une histoire de peau et de corps, comme Arno Bertina le montrait dans le formidable «J'ai appris à ne pas rire du démon» sur les vies de Johnny Cash. L'histoire de Johnny Cash était celle d'une présence forte, sombre et explosive, celle de Jackson C. Frank, dans le deuxième roman de Thomas Giraud paru le 9 février 2018 aux éditions La Contre Allée, est celle d'un effacement poignant, une ballade silencieuse.

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Thomas Giraud, commence par un incendie l'histoire de Jackson C. Frank. de la destruction vient la création. S'ensuit un séjour à l'hôpital et une greffe de peau qui le marque à vie, physiquement et moralement. Puis la première guitare, la rencontre avec Elvis Presley… Jusqu'à ses premiers enregistrements, pour le moins très inhabituels !

Du détail des sensations du jeune musicien à vivre avec ses « morceaux de peau » à ceux de sa ville natale de Cheektowaga, le récit sonne juste, comme si l'auteur était là, tapis dans l'ombre de Jackson C. Frank à suivre ses moindres pas et respirer le même air.

L'écriture de Thomas Giraud est fluide, poétique (d'une poésie sans prétention, sans effets de style recherchés) ; le jeu sur la typographie est intéressant : exit les guillemets qui cassent le texte avec une ponctuation lourde, on marque la parole par une simple majuscule, dans un style indirect libre.

Les éditions La Contre Allée – basées à Lille – sont à connaître. D'abord parce que le nom de la maison d'édition vient des paroles d'une chanson de Bashung ; ensuite, parce que leurs livres en tant qu'objet sont d'un design moderne, avec un graphisme recherché, sont de qualité, imprimé sur un beau Munken bouffant ; enfin, parce qu'un livre comme La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank laisse imaginer une ligne éditoriale des plus intéressantes.
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La vie de Jackson C. Frank est jalonnée de drames traumatisants, et pourtant jaillira comme une fulgurance entre deux écueils son unique album « Blues Run The Game » qui marquera l'histoire de la musique folk.
« On entendra la souffrance pudique, la dignité, les détails précieux de cette mélancolie sans outrance et l'application émouvante à vouloir bien faire » (p. 124)

Au-delà de la biographie factuelle d'un homme que le destin n'a pas ménagé, Thomas Giraud nous fait entrer dans l'intimité psychologique du personnage nous partageant ses pensées, ses tourments et ses espoirs déçus.

Jackson C. Frank est hospitalisé durant plusieurs mois à l'âge de 11 ans suite à un grave accident qui lui laissera des séquelles physiques et psychologiques, il trouve dans la musique le parfait exutoire à ses souffrances.
Indemnisé une dizaine d'années plus tard par les assurances, sa passion pour les belles voitures et la musique le conduira en Angleterre.
Sa rencontre avec Paul Simon marque un tournant majeur dans sa vie, puisqu'il enregistre avec lui en 1965 un album qui deviendra un classique.

Malheureusement sa carrière naissante s'abrège dès la sortie des premiers titres.
« le succès n'adviendra pas. Les suites non plus, ou au moins pas à la manière qu'il avait envisagée. Il a le fond d'un lac dans le crâne, un lac vidé de son eau et qui n'aurait plus que la vase, des objets abandonnés par les pêcheurs ou les estivants, des poissons morts. Ce serait bien suffisant pour écrire des chansons, mais pourtant Je n'en suis pas capable. » (p. 125)

La suite de sa vie est alors une longue descente aux enfers entre folie, dépression, hospitalisations et errances, qui le laissera brisé, enfermé en lui-même.
« Il chante un peu mais seul, en silence, pour lui, pour le front et pour le brûlé, pour l'intérieur. » (p. 161).

Un récit entre pudeur et mélancolie, porté par une écriture sensible, dans un style parfois chaotique qui traduit le fil de la pensée du personnage.
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Phoenix désabusé, embarrassé d'un corps qui jamais ne parviendra à renaître de ses cendres, Jackson C. Franck revit pourtant depuis quelques semaines sous la plume de Thomas Giraud.
Après avoir posé son regard tendre et humain sur la trajectoire iconoclaste, légère et pleine de détermination du jeune Elisée Reclus, l'auteur nantais se penche aujourd'hui sur celle, plus sinueuse et plus sombre, d'un chanteur qui signera l'un des plus beaux albums de folk que l'Amérique ait connu puis sombrera dans l'oubli.

Le 31 mars 1954, un incendie ravage la salle de classe dans laquelle se trouvait Jackson. Quinze de ses camarades mourront. Lui devra désormais composer avec un corps meurti, mangé par le feu, et un visage déformé par la morsure des flammes. Sous les mots pudiques, précis et délicats de Thomas Giraud, la greffe dont bénéficiera Jackson se lit comme un événement déterminant et fondateur pour ce perdant magnifique.

« Ce n'est qu'un bout de peau mais il change toute la structure de son corps, se fait centre de gravité, dans tous les sens du terme, point de rupture et de tristesse donc, également. Ce bout de peau a tout réorienté. Ce qu'il aurait fallu, mais on ne le sait jamais au bon moment, c'est qu'il ait su que cette choses qui lui barrait le haut du front fascinait les autres, intriguait, créait une mélancolie curieuse et ajoutait une part de mystère à ce qui était resté de sa beauté initiale ; l'adolescence est le moment où l'on envie tout chez les autres et cette zébrure rose et orange suscitait l'envie, lui donnait le charisme de celui qui est revenu d'un scalp. »

Thomas Giraud, après deux romans, commence doucement à s'imposer comme un écrivain du fragment. du morceau. de l'éclat. du reste. Des brisures. Des bouts de ceci et bouts de cela. Bouts de pensée chez Elisée, révélateurs, émancipateurs, libérateurs. Bouts de peau chez Jackson, sclérosants, handicapants, aliénants puis, plus tard, structurants, inspirants. Thomas cultive l'art de s'appuyer sur ce qui compose, ce qui constitue, s'amoncelle, s'organise et non sur un tout déjà scellé, pour construire la partition de son récit. de la même manière que la toile de Rothko (Orange and Yellow) qui bouleversera Jackson peut s'interpréter comme une persistance rétinienne de l'incendie (cette fois-ci apprivoisé, structuré et presque rassurant), l'histoire réelle et réinventée de la photo de Jackson aux côtés d'Elvis peut se comprendre, là encore, comme un moment de vie consitutif qui inclinera la trajectoire de cet éternel timide vers les accords de guitare et le désir de marquer d'une empreinte brûlante l'histoire de la musique. Une toile, une photo. Un morceau d'art, un bout de souvenir…

Plein de ce morceau d'art et de ce bout de souvenir, Jackson quitte les Etats-Unis pour l'Angleterre. Là-bas, il sera repéré puis produit par Paul Simon. «Blues run the game » sort en 1965. C'est le seul album de Jackson C. Frank. Après, c'est le silence. La chute.
Mais ce sont les mots de Thomas qu'il faut lire pour comprendre et se laisser remuer par cette triste errance. Des mots dont il maîtrise à merveille leur économie, comme pour mieux nous faire sentir la mesure de leur poids et de leur sens. Comme pour mieux nous mettre à distance tout en invitant Jackson à nous murmurer délicatement ses plus intimes tourments.

« La ballade de Jackson C. Franck » est un roman poignant. Un roman teinté de gris. Musical et mélancolique. Un livre à offrir à tous ceux qui, un jour, ont posé leurs doigts sur un manche de guitare et cherché à faire sonner la magie de quelques accords lumineux. Mais il ne serait pas juste de penser que cette ballade n'est que musique. Elle est aussi chair et corps. « La ballade silencieuse de Jackson C. Frank » est à n'en pas douter un roman sur le corps. le poids du corps. le langage du corps. La dictature d'un corps qui se souvient et qui hante.

Un roman sombre et lumineux. Un roman de cendres et de flammes.
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Voici un livre très beau et original.

Il nous permet de découvrir un personnage qui a réellement existé, Jackson C. Frank, qui s'est lancé dans la chanson en même temps que Bob Dylan.
Sauf que ce dernier a connu le destin que l'on sait, tandis que Jackson C. Frank n'a enregistré qu'un album avant de sombrer dans l'oubli et d'arrêter sa carrière artistique.

L'auteur, dont c'est le deuxième roman, nous livre l'histoire de ce chanteur raté, de son enfance et adolescence, marquée par un drame personnel, de son renoncement à une carrière dans la chanson qu'il espérait brillante, plus grande que celle de Bob Dylan.

L'écriture est épurée, sensible et très agréable.

A lire je pense…en écoutant les chansons de Jackson C. Frank que j'ai découvertes à cette occasion.
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Attention : ceci n'est pas une fiction ! Enfin pas tout à fait. Si Thomas GIRAUD réinvente la vie du musicien de folk Jackson C. FRANK, il imagine son parcours à partir de faits réels, d'anecdotes qui servent de fil rouge à ce roman qui tient plus en fin de compte de la biographie sélective.

Le petit Jackson n'a que 11 ans en 1954 lorsqu'explose la chaudière de son école. Plusieurs enfants sont tués par l'incendie gigantesque, Jackson en gardera d'irréversibles séquelles psychologiques et physiques : front et poitrine brûlés, greffe à partir de la peau de l'une de ses cuisses. En somme, corps altéré de haut en bas. 8 mois d'hôpital, il en ressort changé, y compris aux yeux de ses parents.

Il se passionne pour la musique, pour Elvis. Sa mère l'amène visiter Graceland la propriété du King. Contre toute attente PRESLEY est chez lui, et entame même avec Jackson une conversation. Ce dernier commence à grattouiller sur une vieille guitare, s'en sort plutôt pas trop mal, alors il insiste : il sera musicien, meilleur que son maître Elvis, c'est en tout cas ce qu'il ambitionne. Sur son chemin il rencontre SIMON & GARFUNKEL, pas encore les monuments qu'ils deviendront bientôt mais déjà fort reconnus dans le milieu. C'est grâce à eux qu'il va enregistrer à Londres son premier album (c'est sur le bateau qui le mène en Angleterre qu'il en compose certains morceaux).

Jackson est un grand timide : en studio il refuse d'être observé par le célèbre duo alors qu'il joue ses chansons, il faudra y dresser un paravent afin qu'il puisse en toute sécurité enregistrer ses titres. Après quelques péripéties, le disque finit par sortir. Juste après un album de DYLAN qui fait de l'ombre à tout le monde. Succès d'estime pour Jackson, pas la ruée qu'il avait escompté. Il est pourtant persuadé que son disque est très bon, fameux même. Mais le public le renvoie à ses gammes, sans même une révérence.

Et puis plus rien : perte de l'imagination, pannes multiples dans les compositions, impossibilité de faire de nouvelles chansons. Et pendant ce temps-là, DYLAN, SIMON & GARFUNKEL montent en puissance et notoriété. le néant habite un Jackson au bord du désespoir. Oh il va bien tenter de rejouer ses titres, de les rendre plus attrayants, car si le public le boude c'est qu'il manque forcément quelque chose. Paradoxe ultime ou pied de nez du Destin : les reprises qu'en font d'autres interprètes sont plutôt bien reçues par la critique. C'est désormais l'errance pour Jackson, jamais il n'enregistrera de nouvelles chansons.

Voilà pour la partie biographique de Jackson C. FRANK. Dans ce roman de 2018, Thomas GIRAUD imagine les errements du musicien qui touche le fond, il le fait souffrir au quotidien. Mieux : il se fond, se love dans Jackson, prenant parfois sa place pour mieux endurer avec lui, sentir la détresse, tenter de le guider.

Le destin de Jackson C. FRANK est celui de beaucoup de musiciens, là j'évoque la carrière musicale, un coup de génie en pleine jeunesse mais un public qui boude, et une descente aux enfers sans freins ni lumière. Dans cette biographie romancée et en partie inventée, créée, chacun de nous pourra penser à un musicien de ses proches, ou un artiste qu'il révère pour cet unique disque sorti un jour et qu'il aura écouté jusqu'à ce que les sillons ressemblent à des tranchées. Souvent, la destinée de ces compositeurs vagabonds aura été truffée d'emmerdes en tout genre, sans compter les divers abus qui auront parfois raison du créateur baigné dans une autodestruction sans retour.

Mais ici, tout commence par une chaudière défectueuse qui semble sceller le destin de l'un de ses nombreux artistes qui ont peut-être trop cru en eux, se sont surestimés sans jeter une oreille ni un oeil sur la critique, et qui se sont perdus faute de modestie, de réalisme ou de recul. Quoi qu'il en soit, Jackson C. FRANK est reparti dans les ténèbres au pied de sa chaudière, comme lui quelque part défectueuse, et Thomas GIRAUD l'exhume de manière émouvante, on sent qu'il aime ce Jackson, qu'il a une tendresse particulière pour ce musicien incompris, peut-être le King des « losers ». Il aimerait tant le voir réhabilité, faire en sorte que son disque devienne enfin un classique.
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