Le Manteau

Je pense être passé à côté de la nouvelle.
Désireux de découvrir Gogol, amateur de nouvelles grinçantes, cruelles et satiriques, j'ai songé à me lancer dans texte d'une trentaine de pages, placé en exergue de l'édition garnier-flammarion pour introduire les Nouvelles de Pétersbourg. Quelle n'a pas été ma déception de tomber sur un texte qui, s'il est bien écrit et adopte un style léger, plus qu'agréable, n'en est pas moins la narration navrante d'un homme incroyablement commun et négligeable qui, une fois mort, reparaît sous forme de spectre (on est bien loin de la gravité solennelle de Hamlet). Ce changement est brusque, l'interruption dans la narration, après le vol du manteau d'Akaki, justifié par le narrateur comme "une histoire vraie", est un hiatus brutal, non nécessaire, profondément injustifié et qui n'ajoute rien à l'histoire, bien que c'en soit le dénouement. Dénouement des plus absurdes, au demeurant, puisque ce fantôme, loin de faire payer au centuple les injures qu'il a pu subir, ne fait que répéter le geste qui a causé sa mort, c'est-à-dire le vol de son manteau neuf.
J'avoue être venu sur ce site des critiques afin de glaner quelques explications à cette nouvelle. Après réflexion, je crains qu'il n'y en ait pas, que nous n'ayons affaire qu'à une nouvelle surnaturelle sans nécessité, peu drôle (exception faite du "personnage important", dont l'esprit étroit, qu'on découvre pitoyable hors de ses fonctions, fait légèrement sourire), peu sérieuse, dont le héros se comporte comme un automate (est-ce une dénonciation de la déshumanisation dans un travail administratif ? rien ne permet de l'affirmer, peut-être est-ce seulement un individu aussi réglé qu'une machine en raison de sa complexion propre, nul élément de la narration ne permet de le trancher), dans lequel les autres individus, à la fois adjuvants et adversaires du héros sont des fantoches dépersonnalisés... Peut-être le manteau, auquel s'attache Akaky déraisonnablement, n'est-il qu'une enveloppe posée sur la vacuité de sa vie et, sitôt qu'on la lui retire, il en meurt, dans l'indifférence générale. Je pourrais donc supposer toutes sortes d'interprétations à demi-valides, le fait est que la narration ne tend vers rien (et cette manie de briser le quatrième mur est des plus agaçantes, il m'a été impossible d'entrer sincèrement dans le récit), que le dénouement est inutilement surnaturel, que l'on ne peut rien en tirer de profond, du moins jamais avec certitude.
Bref, lecteurs, si vous aimez les nouvelles convenues et médiocres, sans relief, qui versent finalement dans un surnaturel de mauvais aloi, qui stagne dans le ridicule permanent et dont vous ne pourrez tirer aucun enseignement, aucun regard sur le monde, aucune analyse psychologique (si ce n'est que les employés de bureau sont des gouffres béants de vanité) et tout ce qui est susceptible, je dois le reconnaître, de susciter mon intérêt, cette nouvelle est faite pour vous. Sinon, passez votre chemin.