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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je viens de relire le Manteau, cette nuit. Je l'avais lue et adorée jadis dans une autre traduction : la saveur en est demeurée intacte à mes papilles. J'avais un peu peur de casser quelque chose en la relisant : quelquefois même les meilleures sauces rancissent en nous jusqu'à nous les faire moins aimer, peu aimer voire plus aimer du tout, tant l'être humain est fait de matière labile.

Mais Gogol, non ; il ne mange pas de ce pain-là, d'ailleurs ça ne mange pas de pain du tout de le lire via cette merveille de nouvelle. Prenant naturellement la suite de son maître et ami Alexandre Pouchkine, notamment si on la compare au Marchand de Cercueils, Nicolaï Gogol entreprend une nouvelle sur le ton caustique qu'on lui connaît ailleurs (dans le Nez, par exemple, ou le Revizor), tout en s'ingéniant à prendre le parti des humbles, des vaincus, de ceux qui ont les pensées courtes ou qui ne savent pas se vendre.

Ainsi naquit Akaki Akakiévitch Savatkine (un nom aussi grotesque en russe qu'en français et qui fait clairement référence aux savates), fonctionnaire de onzième zone, payé à coups de trique et de coups de pied au cul, paillasson de ses collègues et être transparent totalement incapable de prendre la moindre initiative ou d'assumer une quelconque responsabilité. Son truc à Akaki Akakiévitch, ce sont les écritures : là, dans ce registre (et même dans les registres) c'est un orfèvre, un vrai moine copiste de la haute époque.

Il se satisfait de peu Akaki Akakiévitch, se nourrit d'encore moins et n'espère pas beaucoup plus de l'existence que la joie d'avoir une nouvelle grande et belle page à recopier. Sorti de là, sa vie a les reliefs de la Hollande et le goût de ses fromages. Que voulez-vous ? Avec quatre cents roubles de salaire annuel, c'est déjà heureux de pouvoir manger une fois sur deux !

Aussi, représentez-vous le tonnerre, l'horreur, le cataclysme pour ce brave fonctionnaire lorsque le couturier qu'Akaki Akakiévitch était venu consulter pour le rafistolage de son manteau lui annonce que la pelure élimée qui remplissait jusqu'alors cet office est complètement pourrie et bonne à peine pour se moucher dedans ! Le coût d'un manteau neuf sera d'environ cent-vingt roubles…

Akaki Akakiévitch fait tout ce qu'il peut pour infléchir le verdict du couturier mais au fond de lui-même, il sait bien qu'il a raison et affronter l'hiver de Pétersbourg avec un manteau épais comme une mousseline n'est sans doute pas la meilleure chose à faire. Alors, la mort dans l'âme, notre brave Akaki s'en retournera chez lui, la tête basse en traînant les pieds, puis, se reprenant très vite et comprenant qu'il lui faudra faire durer les semelles, s'engage dans un titanesque travail d'économie au long court.

Jusqu'au jour lointain et fatidique où Akaki, exsangue et famélique pourra enfin poser sur le bout de la table la somme exigée pour la confection de ce manteau dont il a tant besoin. Qu'adviendra-t-il ensuite ? Ça, nul autre que vous ne pourra vous le dire car je refuse catégoriquement de repriser ce tissu, qui, au demeurant, n'est peut-être qu'un tissu de mensonges. J'aurais trop peur de me prendre une veste ou de me faire habiller pour l'hiver…

Mais je vous dirai encore ceci : selon moi, Gogol, dans cette nouvelle, frôle la perfection, ou tout au moins la très, très grande classe. Il bâtit une histoire universelle qui a beaucoup de points communs avec le personnage du vagabond de Charlie Chaplin, qui nous fait passer dans la seconde du rire aux larmes. Que d'émotion, que d'empathie suscitée pour le moins sexy des héros qu'on puisse imaginer, le type le plus court de vue et rébarbatif qui soit, il parvient à nous le faire aimer, à nous mettre mal à l'aise avec nos certitudes. Je vous tire mon chapeau et vous donne mon manteau Monsieur Nicolaï Gogol car vous tutoyâtes le génie avec ce texte. Du moins c'est mon avis qui a encore eu la bêtise de sortir non couvert, autant dire, bien peu de chose par le froid qu'il fait…
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La récente critique de @Mh17 ainsi que la liste de Mylena « L'Ukraine en littérature » m'ont donné envie de découvrir enfin cet auteur ukrainien que je n'avais toujours pas lu. J'ai choisi de lire ses nouvelles, elles viendront m'apporter quelques respirations entre des livres plus conséquents. Des respirations aussi pour approcher ces peuples, ukrainiens et russes, comprendre leur culture, impuissants que nous sommes, en ce temps de conflits et d'angoisse. le manteau est la première nouvelle du recueil « Nouvelles de Pétersbourg ».

J'ai immédiatement été très surprise par le ton caustique de l'auteur et sa façon de prendre le lecteur à parti, comme si nous étions face à lui et qu'il nous racontait une histoire tout en s'interrompant de temps à autre pour nous apporter une précision. Nicolaï Gogol prend le parti du plus faible, du plus démuni, de l'âme pure et innocente, du moins calculateur et du plus sensible. En l'occurrence Akaki Akakiévitch Savatkine (prononcez le à voix haute, quel curieux patronyme n'est-ce pas ?), petit fonctionnaire invisible parmi les différentes strates des fonctionnaires, homme sans histoire qui se contente d'un maigre salaire, passionné cependant par son travail qu'il fait consciencieusement, avec véritable passion même, à copier des actes officiels à longueur de journée.

« le plaisir qu'il avait à copier se lisait sur son visage. Il y avait des caractères qu'il peignait, au vrai sens du mot, avec une satisfaction toute particulière ; quand il arrivait à un passage important il devenait un tout autre homme : il souriait, ses yeux pétillaient, ses lèvres se plissaient et ceux qui le connaissaient pouvaient deviner à sa physionomie quelles lettres il moulait en ce moment ».

Malgré les railleries de ses collègues et les traits d'esprit dont il est la cible, Akaki mène une vie paisible et simple. Une vie d'ascète, sans responsabilité ni considération. Sans histoires, ni loisirs. Vous pensez, ses quatre cents roubles de salaire lui permettent à peine de manger à tous les repas. Alors, lorsqu'il se rend compte que son manteau est tellement élimé, presque transparent à certains endroits, qu'il ne peut plus remplir sa fonction première de protection contre le froid glacial russe, imaginez son désarroi lorsque le couturier lui dit qu'il ne peut plus le réparer tant il est usé, il lui faut changer de manteau. Acheter un manteau neuf au prix exorbitant de cent vingt roubles.
Après la sidération et un certain abattement, s'en suit un colossal combat des mois durant pour économiser cette somme, désormais si animé par la perspective de ce nouveau manteau qu'il en ferait presque des fautes dans son travail de copiste, et, malgré les repas sautés et la fatigue consécutive, il est heureux comme un enfant lorsque le manteau peut enfin être commandé, fabriqué puis porté. Une fois le manteau acquis le pauvre homme va se le faire voler et personne, parmi les forces de l'ordre ou parmi ses collègues, ne lui viendra en aide.

Je suis passée du sourire aux larmes dans cette courte nouvelle. le ton caustique s'entremêle à une certaine grandiloquence romanesque qui pose les fondements d'un style hors norme, une photographie de l'humanité où la bassesse, la méchanceté, la rudesse, l'indifférence tuent. Où les nantis, les fonctionnaires hautains, la bureaucratie sont épinglés. le talent de Gogol est de nous faire aimer cet anti-héros, cet homme pathétique, insipide et ennuyeux, d'éprouver une réelle empathie pour lui.

Une lecture triste intemporelle. le manteau, sous la plume de Gogol, devient tissu de mensonges, bâillon pour les plus démunis dans cette société où les dés sont jetés quelle que soit la bonne volonté qu'on y déploie… et Akaki d'en découdre toutes les ficelles…
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Pauvre Akaki Akakiévitch Savatkine !
L'obscur copiste dans un ministère - dont on préfère taire le nom pour éviter les ennuis - est un homme sans ambition mais attaché à son travail et heureux de son sort, malgré les railleries des autres fonctionnaires. Cependant, depuis quelque temps, le froid est devenu plus intense à travers son manteau usé jusqu'à la corde (une robe de chambre comme le nomme ironiquement les autres), et il doit se résoudre à en acquérir un nouveau.

C'est avec ses laborieuses et longues économies et au prix de « la réduction de ses dépenses ordinaires pendant au moins un an » – il est mal payé et ne peut espérer mieux – qu'il peut enfin commander à Petrovitch, son tailleur alcoolique, un pardessus neuf. Mais l'objet fini, qui fait d'abord le bonheur de son propriétaire et l'admiration de ses collègues, va ensuite attirer sur le médiocre conseiller titulaire perpétuel (c'est son grade) le plus grand des malheurs.

Cette bouleversante leçon d’humanité frise l’excellence pour décrire la bassesse, l’égoïsme, la vanité, l’indifférence des hommes, nous sommes profondément émus et tristes face à cette pitoyable existence qui aura toutefois un fantôme railleur et malicieux pour la venger. Le génie de Gogol est de faire du ridicule et sans grade, Akaki Akakiévitch Savatkine, un héros universel, un frère dont la misère nous atteint en plein cœur.
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Akaki Akakiévitch est un petit fonctionnaire de seconde zone, copiste de son état. Célibataire, cible constante des railleries de ses collègues, il survit difficilement avec un traitement de misère.

Il sait qu'il aura bien des difficultés à passer l'hiver avec un manteau trop usé. le tailleur lui demande un prix exorbitant pour lui et commencent les privations supplémentaires afin de pouvoir économiser pour payer l'objet tant convoité. Arrive le jour où il peut enfin porter ce nouveau manteau qui lui procure beaucoup de joie. Mais signe également son malheur.

Cette petite histoire est une satire sociale assez féroce qui décrit habilement les jeux de pouvoirs des fonctionnaires envers leurs subalternes. Nous croisons la vanité des hommes face à la misère de leurs concitoyens sans que jamais Gogol ne cède au misérabilisme.



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Voici une nouvelle comme on les aime : un personnage approfondi où en quelques pages on cerne la personnalité, un trame qui tient du début à la fin, un retournement de situation et une fin claire et net.

on retrouve ici, un copiste, pauvre qui n'a plus que sur le dos une simple capote usée, trouée, ...Son rêve : pouvoir s'offrir un manteau. Il économise chaque rouble jusqu'à pouvoir se l'offrir, enfin !!

Oui mais voilà, quelques jours après son précieux achats, il se fait voler et tout décringole ... jusqu'à en mouriir.

Et là Gogol fait le grand pas vers le mysticisme, en faisant revenir son personnage en fantôme tel un vengeur masqué qui dépouille les habitants de leurs manteaux. Il ne trouvera le repos que lorsqu'il aura obtenu celui qui lui aura valu la mort !
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Ah, Nikolaï Gogol… Cette nouvelle n'est probablement pas la meilleure des "Nouvelles de Pétersbourg" ; mais il n'empêche : nous avons là une nouvelle très bien construite, avec une pointe de fantastique qui intervient parfaitement à la fin.
On trouvera dans cette nouvelle, toute simple, beaucoup de réflexions intéressantes ; et puis, on y trouve une intelligence, des qualités de style que l'on voit rarement.
Cette nouvelle ne laisse pas indifférent. Dans "Le manteau", Gogol a mis tout son art, son style, son art du tragicomique, ses atmosphères si spéciales.
Comme toujours, chez Gogol, la nouvelle est pessimiste, noire, et finit de façon dramatique. Jamais, au grand jamais, le sourire de Gogol, le sourire qu'il y a dans des nouvelles comme "Le nez" ou "Le journal d'un fou" et qu'on peut trouver, parfois, dans une moindre mesure, dans "Le manteau", n'est un sourire joyeux. C'est un sourire sarcastique, un sourire qui méprise toute la société.
Car les "nouvelles de Pétersbourg" sont remplies, à vrai dire, de critique sociale. Et ce, de façon toujours discrète et subtile. Et, avec "Le manteau", peut-être plus encore discrètement et subtilement qu'avec d'autres nouvelles de l'auteur des "Ames mortes".
Magnifique !
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Ah la Russie en plein hiver ! Peut-on rêver paysage plus propice à l'évasion et au dépaysement ?
Après le nez, Gogol a su me séduire avec cette nouvelle se déroulant dans la ville et les rues de Saint Pétersbourg lorsqu'il y fait froid. On suit Akaki Akakiévitch obscur et discret copiste dans un ministère qui se voit contraint de se faire tailler un nouveau manteau pour remplacer le sien trop usé.
Gogol a le talent de savoir créer une ambiance, dépeindre des personnages et inventer une histoire forte, le tout en peu de mots et de pages. Il nous montre la bassesse, la mesquinerie et la cruauté des caractères humains. On ne peut que se prendre de compassion pour le personnage principal qui est pourtant bien commun et à qui il arrive une aventure des plus banales. Mais c'est peut-être là le génie de Gogol que de faire d'une histoire qui s'apparente au fait divers quelque chose d'universel et qui nous touche tous.
Le fantastique qui clôt merveilleusement ce texte permet un retournement des forces présentes dans le début de l'histoire et une vengeance bien agréable.
Cette lecture me convainc qu'il faut absolument que je me plonge dans les âmes mortes du même auteur, lecture que je repousse depuis bien trop longtemps.
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Un nouvelle drôle et absurde, j'ai beaucoup apprécié les références aux différents grades de la fonction publique russe.
Ces postes, hiérarchisés, donnent lieu à une quasi étiquette et une préséance digne de Versailles.
En dépit de la déférence manifestée par les protagonistes, ces postes n'en demeurent pas moins dénués de toute utilité, ce qui contribue à l'absurde du récit.
Drôle et efficace
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Le réalisme, le symbolisme qui apparaît nettement dans les oeuvres de Nikolaï Gogol dès les années 1830, va marquer de son empreinte toute la littérature russe du 19 e siècle qui va se révéler au monde comme une cuvée exceptionnelle, une pépinière de talents quand ce ne sont pas des génies.

A propos du Manteau, Dostoïevski a dit "Nous sommes tous issus du Manteau de Gogol" . Il pensait évidemment à ce nouveau courant réaliste. Bon, ce manteau usé, minable de Akikiévitch petit fonctionnaire prend tout son sens dans cette Russie de Nicolas 1er, comme les bottes percées du serviteur de Maître et serviteur de Tolstoï. Mais c'est une tonalité sociale qui s'est invitée dans la littérature. le pardessus usé du Vieux de Ferrat pourrait être cette pelisse usée, minable de Akakiévitch, et le vol de bicyclette de de Sica, le manteau tout beau tout neuf de l'infortuné du Manteau . On ne va pas épiloguer sur le réalisme en matière d'art, on voit bien ce que cela veut dire. Il y a bien là un héritage qui a grandi la littérature.
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Nicolaï Gogol est vraiment un narrateur hors pair. Il arrive à nous tenir en haleine avec une petite histoire de bureaucrate mal habillé.
"Le manteau" est extrait du recueil Nouvelles de Pétersbourg publié en 1843. Cette nouvelle raconte la vie banale puis tragique et le destin fantastique d'Akaki Akakiévitch Bachmatchkine.

Sa vie est banale parce qu'il est conseiller titulaire dans un ministère. C'est un fonctionnaire besogneux en butte aux moqueries de ses collègues qui va devoir économiser longtemps pour enfin s'acheter un manteau neuf.

Sa vie devient tragique parce que le manteau est volé le jour même de son achat. Il va devoir se démener de façon kafkaïenne avec les autorités russes pour tenter de retrouver son bien. Cause perdue, il s'épuisera jusqu'à la mort.

Son destin est fantastique parce que, devenu fantôme, il va continuer à errer la nuit pour arracher leur pelisse aux passants de Saint-Pétersbourg.

Ce drame au ton ironique est traité de façon magistrale.


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Dans la datcha de Gogol

Que l'on m'apporte mon ..........?............. Les soirées sont fraîches à Saint Petersbourg, et voyez- vous... d’ailleurs... selon moi... je le crois encore bon... sauf un peu de poussière... Eh ! sans doute il a l’air un peu vieux... mais il est encore tout neuf... seulement un peu de frottement... là dans le dos...

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