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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Contrairement à Suz (@Bobby_The_Rasta_Lama), je découvrais Witold Gombrowicz, lorsque nous avons décidé de faire cette lecture en duo. Elle savait plus ou moins ce qui l'attendait, moi pas du tout…j'ai ouvert ce livre, très curieuse de découvrir un grand auteur de la littérature polonaise dont j'avais entendu parler (qui aurait même influencé Milan Kundera parait-il) et là…

…Et là je fus tourneboulée, secouée, par ce grand n'importe, cette dinguerie. Je l'avoue, je me suis demandée, au tout début du livre, dans quoi je m'étais embarquée…il m'a fallu quelques pages pour entrer dedans, pour ne pas rester bouche bée mi imbécile, mi dubitative, pour accepter de me laisser guider sans résistance, pour apprécier, sourire, voire rire. Un peu de temps pour enfin être toute excitée rien qu'à l'idée de l'ouvrir…ce livre et sa gueule. Car oui c'est une gueule qui nous parle à travers ce livre, qui meugle, une voix à nulle autre pareille, déjantée, divagante sans aucune prise sur le réel et l'ordre établi, l'ordre étant une autre forme de désordre, une voix qui nous raconte de façon insolite « une philosophie présentée ici sous la forme pétillante d'un feuilleton sans gravité ». Une gueule qui l'ouvre grand pour nous faire la gueule. Une gueule qui clame son mal-être et son pessimisme avec humour et cynisme. Je rejoins totalement Suz lorsqu'elle m'écrit que « Il n'est pas impossible que les plus grands pessimistes ont le plus grand don pour faire rire, quand ils se lancent dans l'absurde ! ».

Puis je me suis demandée : est-ce un rêve qui nous est offert? Est-ce la folie, son processus et son enfermement, qui nous est expliquée, du point de vue du fou ? Est-ce une fable qui nous est racontée ? Dur de savoir vu que ce livre ne ressemble à rien de ce que j'ai déjà lu, (mais vraiment à rien), et vu sa complexité, j'opte cependant pour la fable, une fable cynique, pleine d'humour, de méchanceté, d'inventivité, à double lecture selon moi, où l'auteur met à l'honneur un combat opposant la maturité et l'immaturité, la modernité contre la ringardise d'une part, le pouvoir de la société pour infantiliser (nous « cuculiser » comme le répète à l'envi l'auteur).

Joseph (Jojo) se réveille un matin et ressent un grand malaise : il ressent un profond décalage entre l'âge qu'il a (autour de trente ans) et comment il doit donc être dans la société, celle-ci nous imposant d'avoir les comportements correspondant à notre âge, et l'enfant qu'il se sent encore être à l'intérieur de soi. La maturité imposée à cet âge et l'immaturité intérieure ressentie, ce qui cherche en lui à atteindre l'état d'adulte et ce qui refuse cet état, se livrent un combat violent très imagée, métamorphosant même l'image de Joseph qu'a de lui-même : « Ses défauts et ses tâches ressortaient à la lumière du jour tandis qu'il restait recroquevillé, semblable aux créatures nocturnes traquées par le jour. Il était comme un rat attrapé au milieu de la pièce. Et ses détails se dévoilaient, toujours plus nets, toujours plus affreux, de partout se montraient ses parties du corps, l'une après l'autre, chacune bien définie, bien concrète…jusqu'à la limite de la décence…jusqu'à l'indécence ».

Joseph, infantilisé, va être conduit par un certain M.Pimpko, professeur ô combien mature et pédant, dans une école, pour essayer de résoudre ces dilemmes. Il va trouver dans le lycée les mêmes conflits portés cette fois à leur paroxysme, avec d'un côté l'insolence des « gaillards » et de l'autre la défense des idéaux adultes des « adolescents ». Des bagarres éclatent jusqu'au duel qui prend un tour surprenant (scène superbe que ce duel) : un concours de grimaces, d'un côté les grimaces les plus vilaines, de l'autres les plus belles et pures. Ensuite, amoureux d'une lycéenne « moderne », alors qu'il est vu comme un ringard, jojo comprendra qu'il a atteint l'infantilisation ultime : l'enfermement dans le sentiment amoureux. Les scènes au sein de la famille de cette fameuse lycéenne, les Lejeune (le comble cette famille représentant la modernité) sont excellentes. L'opposition qui se joue alors est en effet entre les modernes et les anciens. C'est truculent, cassant, drôle et cynique. Au fur et à mesure de ma lecture, je prenais vraiment un plaisir de lecture croissant.

Voilà pour le premier niveau de lecture. le second niveau de lecture que j'y vois est celui de la volonté du pouvoir (représenté par M.Pimpko) d'endormir, d'asservir, d'infantiliser le peuple (l'auteur emploie le terme de « cuculiser » à maintes reprises, répétition voulue pour élever sa préoccupation au rang de mythe et pour souligner le côté cynique et ridicule de cet état de fait). En échangeant avec Suz à ce sujet, elle soulignait que finalement, au-delà du pouvoir, ce sont aussi toutes sortes de choses, comme par exemple les petites vidéos « marrantes » de chat, les séries télés, je rajouterai les médias, bref la société dans son ensemble, qui tendent à nous asservir et à nous rapetisser. A nous infantiliser.

Notons que dans certains chapitres Witold Grombrowicz parle directement au lecteur, de façon intime et touchante, donne son point de vue, sur sa façon de lui faire passer son message, et sur la façon dont le lecteur va comprendre ce message, en se moquant ou en exprimant un certain malaise : « Ce qui a été enfanté dans une totale douleur est accueilli de la façon la plus partielle, entre un coup de téléphone et une côtelette. D'un côté l'écrivain donne son âme, son coeur, son art, sa peine, sa souffrance, mais de l'autre le lecteur n'en veut pas, ou s'il le veut bien, ce sera machinalement, en passant, jusqu'au prochain coup de téléphone. Les petites réalités de la vie nous détruisent. Vous êtes dans la situation d'un homme qui a provoqué un dragon mais qui tremble devant un petit chien d'appartement ». L'auteur d'ailleurs laisse ses lecteurs libres de le suivre ou pas, comme l'évoque la toute fin du livre, sous forme de pied de nez ou de langue tirée : « contre le cucul, il n'y a pas de refuge. Courez après moi si vous voulez. Je m'enfuis la gueule entre les mains. Et voilà, tralala. Zut à celui qui le lira ! ».

En traitant une dualité classique, celle des « pour » et des « contre », dualité manichéenne, qui se traduit ici avec ce combat de la maturité contre l'immaturité, celui de la modernité contre la ringardise, ce livre souligne l'absence de vainqueur : tous les protagonistes se « cuculisent », tous s'infantilisent quel que soit le côté duquel on se place.
Au final Ferdydurke nous livre un message fort, du moins quelques clés auxquelles tenter se raccrocher, certes pessimiste et teintées de mal-être (tous les personnages ont du mal à trouver leur place dans la société) mais aussi de liberté : l'homme n'agit pas, mais est agi, l'homme ne pense pas mais est pensé, il ne parle pas, mais est parlé : « au lieu de meugler : Voilà ce que je crois, voilà ce que je sens, voilà ce que je suis, voilà ce que je soutiens, nous dirons avec humilité : quelque chose en moi a parlé, agi, pensé… ». Nous sommes agis, pensés, parlés par l'enfant qui est en nous et qu'il nous faut accepter au lieu de vouloir le nier et par la société dans laquelle nous sommes baignés. Nous sommes « cousus d'enfant », d'où nos contradictions que l'on retrouve dans certains personnages ou scènes du livre : l'humanité, malgré ses grands airs, ne cesse de se battre, les maitres d'école sont terrifiés par l'inspecteur, la mère de la lycéenne est pathétique lorsqu'elle essaie de convaincre sa fille d'avoir un enfant naturel…Savoir cela nous rend-il plus libre ? La société ne nous condamne-t-elle pas en nous imposant raisonnablement d'être adulte tout en faisant tout pour nous infantiliser ? Ces contradictions ne conduisent-elles pas précisément au non-sens, à l'absurde, forme qu'a choisie l'auteur pour nous parler de ça ?

Je ne sais si ce sont ces questions que Witold Gombrowicz a voulu faire émerger, ce sont elles en tout cas que je ressens après ma lecture. Je sens confusément qu'il me manque quelques clés de lecture, d'où mon 4 étoiles, ce fut une lecture pour moi assez complexe. Découvrant cet auteur, peut-être, sans doute, suis-je passée à côté d'un sens plus profond. Lire d'autres livres de lui m'apparait important pour mieux cerner son univers.

Apparemment Ferydurke (titre qui ne veut rien dire du tout, cerise sur le gâteau de l'absurde) se place dans la même veine que les livres écrits à sa suite (Trans-Atlantique, Pornographie et Cosmos – pour ce dernier, voir la dernière critique de Croquignol, croquignolesque à souhait comme il se doit -), avec notamment ce même goût du burlesque, de l'absurde, de la dérision. Un style direct, sans volonté de plaire. Un auteur, enfant terrible des lettres polonaises, qui se moque de nous, qui se rit de lui-même, qui n‘en fait qu'à sa tête en posant ses vérités, en étant complètement à contrecourant, une gueule, loin d'être cucul, à l'haleine âcre beckettienne teintée d'un rude bouquet d'âme slave…

Un grand merci à Suz pour cette lecture en duo qui m'a permis d'éclairer ma lanterne durant cette étonnante lecture où, parfois, j'avais l'impression d'être dans un brouillard épais. Elle a su me guider et me faire grandement apprécier cette oeuvre ! Ce fut une véritable expérience de lecture !
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Voilà bien une oeuvre unique, un livre déroutant et inclassable, considéré par certains comme un chef-d'oeuvre de la littérature du 20ème siècle.
Jojo Kowalski, le narrateur, a trente ans mais se voit reprocher par son entourage son immaturité. Et ce n'est pas le livre qu'il a écrit sur le sujet qui l'a fait admettre dans le monde des adultes, bien au contraire. Alors qu'il ressasse ses réflexions débarque Pimko, professeur cultivé et pédant, qui le traite en enfant et l'enjoint de le suivre à l'école. Incapable de s'opposer, Jojo se retrouve au milieu d'écoliers dont aucun ne semble remarquer son âge véritable.
Commence alors pour lui une expérience absurde pour un homme de trente ans, celle de l'infantilisation, que Gombrowicz appelle également « rapetissement », ou « rétrécissement ». L'adulte, c'est l'être qui a un contour social et psychologique net, qui possède une forme précise. Or Jojo, qui reconnaît son immaturité et l'accepte, refuse de se laisser imposer de l'extérieur une forme quelconque. Alors que les adultes n'ont de cesse de le renvoyer à sa jeunesse et de chercher à lui imprimer leur style, lui lutte constamment pour se défaire de leur emprise. Se dessine d'ailleurs au passage une critique acerbe de l'enseignement, de la culture, des moeurs et des rapports sociaux, tous moyens par lesquels les adultes conforment la jeunesse.
Le corps tient une grande place dans « Ferdydurke ». En témoignent ces deux concepts inventés par Gombrowicz, et répétés tout au long du récit : la « gueule » (« faire une gueule » à quelqu'un, c'est l'influencer, lui imposer sa forme), et le « cucul » (notre côté puéril). Ainsi que le concours de grimaces des écoliers, ou les mollets de la jeune Zuta (signes de sa modernité). le corps est à la fois cette matière malléable par laquelle se manifeste notre intellect, et le moyen par lequel se forme notre intellect.
Avec « Ferdydurke », Gombrowicz a voulu rompre avec la forme traditionnelle du roman : pas de progression logique, juste trois épisodes entrecoupés de deux digressions n'ayant apparemment pas de lien avec le reste, mais qui permettent d'éclairer son propos. Autre signe de cette rupture : le titre, qui ne renvoie à rien dans le texte et ne signifie rien. Je vois dans cette construction le signe de l'immaturité revendiquée de Gombrowicz.
Il m'a fallu du temps pour rentrer dans ce livre, tant il bouleverse les codes. Mais l'humour omniprésent, le grotesque des situations et la réflexion sous-jacente ont fini par m'accrocher. Je ne peux m'empêcher de le rapprocher, sans trop me l'expliquer, de « Voyage au bout de la nuit » ou de « Don Quichotte ».
Avec cet anti-« roman d'initiation », Gombrowicz cherche à nous montrer que les hommes ne sont en fait que de grands enfants, et que la maturité n'est qu'une posture, donc une imposture. Les adultes eux-mêmes, dans « Ferdydurke », ne finissent-ils pas par tomber le masque (lors de ces bouffonnes scènes de bagarre qui ponctuent chaque épisode)? Finalement, peut-être la vraie maturité consisterait-elle à admettre la part d'immaturité qui existe en chacun de nous : « Il faudra de grandes inventions, des coups puissants assénés sur la cuirasse de la Forme par des mains nues, il faudra une ruse inouïe et une réelle honnêteté de pensée, et un extrême affinement de l'intelligence, pour que l'homme, débarrassé de sa raideur, puisse concilier en lui la forme et l'absence de forme, la loi et l'anarchie, la maturité et la sainte immaturité ». Un grand livre.

Lien : http://plaisirsacultiver.unb..
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Ce livre est un réel ovni. Il est difficile d'y entrer mais ensuite quelle jubilation. A travers les mésaventures de Jojo que tous cherchent à infantiliser, c'est une véritable critique de l'éducation, l'école, les relations sociales. G. dénonce l'hypocrisie de tous ces groupes qui se croient matures, modernes ou seigneurs.
C'est Jojo (l'immaturité) contre le reste des gens (la maturité).
Ce livre est plein d'humour.
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Un roman loufoque sur l'infantilisation au sens large : les maîtres assistés dans tous leurs gestes par les valets ou la masse abrutie par la bien-pensance... Quelques longueurs, beaucoup d'absurdité et de l'humour... le mieux reste de le lire sans rien chercher à anticiper et de se laisser aller aux péripéties sans jugement particulier. Une lecture déconcertante.
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FERDYDURKE de WITOLD GOMBROWICZ
Jojo, la trentaine, se sent immature, ses tantes et ses amis le trouvent également immature, il faut que ça change, il doit devenir adulte. le rêve et la réalité vont dès lors se mélanger sans qu'il soit possible de les différencier. Jojo de retour à l'école se lance dans un concours de grimaces, il est traité par Pinko le surveillant et le Rabougri, un prof, comme un lycéen de 15 ans. Il est amoureux d'une lycéenne de 16 ans sans réaliser qu'il en a trente. Il est décalé où qu'il aille et considéré comme un enfant. Il ne sait jamais pourquoi il se déplace d'un endroit à l'autre, il erre sans logique et reste un ado quoi qu'il fasse.
Un livre qui ressemble à une satyre imprécise plus particulièrement de l'enseignement et de la culture, d'ailleurs le langage utilisé par Gombrowicz comporte nombre de néologismes dont une grande partie commence par »Culcul »! Exemple: le pays entier est culculisé! Des mots voire des phrases sont passées dans le langage courant: « violer par les oreilles » »elle ne m'aimait pas, elle me fabriquait ma gueule ». Les gens qui se revendiquent « artistes » l'amusent beaucoup! Un livre très riche, délicat à suivre( plusieurs passages n'ont aucun rapport avec Jojo et paraissent comme des accidents de texte).
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Joseph, un trentenaire , est ramené au lycée par le professeur Pimko. Il est immédiatement alors vu par les autres comme un des leurs, un adolescent. Et devient par son comportement un adolescent. Il évolue dans ce monde non pas comme il est mais comme le rôle qu'on lui attribue lui dit d'être. Il est d'abord emprisonné dans ce rôle puis reprend peu à peu le contrôle.

Difficile de rentrer dans ce livre unique. Est-ce un roman ? est-ce un conte ? Au démarrage, le personnage flou et la répétition incessante des mêmes expressions puériles agacent. Ensuite cette mécanique devient un jeu, comme une ritournelle qui évolue au fil du rencontres et des évènements. Et le conte devient poétique. L'auteur nous livre aussi son regard acerbe sur la société qu'il traverse.

Une belle expérience
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Je l'ai lu, j'ai aimé, mais je ne m'en souviens pas! Ainsi va la vie :)
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Un livre surprenant à bien des égards!

L'histoire est bizarre.
La forme du roman est inhabituelle.
Le titre (a priori) n'a rien à voir avec le roman.

La lecture de ce livre a été très difficile. L'histoire (ou les histoires) n'ont pas réussi à m'accrocher. J'ai continué à lire parce que le sarcasme de Gombrowicz et son écriture m'ont conquise. Ce n'est qu'au fur et à mesure que j'avançais dans la lecture que j'ai su apprécier le choix des intrigues, des personnages et de la forme du roman.

Pour une critique détaillée, visitez le lien ci-dessous.
Lien : http://www.litteratureworld...
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Publié en 1937 en polonais ce roman ou ce conte romanesque est le chantre de la jeunesse et de l'immaturité. le narrateur cuculisé est ramené à l'enfance et aux bancs de l'école. Il y vivra l'aventure de la jeunesse, de la modernité et entreprendra une quête sans but, une recherche sans objectif. le tout est écrit dans un style déroutant où prime la dénonciation des bonzes de l'aristocratie artistique, la haine du maître, le rejet de ceux qui établissent les règles. Mêlant humour, absurde, invention et écriture intimiste, Ferdydurke plonge dans l'adolescence et plonge l'adolescence dans le monde.
Lien : http://rivesderives.blogspot..
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Excellent auteur. A découvrir.
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