AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Constantin Jelenski (Éditeur scientifique)Geneviève Serreau (Traducteur)
EAN : 9782070382972
224 pages
Gallimard (22/11/1990)
3.88/5   39 notes
Résumé :
" Dans une prose archaïque, parlée plus qu'écrite, je raconte comment, à la veille de la guerre, j'atterris en Argentine, comment l'explosion de la guerre m'y surprit.
Moi, Gombrowicz, je fais la connaissance d'un " puto " (pédé) amoureux d'un jeune Polonais, et les circonstances me font l'arbitre de la situation : je peux précipiter le jeune homme dans les bras du pédéraste, ou faire en sorte qu'il reste auprès de son père, un commandant polonais vieux jeu, ... >Voir plus
Que lire après Trans-AtlantiqueVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Witold Gombrowicz est considéré comme un des plus grands auteurs du XXe siècle, j'ai lu quelques uns de ses ouvrages les plus connus et encensés, comme Ferdyduke, Pornographie et bakakaï, et je viens de terminer ce roman, Trans-Atlantique. Hélas, l'ensemble de son oeuvre m'échappe, me déroute un peu. Il en va de même pour ce dernier roman à saveur autobiographique. Je suis capable d'en apprécier certaines qualités littéraires mais ce n'est pas le genre d'oeuvre qui m'intéresse particulière. L'histoire ? En septembre 1939, après quelques semaines en mer, Gombrowicz débarque à Buenos Aires. Presque aussitôt, il apprend que son pays natal, la Pologne, doit se défendre contre l'agresseur allemand. On ne le sait pas encore, mais il s'agit de la Seconde Guerre mondiale. Plusieurs Polonais expatriés se demandent s'ils ne devraient pas porter secours à leurs compatriotes. Gombrowicz se moque d'eux. À quoi bon ! le temps de rebrousser chemin, ils seront pris derrière les lignes ennemis à l'effort de guerre des Français ou des Anglais. Et l'histoire lui donnera raison, malheureusement !

Pendant le mois qui suit, Gombrowicz et plusieurs expatriés se la coulent douce à Buenos Aires, dans cette Argentine qui leur propose tous les divertissements possibles, et l'ennui aussi. Dîners, rencontres dans les salons, dans les bars, échanges oisifs, disputes entre amis, etc. Les péripéties de Gonzalo, entre autres, sont assez drôles. L'auteur raconte quelques unes de leurs mésaventures, mais aussi ses échanges avec d'autres personnages, des vieux, qui lui reprochent son inaction, sa débauche, sa moralité discutable son abandon de la patrie. En même temps il veut profiter de sa jeunesse. Sans doute Gombrowicz était lui-même tiraillé par ces choses.

La petite communauté polonaise forme une société de bien-nantis sclérosée, refermée sur elle-même, dont le regard (ou du moins les pensées) sont constamment tournées vers la Pologne même s'ils n'osent pas l'admettre. D'où la signification du titre : Trans-Atlantique. Tout a un lien avec ce qui se passe à travers l'Atlantique. Les personnages (et peut-être l'auteur lui-même) ne ressent que de l'indifférence à l'endroit de sa patrie mais, en même temps, ce vide devient difficile à combler selon moi.

Je dois au moins reconnaître que l'auteur a su dépeindre des personnages uniques, faciles à comprendre, ridicules à leur manière mais en même temps attendrissants. Pareillement pour l'atmosphère, à la fois lourde (ils refusent la guerre, tournent le dos à la patrie, certains se retrouvent sans moyens) et légère, du fait des nombreuses péripéties risibles que les exilés subissent et font subir. Il est clair que, du fait que je n'aie pas embarqué totalement dans le délire de Gombrowicz, je sois passé à côté de plusieurs éléments fort intéressants. Un critique plus objectif pourra sans doute décrire beaucoup mieux le style de l'auteur.
Commenter  J’apprécie          327
Gombrowicz se met en scène à plaisir dans Trans-Atlantique. Cela débute alors que l'auteur est surpris en Argentine par le déclenchement des hostilités du second conflit mondial et le récit qui couvre un mois à peine s'achève pas une fiesta de tous les diables alors que la Pologne capitule sous les coups de butoirs des troupes du pacte germano-soviétique.

Les aventures et mésaventures de l'écrivain en exil tentant de subvenir à ses besoins sont contées sur un ton épique et drolatique. Gombrowicz fait la rencontre d'un rastaquouère pédéraste qui poursuit de ses assiduités le fils d'un ex-commandant à la retraite, ne manquant pas d'offenser ce dernier qui, en bon polonais chatouilleux de son honneur le provoque en duel. La rencontre sur le pré ne va pas totalement de dérouler comme prévu.

Satire antichauviniste , divertissement iconoclaste, Trans-Atlantique s'attira les foudres de l'intelligentsia polonaise qui y voyait une trahison, un intolérable blasphème envers la chère patrie martyre. La prose baroque, hautement sympathique, fait feu de tout bois. le roman n'évite malgré tout pas l'écueil de verser dans le grandiloquent et la farce, pour s'achever en onomatopée.
Commenter  J’apprécie          30
Beaucoup de lecteurs sont désarçonnés par les romans de Gombrowicz, n'y comprenant rien lorsque l'auteur évoque tous ces morceaux de corps: le mollet de la Pornographie, la gueule ou le cucul de Ferdydurke ou encore la bouche de Léna dans Cosmos. Au-delà de l'interprétation facile (obscénité, provocation) ou de sa vulgate philosophique (Gombrowicz structuraliste, Gombrowicz existentialiste) et surtout, SURTOUT avant qu'on me parle d'absurde (fléau de la pensée qui abêtit et réduit la portée de l'oeuvre), il faudrait peut-être envisager la toute simple liberté du romancier qui signe son oeuvre en affichant sa dette envers un autre romancier, en particulier Rabelais. Cette liberté d'écrire comme on pisse contre un arbre (dixit Gombrowicz), avoir les coudées franches et ne suivre que la logique interne de l'oeuvre, on la retrouve spécifiquement dans son Trans-Atlantique.
Un exemple: c'est du Rabelais ou du Gombro?
"Le Baron, comme juché sur un carosse à quatre chevaux, distribue les Ordres et sonne les Fanfares. Pyckal, tout farci de goujaterie, ouvre la gueule en grand. Ciumkala salive, chiffonnant sa casquette entre ses doigts. Bref, le Baron: Hauteur, Humeurs, Foucades, Rodomontades. Bref, Pyckal: casser la gueule ou montrer son cul. Bref, Ciumkala: flux saliveux et farfouilleux trifouillage."
Commenter  J’apprécie          20
La forme, toujours la tyrannie de la forme ! Même dans un petit groupe d'expatriés risibles alors que la guerre éclate au pays. Un récit rythmé, un humouu toujours mordant, lu rapidement et avec plaisir
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
dérisoires sont les projets, vains les arrangements, futiles les résolutions quand l'homme est acculé par les hommes, perdu au milieu des hommes comme en une sombre forêt. Alors, tu marches mais en réalité tu erres; tu prends des décisions et batis des plans mais tu erres; tu crois agencer les choses selon ta volonté propre mais tu erres; tu parles, tu agis mais, au coeur de la forêt, dans la nuit, tu erres, tu erres...
Commenter  J’apprécie          170
Ciumkala, plus mort que vif, cramoisi, tire de sa poche non seulement la grosse main, mais un bouchon de Bouteille, des bouts de papier froissés, une petite cuillère, des lacets, enfin deux ou trois petits poissons fumés. À leur vue les deux autres demeurent cois. C’est comme si ces Poissons soulevaient entre eux un nuage de rogne.
Me reviennent alors en mémoire les propos de Ciecisz relatifs à ces vieilles Rancunes, Biles, Aigreurs qui fermenteraient entre les Trois - comme il arrive entre associés - et dont la cause censément résiderait en quelque Moulin, quelque Écluse. Ce pourquoi Pyckal, d’abord pantois à la vue de ces Poissons, se met tout à coup à hurler :
― Mes goujons ! Les goujons ! Tu me le payeras ! Je te ferai faire la culbute !
Le Baron, quant à lui, imprime un va-et-vient ondulatoire à sa pomme d’Adam, déglutit, desserre le col de sa chemise, et finit par articuler :
― Le Registre.
― Si la grange a brûlé c’est à cause de ce sarrasin, réplique Ciumkala.
Pyckal le considère d’un œil torve et bougonne :
― Il y avait de l’eau.
Et les voici plantés debout tous trois, immobiles, jusqu’au moment où Ciumkala se met à se gratter l’oreille, et le Baron à se gratter la cheville, et Pyckal à se gratter la cuisse droite.
― Ne te gratte pas, dit le Baron.
― Je ne me gratte pas, répond Pyckal.
― C’est moi qui me grattais, remarque Ciumkala. Et Pyckal :
― Je vais te faire voir, moi, comment on se gratte !
― Gratte. gratte donc, dit le Baron, tu es là pour ça.
― Je ne te gratterai pas, réplique Pyckal, fais-toi gratter par le Secrétaire.
― Mon Secrétaire, dit le Baron, me grattera quand je lui en aurai donné l’ordre.
― Je l’engagerai pour moi, ton Secrétaire, dit Pyckal, je te me le prendrai et il me grattera quand ça me plaira. Tout Vrai Seigneur que tu sois, tout Vrai Manant que je sois, il te me grattera suivant mon humeur, là.
― Il Grattera, dis-je.
― Qui est le Vrai Manant, qui le Vrai Seigneur, dit le Baron, là n’est pas la question, mais ce secrétaire, tu ne l’engageras pas, toi, c’est moi qui te me l’engagerai, et c’est moi et pas toi qu’il Grattera.
Alors Ciumkala éclate en sanglots geignards, tumultueux :
― Au secours ! clame-t-il, à moi ! C’est pour votre avantage, profit et bénéfice que vous voulez Gratter tout ça, et pour ma Damnation, Perdition et Désolation. Eh bien, dans ces conditions, c’est moi qui me vous l’engagerai, oui je l’Engagerai !

Commenter  J’apprécie          10
La louange me revient de droit, c'est mon hermine et ma couronne!
Commenter  J’apprécie          200
Du milieu de ce cortège se dégagea un homme tout de Noir habillé, haut personnage sans nul doute car dès son apparition on n'entendit bruire que : "Gran escritor, maestro ...Maestro, maestro ..." et tous pour un peu seraient tombés à genoux, n'était leur faible pour les petits fours.
Commenter  J’apprécie          37
« J’étais à l’époque un triple ou même un quadruple étranger. Privé de la Pologne, vers laquelle je ne voulais pas retourner. En dehors de l’émigration, éloigné et détaché d’elle, installé à Banco Polaco. En dehors de l’Argentine et en dehors du monde des valeurs que Retiro avait englouties, j’étais suspendu dans le vide, l’anarchie au cœur. Je jouais aux échecs. »
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Witold Gombrowicz (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Witold Gombrowicz
Witold Gombrowicz : Entretiens avec Gilbert Maurice Duprez (1967 / France Culture). Diffusion sur France Culture du 14 au 20 janvier 1970. Photographie : L'écrivain polonais Witold Gombrowicz (1904-1969), portrait daté de 1967. - Sophie Bassouls/Sygma/Sygma via Getty Images. Ces entretiens avec le grand écrivain polonais, disparu en 1969, ont été enregistrés en 1967 et diffusés pour la première fois du 14 au 20 janvier 1970. Witold Gombrowicz a enregistré cette série d'entretiens avec Gilbert Maurice Duprez en juin 1967 alors qu'il venait de se voir décerner le prix international de littérature "Formentor". Plutôt que d'y voir une tentative d'exégèse de son œuvre par lui-même, il faut plutôt considérer ces entretiens comme une suite d'esquisses en vue d'un autoportrait que l'on pourrait intituler : Witold Gombrowicz par Witold Gombrowicz. L'écrivain polonais est mort en 1969 des suites d'une grave affection cardiaque. Gombrowicz n’a jamais pu jouir pleinement du succès de son œuvre, notamment à l’étranger. C’est en France, grâce notamment au vif succès des représentations du "Mariage" au théâtre Récamier en 1964 et de "Yvonne Princesse de Bourgogne" au théâtre de France en 1965, que son œuvre trouve l’un des retentissements les plus rapides. Polonais mais antipatriote visant une forme d’universalité humaine, il était important pour Gombrowicz que son œuvre dépasse les frontières de son pays. Witold Gombrowicz : « Mon histoire est celle-ci : j'ai quitté la Pologne en 1939, après j'ai passé vingt-trois ans en Argentine, puis après une année à Berlin je me suis établi ici, à Vence, à cause de ma santé qui n'est pas très bonne. Exilé ? Oui, premièrement je suis un exilé politique à cause du régime communiste en Pologne, mais aussi dans un sens spirituel. C'est-à-dire que je veux être un écrivain universel et dépasser ma situation particulière de Polonais, même je ne voudrais pas être un écrivain européen. Ma philosophie est de dépasser la nation. Je suis dans un certain sens un antipatriote. » Grâce à ces entretiens, enregistrés en juin 1967, soit un an et demi avant sa mort, on découvre un Gombrowicz certes fatigué, à la voix enrouée, mais toujours plein de la vivacité intellectuelle et de cette lucidité presque déconcertante qui irrigue son œuvre. Posant un regard critique sur la société et notre façon d’être au monde, on y découvre un Gombrowicz qui exècre beaucoup de ses contemporains et la littérature moderne en général, déclarant la guerre à Joyce ou au nouveau roman, dont la forme trop complexe brouille toute possibilité d’une vraie expérience de lecture. Ces enregistrements sont des ressources rares et précieuses qui permettent aux auditeurs et auditrices d’entrevoir les mouvements intimes de l’un des esprits les plus excentriques et fascinants de la littérature européenne du XXe siècle.
Source : France Culture
+ Lire la suite
Dans la catégorie : Littérature polonaiseVoir plus
>Littératures indo-européennes>Balto-slaves : Bulgare, macédonienne, serbo-croate>Littérature polonaise (69)
autres livres classés : littérature polonaiseVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (115) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1710 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..