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Citations sur Oblomov (154)

Mais l’être humain est un être bizarre, et peu à peu Olga s’inquiéta, s’interrogea. Il lui sembla que sa vie heureuse ne lui suffisait plus, qu’elle s’en lassait, qu’elle exigeait on ne sait – elle ne savait elle-même – quels phénomènes nouveaux, irréalisables, comme si elle eût voulu aller toujours plus loin, toujours plus avant.
« Qu’est-ce donc ? se demandait-elle avec effroi. Est-il possible que je puisse encore souhaiter quelque chose ? Aller, mais aller où ? »
Elle interrogeait le ciel, la mer, la forêt, mais aucune réponse ne venait.
La nature lui répétait toujours la même chose : elle n’y découvrait que le flux incessant de la vie sans commencement, sans fin.
Elle savait pourtant qui elle pouvait interroger, qui pouvait lui répondre. Mais quelles questions poser ? Et puis, si toute cette inquiétude n’était que celle de l’intelligence stérile ou, pis encore, la soif d’un cœur qui n’était pas fait pour l’amour, qui n’était pas le cœur d’une femme ! Elle, son idole, n’être qu’un bas-bleu ? Comme elle aurait honte, de lui confier des souffrances qui n’étaient pas les vraies, les grandes !
Elle se cachait de lui, ou prétextait une indisposition, quand ses yeux malgré elle perdaient leur douceur de velours, quand son visage se couvrait d’un nuage épais. Elle ne pouvait alors, en dépit de tous ses efforts, ni sourire, ni parler ; et c’est avec indifférence qu’elle entendait toutes les conversations, quand bien même celles-ci lui eussent appris les nouvelles les plus bouleversantes du monde politique, ou expliqué tel extraordinaire progrès scientifique, ou telle œuvre d’art de grande importance.
Elle n’avait même plus envie de pleurer ; elle n’éprouvait plus ce frémissement soudain qui la secouait tout entière au temps où ses nerfs s’agitaient, où ses forces encore virginales s’éveillaient.
« Qu’ai-je donc ? » se demandait-elle avec désespoir quand soudain elle se rendait compte que tout lui était devenu indifférent, même la beauté d’un crépuscule, même l’enfant sur le berceau duquel elle se penchait, même les caresses de son mari.
Il lui semblait parfois qu’elle se pétrifiait, et alors, de nouveau, elle prétextait quelque migraine et allait se coucher.
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L’été bat son plein, juillet passe, le temps est superbe. Oblomov ne quitte presque plus Olga. Quand les jours sont clairs, on les trouve dans le parc ; quand midi brûle et s’appesantit, ils s’enfoncent dans les bois, sous les pins. Assis aux pieds d’Olga, Oblomov lui fait la lecture, et elle, pendant ce temps, brode, brode…
En eux aussi règne l’été brûlant. Parfois des nuages accourent, mais ils s’enfuient très vite.
Entre Oblomov et Olga se sont établis des rapports imperceptibles pour les autres : un regard, une parole insignifiante dite en présence d’ « étrangers », avait pour eux un sens très distinct. Ils découvraient partout des signes, des allusions à leurs amours.
Et Olga rougissait lorsqu’on racontait à table l’histoire d’un quelconque amour qui ressemblait tant soit peu au leur. Et comme toutes les histoires d’amour se ressemblent, elle rougissait souvent.
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— Pourtant, Olga, si je dis vrai ? Si j’ai raison ? Si votre amour n’est qu’une erreur ? Si vous devez en aimer un autre plus tard, et rougir en pensant à moi…
— Et après ? demanda-t-elle, fixant sur lui un regard à la fois ironique et perçant qui le troubla.
« Elle veut tirer quelque chose de moi », se dit-il. « Tiens bon, Ilia Ilitch ! »
— Comment, « et après » ? répéta-t-il machinalement, ne devinant pas la pensée qui germait dans sa tête et se demandant comment elle allait justifier ce « et après ? »
Elle le regarda tranquillement, posément, comme seule regarde une personne qui domine ses pensées.
— Vous craignez, dit-elle, — de tomber « au fond de l’abîme ». L’idée que je pourrais cesser de vous aimer vous effraye. Vous m’écrivez « vous aurez mal »…
Il ne comprenait toujours pas.
— Mais voyons, je n’aurai pas mal, je serai même très bien, si j’en aime un autre. Oui, très bien, je dirais même heureuse. Et vous, vous dites que vous prévoyez mon bonheur futur et que vous êtes prêt à tout sacrifier pour moi, même la vie. Alors ?
Il ne la quittait pas des yeux.
— J’avoue que je ne m’attendais pas à cette logique, murmura-t-il.
Elle le regarda méchamment de la tête au pied.
— Et ce bonheur qui vous rendait fou ? poursuivit-elle. — Et ces matinées, et ces soirs, et mes « je vous aime », alors tout cela ne vaut rien, aucun prix, aucun sacrifice, aucune douleur ?
« Si seulement je pouvais disparaître sous terre ! » songeait-il.
Plus la pensée d’Olga lui devenait claire, plus ses tortures augmentaient.
— Et si, poursuivit-elle avec fougue, vous alliez vous fatiguer de mon amour, comme vous vous êtes fatigué de vos livres, de votre service et de la société ? Si, avec le temps, et sans même qu’il y ait aucune rivale, aucun autre amour, vous vous endormiez à mes côtés, sur un divan, comme chez vous, et que ma voix elle-même ne parvienne plus à vous réveiller ? Si enfin votre robe de chambre – je dis bien votre robe de chambre, et non une autre femme – vous devenait plus chère que moi ?
— Olga, c’est impossible ! l’interrompit-il, mécontent et s’éloignant d’un pas.
— Pourquoi impossible ? Vous dites que je me trompe, que j’en aimerai un autre, eh bien moi, je pense tout simplement que vous cesserez de m’aimer. Et que se passera-t-il alors ? Comment justifierai-je alors ce que je fais à présent ? Moi aussi, mes pensées m’empêchent de dormir, mais je ne vous tourmente pas avec cela. En moi le besoin de bonheur domine toutes les craintes. Moi, j’accorde du prix à cette flamme que je vois s’allumer dans vos yeux quand vous me cherchez, quand vous grimpez sur les rochers, quand, oubliant votre paresse et la chaleur, vous vous précipitez pour me donner un livre ou un bouquet… quand enfin je parviens à vous faire sourire ou désirer très fort la vie. Moi, je ne cherche qu’une chose : le bonheur, et quand je crois l’avoir trouvé je n’en demande pas davantage. Si je me trompe, s’il est vrai que je doive plus tard pleurer sur mon erreur, du moins je sens ici – elle mit la main sur son cœur – que je n’en suis pas responsable. Et je n’ai pas peur des larmes futures, je ne les verserai pas en vain, j’aurai déjà bénéficié de quelque chose. J’étais si bien… si bien… ajouta-t-elle.
— Soyez bien, de nouveau ! supplia Oblomov.
— Mais vous, vous ne voyez jamais que des ombres dans l’avenir ; le bonheur vous importe peu. Je n’appelle pas cela de l’amour, de l’ingratitude plutôt.
— Non, de l’égoïsme ! cria Oblomov.
Il n’osait plus regarder Olga, il n’osait plus parler, il n’osait même plus implorer son pardon.
— Allez ! dit-elle doucement. — Allez là où vous deviez aller.
Il la regarda enfin. Les yeux de la jeune fille étaient secs à présent. La tête baissée, elle faisait de petits dessins sur le sable avec le bout de son ombrelle.
— Couchez-vous de nouveau sur le dos, dit-elle ; comme cela vous ne commettrez pas d’erreurs et vous ne tomberez plus dans l’abîme.
— Je me suis empoisonné et je vous ai empoisonnée, au lieu d’être heureux tout simplement, tout bonnement, murmura-t-il, pris de remords.
— Buvez plutôt du kwass. Au moins le kwass n’empoisonne pas.
— Olga ! Ce n’est pas bien ! Alors que je me torture…
— Oui, oui, vous vous torturez, vous donnez « la moitié de votre vie », vous vous « jetez dans l’abîme », mais tout cela n’en finit pas moins par de petits attendrissements sur vous-même.
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Que s’était-il passé ? Quel vent tout à coup soufflait sur Oblomov ? Et quels nuages apportait-il ? Hier encore, pourtant, Ilia Ilitch lisait dans l’âme d’Olga et y découvrait un monde clair, un destin éclatant. Que s’était-il donc passé ?
Peut-être avait-il soupé trop copieusement, ou était-il trop longtemps resté couché sur le dos, de telle sorte qu’à son humeur poétique ne pouvaient que se substituer de monstrueuses lubies.
Mais il arrive aussi qu’on s’endorme un soir d’été, par un ciel serein et étoilé, et qu’on se réjouisse à l’idée de voir le lendemain les champs parés des riches couleurs du soleil ; comme il serait doux de s’enfoncer dans la forêt, de s’y abriter de la chaleur ! Et voilà que tout à coup on s’éveille au bruit de la pluie, sous des nuages gris et lourds. Et il fait froid, humide, maussade…
Le soir, selon son habitude, Oblomov écouta battre son cœur, le tâta, puis s’enfonça dans l’analyse de son bonheur. Seulement une goutte d’amertume s’y glissa, et il en fut empoisonné.
Le poison agit vite et fort. Il revécut en esprit toute sa vie. Pour la centième fois, le regret et le repentir l’étreignirent. Il s’imagina ce qu’il aurait pu être aujourd’hui si seulement il avait marché de l’avant avec allégresse. Comme si sa vie eût alors été belle, et pleine, et variée ! De là, il en vint à se poser la question de savoir ce qu’il était à présent, et comment et pourquoi Olga avait pu l’aimer.
« Je dois me tromper. » Cette pensée traversa son esprit comme un éclair, et cet éclair le frappa en plein cœur, lui brisa le cœur. Il gémit : « Oui, je me trompe, c’est une erreur… bien sûr, une erreur ! »
Le « je vous aime, je vous aime, je vous aime » retentit alors une fois de plus dans son souvenir, et son cœur commença à se réchauffer, mais très vite il se glaça de nouveau. Ce triple « je vous aime », qu’était-ce ? Une erreur d’optique, sans doute, le chuchotement d’une âme encore oisive, le pressentiment de l’amour dans le meilleur des cas, mais en aucun cas de l’amour.
Un jour, oui, la voix d’Olga s’élèvera très fort, résonnera d’un accord si puissant que l’univers entier en sera remué. Et ce jour-là, sa tante et le baron sauront, et pas seulement eux ; l’écho se propagera loin, très loin. Il ne se faufilera pas doucement, comme un ruisseau qui se cache dans l’herbe, avec un murmure à peine perceptible ; ce jour-là l’écho tonnera. Mais aujourd’hui, elle aime comme elle brode sur le canevas ; elle trace son dessin doucement, paresseusement, et elle le déroule plus doucement, plus mollement encore ; puis, après l’avoir admiré, elle le dépose dans un coin où elle l’oublie. Oblomov n’était que le premier homme tombé sous sa main, il lui avait paru convenir à l’expérience…
Et enfin, n’était-ce pas le seul hasard qui les avait fait se rencontrer, se rapprocher ? En d’autres circonstances, elle ne l’eût même pas remarqué. Seulement voilà, Stolz était là, et il avait enflammé de sa sollicitude le jeune cœur impressionnable d’Olga, il avait fait naître en elle le sentiment de la compassion, et stimulé aussi l’amour-propre de la jeune fille, fière de pouvoir secouer le sommeil d’une âme paresseuse, quitte ensuite à ne plus s’occuper de pareilles vétilles…
« Oui, c’est ça, c’est bien ça ! » se dit-il avec effroi en se levant de son lit pour allumer une bougie d’une main tremblante. « Oui, c’est ça, et rien que ça ! Elle était prête à recevoir l’amour, son cœur en éveil l’attendait, et là-dessus je l’ai rencontrée, et par erreur son amour m’est échu. Seulement il suffira qu’un autre surgisse pour que très vite elle s’aperçoive de cette erreur, et s’effraye, s’affole. Comme elle me regardera alors ! J’ai dérobé ce qui ne m’appartient pas. Je suis un voleur. Qu’est-ce que je fais ? Qu’est-ce que je fais ? Comme je me suis aveuglé, mon Dieu ! »
Il se regarda dans la glace. « Les hommes comme moi, on ne les aime pas », pensa-t-il.
Et il se recoucha, enfouit sa tête dans les oreillers.
« Adieu, Olga, sois heureuse ! » conclut-il en gémissant.
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Oblomov était comme cet homme qui, un jour d'été, suivant du regard le soleil couchant, ne peut s'arracher au spectacle de la partie embrasée du ciel, et ne voit pas derrière lui l'ombre qui va de plus en plus s'étendre. Comment la verrait-il ? Il ne songe qu'au matin, au retour de la lumière et de la chaleur.
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Déjà un aimable engourdissement s’emparait de tous ses membres ; déjà le sommeil commençait à engourdir doucement ses sens, comme les premières gelées embrument, timides, la surface des eaux. Encore une minute, et déjà son esprit se serait envolé Dieu sait où. Seulement Ilia Ilitch se réveilla tout à coup, et ouvrit les yeux.
« Mais je ne me suis même pas lavé ! Comment est-ce possible ? Oui, je n’ai rien fait du tout, murmura-t-il. Je voulais coucher mon plan sur le papier, et puis… et puis… Et enfin, je n’ai même pas écrit au commissaire, pas plus, du reste, qu’au gouverneur. J’ai bien commencé une lettre au propriétaire, mais je ne l’ai pas achevée ; et je n’ai pas non plus vérifié les factures, je n’ai pas non plus donné d’argent à Zakhar. Toute ma matinée a été perdue ! »
Et il devint songeur.
« Qu’est-ce qui se passe ? Un autre aurait-il fait tout cela à ma place ? se demanda-t-il soudain. Un autre, un autre… Qu’est-ce don qu’un autre ? »
Il se mit à réfléchir, et voici que se forma en lui une idée tout autre que celle qu’il avait exposée à Zakhar à propos des autres.
Il dut admettre qu’un autre aurait eu le temps d’écrire toutes ses lettres, sans être heurté par aucun petit mot, qu’un autre aurait aussi déménagé, qu’un autre aurait aussi réalisé ce plan, et inspecté le domaine par surcroît…
« Et moi aussi, j’aurais pu faire tout cela », songea-t-il. « Je sais tout de même écrire, il m’est tout de même arrivé d’écrire, et autre chose que des lettres. Alors ? Où sont partis ces dons ? Et puis, est-ce un tel drame de déménager ? Il suffirait peut-être d’accepter, de vouloir. Un autre ne passe pas sa vie en robe de chambre, un autre – et là-dessus il bâilla – ne dort pas la plus grande partie du temps, un autre profite de la vie, va partout, examine tout, s’intéresse à tout… Et moi ? Moi, moi, je ne suis pas un autre, évidemment », se dit-il avec tristesse, submergé par ces profondes réflexions. Il sortit même sa tête de dessous les couvertures.
Ce fut là une minute claire, lucide, dans la vie d’Oblomov.
Mais il s’effraya très vite du parallèle qui s’imposait entre la vie telle qu’elle aurait dû être et sa vie à lui, et les questions se mirent à voler en désordre comme des oiseaux peureux réveillés par un rayon de soleil inattendu, surprenant, dans l’ombre des ruines endormies.
Il s’attrista, il souffrir de constater son manque de développement, l’arrêt de ses forces spirituelles, la lourdeur qui l’empêchait d’agir. Et une jalousie lui vint à l’idée que les autres, pendant ce temps, vivaient d’une vie pleine et large, alors qu’une lourde pierre avait été jetée à travers le sentier étroit et pitoyable de son existence.
Dans son âme timorée, naissait une conscience douloureuse, il se mettait à comprendre que plusieurs aspects de sa nature ne s’étaient encore jamais éveillés, et que d’autres l’étaient si peu, éveillés… Alors que tout cet or, depuis longtemps, eût dû être changé en monnaie courante…
Il constatait soudain que toutes les phases de sa vie s’étaient rétrécies jusqu’à de pauvres et microscopiques dimensions, et cette confession silencieuse engendrait en lui une cruelle amertume. Les regrets stériles, les reproches de sa conscience l’ulcéraient ; il cherchait de toutes ses forces à jeter bas ce fardeau, à trouver hors de lui-même quelqu’un contre qui se tourner. Mais qui ?
« Tout ça, c’est la faute de Zakhar ! » chuchota-t-il.
Il se rappela les détails de son dialogue avec Zakhar, et sa figure, pourtant, s’embrasa de honte.
« Si quelqu’un avait pu m’entendre ! » songea-t-il, comme pétrifié. « Dieu merci, il n’y avait personne. Et Zakhar est tout à fait incapable de le raconter à qui que ce soit. Et quand même il en serait capable, on ne le croirait pas, Dieu merci ! »
Il soupirait, se maudissait, se tournait d’un côté sur l’autre, cherchait un coupable et ne le trouvait pas. Ses gémissements et ses soupirs parvinrent aux oreilles de Zakhar.
— Ah, comme ça le travaille ! grogna Zakhar avec humeur.
« Mais pourquoi suis-je comme je suis ? » se demandait pendant ce temps Oblomov, presque en pleurant. Et il cacha sa tête sous la couverture.
Ayant vainement cherché le principe hostile qui l’empêchait de vivre de la manière qu’il fallait, comme vivent les autres, Oblomov soupira une fois de plus, abaissa ses paupières et quelques minutes plus tard s’assoupit.
« Pourtant, moi aussi… je voudrais… » dit-il, clignant des yeux avec effort. « Vraiment, est-ce que la nature m’aurait défavorisé à ce point ?... Mais non, Dieu merci, je n’ai pas à me plaindre… »
Là-dessus il fit entendre un soupir apaisé. Il revenait de l’exaltation à son état normal, le calme, l’apathie. « C’est mon destin, évidemment, qu’y faire ? » chuchota-t-il, déjà vaincu par le sommeil.
— Deux milles roubles de revenu en mois… dit-il brusquement à voix haute. Tout de suite, tout de suite, attends…
Et il se réveilla à moitié.
— Quand même… Je serais curieux de savoir pourquoi je suis come je suis, répéta-t-il, mais cette fois dans un chuchotement, tandis que ses paupières se fermaient. — Oui, pourquoi ? Sans doute est-ce parce que… parce que… voulut-il encore prononcer, mais il ne prononça rien du tout.
Ainsi, il n’arriva pas à démêler les causes de son infortune. Sa langue s’arrêtait, ses lèvres se figeaient et demeuraient entrouvertes. Et à la place des paroles, on entendit encore un soupir, puis le ronflement égal de l’homme qui dort paisiblement.
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La robe de chambre avait, aux yeux d'Oblomov, des vertus inestimables : elle est douce, flottante, on n'y sent plus son corps ; telle une esclave docile, elle se prête à tous les mouvements.
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Le teint d'Ilia Illitch n'était ni rose, ni mat, pas véritablement pâle non plus ; neutre plutôt, ou du moins ayant cette apparence, et cela peut-être parce qu'Oblomov était prématurément un peu flasque, faute d'exercice et faute d'air à la fois.
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"Te voilà enchaîné, mon pauvre ami, enchaîné jusqu'aux oreilles", songea Oblomov en le suivant des yeux. "Et comme il est aveugle et sourd à tout ce qui se passe dans le monde ! Mais il arrivera, il brassera de grandes affaires, et il récoltera tous les grades...Chez nous, on appelle cela : faire carrière. La volonté, l'intelligence, les sentiments, à quoi bon ? Et avec ça il travaille, il travaille, de midi à cinq heures au bureau, et de huit heures à minuit chez lui !"
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Il n’était pas habitué au mouvement, à la vie, à la foule, à l’agitation. Serré dans la foule, il étouffait : s’il montait dans une barque, c’était avec un vague espoir de parvenir sans embûches à l’autre rive ; s’il voyageait en fiacre, il s’attendait à ce que les chevaux s’emportassent et le fissent verser.
De temps en temps une peur s’emparait de lui : il craignait le silence autour de lui, ou simplement un je ne sais quoi - tout d’un coup il avait la chair de poule sur tout le corps. Il lui arrivait de diriger un regard craintif vers un coin sombre, comme si son imagination allait lui jouer un tour en lui montrant une vision surnaturelle.
Ainsi en fut-il de son rôle dans la société. Il balaya d’un revers de main les espoirs de sa jeunesse, traîtres ou trahis, tous ces souvenirs tendrement tristes, lumineux, qui font battre le coeur de certains, même dans une vieillesse.
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