(...) des fois la nuit je me rappelle ma vie d'avant, ma force foulée aux pieds, mon jeune cœur piétiné...je me fais pitié, c'est amer ! Mais tout de même, la vie pour moi est devenue meilleure. Je me vois moi-même toujours davantage...[...]
-Me voilà maintenant à parler, continua la mère, continua la mère, je parle, je m'écoute, je n'en crois pas mes oreilles. De toute ma vie je n'avais pensé qu'à une chose, à passer à côté de la journée, à l'écart, inaperçue, pourvu seulement qu'on ne me touche pas...Et maintenant, je pense à tout le monde; je ne comprends peut-être pas bien vos affaires, mais tout le monde m'est proche... (p. 113)
Il y avait dans cet homme, quelque chose qui lui rappelait son mari : tous deux, ils découvraient les dents et retroussaient leurs manches de la même façon, avec la même irritation impatiente mais muette. Toutefois Rybine parlait, ce qui le rendait moins terrible.
Nous autres gens du peuple, dit-elle, nous sentons tout, mais il nous est difficile de nous exprimer, nos idées sont flottantes ; nous sommes honteux de ne pouvoir dire ce que nous comprenons.
- Camarades! Le moment est venu de résister à la force avide qui vit de notre travail, le moment est venu de se défendre; il faut que chacun comprenne que personne ne viendra à notre secours, si ce n'est nous-mêmes! Un pour tous, tous pour un, telle doit être notre loi si nous voulons vaincre l'ennemi...
Nous sommes des socialistes. Cela signifie que nous sommes les ennemis de la propriété particulière, qui désunit les hommes, les arme les uns contre les autres et crée une rivalité d’intérêts inconciliables, qui ment en essayant de dissimuler ou de justifier cette hostilité, et pervertit tous les hommes par le mensonge, l’hypocrisie et la haine… Nous estimons que la société qui considère l’homme uniquement comme un moyen de s’enrichir est anti-humaine, qu’elle nous est hostile ; nous ne pouvons accepter sa morale à double face, son cynisme éhonté et la cruauté avec laquelle elle traite les individualités qui lui sont opposées ; nous voulons lutter et nous lutterons contre toutes les formes d’asservissement physique et moral de l’homme employées par cette société, contre toutes les méthodes qui fractionnent l’homme au profit de la cupidité
-Et qui c'est, le plus coupable de tous ?
-C'est celui qui a dit le premier: c'est à moi !
Aide - moi ! Donne-moi des livres qui ne laisseront pas de repos à un homme quand il les aura lus. Il faut mettre un hérisson sous le crâne, un hérisson qui pique bien. Dis-leur à tes gens de la ville, qui écrivent pour vous, qu'ils devraient écrire aussi pour ceux de la campagne ! (p. 171)
Il lui semblait que ses paroles avaient disparu sans laisser de traces sur les hommes, telles des gouttes de pluie clairsemées tombant sur une terre crevassée par une longue sécheresse.
Mais, lorsqu’elle remarqua cette obstination à s’éloigner du torrent obscur de la vie monotone, un sentiment de vague inquiétude envahit son âme.
Par les images qui représentaient le Christ, par les récits qu'elle avait entendus sur lui, elle savait que lui, l'ami des pauvres, s'habillait simplement, tandis que dans les églises où ces pauvres venaient à lui pour être consolés, elle le voyez enchaîné par un or insolent, emprisonné dans une soie qui froufroutait dédaigneusement à la vue des miséreux.