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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
.
Mer d'Iroise démontée , roches aiguisées , vent hurlant par une nuit sans lune , c'est le décor apocalyptique d'où surgissent les terribles frères Banneck .
Braconniers des Abers , usuriers sans scrupules , ils sont les dignes héritiers d'un patriarche alcoolique et violent .

Tout près de là , à Brest , vivent René et Marc liés depuis l'enfance par une amitié fraternelle indéfectible .
René et son épouse tiennent un restaurant à poisson , très coté , face à la rade.
Marc , lui , travaille dans une agence comme conseiller financier. Son travail l'ennuie et sa copine a pris le large .
La famille de son ami est donc devenue son refuge quasi quotidien .
Faire bonne chère est un plaisir commun aux deux amis qui d'ailleurs en imposent par leur exceptionnelle corpulence . Détail qui , au fil du récit a son importance .

Peu à peu , on va découvrir les sources d'un conflit , des côtés sombres et des secrets larvés .
Une intrigue âpre de thriller qui va parfois prendre des allures de western .
Des masses qui s'affrontent tant physiques que mentales, des caractères trempés , entiers , pugnaces , têtus , obstinés mais surtout animés par la vengeance et la haine . Un choc de titans , extrême .

Excellent moment de lecture .
Ayant déjà beaucoup aimé " Rade amère " , j'avais hâte de retrouver la très belle prose de Ronan Gouézec . Mais là , je trouve le roman encore plus abouti avec beaucoup de sensibilité , de profondeur , de délicatesse aussi . Il nous offre une analyse fine du caractère de ses personnages qui évoluent dans une mise en scène aussi subtile que surprenante .

Autre petite saveur , j'y ai souvent vu l'ombre de Franck Bouysse , version gens de mer ...
Mais , on ne s'y trompe pas : Ronan Gouézec a son style , déjà une signature semble-t-il .
Atmosphère ...

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Rade amère, le roman précédent de Gouézec, m'avait laissé un sentiment ambigu. Une rare qualité d'écriture, un vrai sens de l'humain, mais une intrigue assez limitée. A la réflexion, après lecture de Masses critiques, peut-être m'étais-je laissé aller à penser que ce titre paru dans la collection Rouergue noir se devait d'être un polar construit et assuré. Ce qu'il n'était pas… et ce que n'est pas non plus Masses critiques.
Avec ce dernier livre, Gouézec construit un drame ; un terrible drame porté par la dureté des hommes et les caprices du destin.

Dés les premières pages, la qualité d'écriture de Gouézec éclate. Chaque paragraphe est ciselé. On sent les vagues se jeter contre le granit breton, la tension entre les êtres, leur indéfectible amitié aussi.
Le clan des Banneck, braconniers des mers, est mené par le père dur et alcoolique, avec ses deux fils, l'aîné, copie du père, qui ne connaît que la violence comme de fonctionnement, et le jeune qui peine à imposer ses velléités d'indépendance. Un trio qui se fracasse une nuit comme leur bateau contre les rochers affleurant dans le goulet où ils ratissent les fonds marins. Le père y passe. Le petit est sorti de l'eau par son aîné plus mort que vif. Banneck junior appelle René, qui est en dette avec eux pour les sortir de cette mouise.
René, restaurateur, a pu construire et développer son affaire avec l'argent des Banneck, et leurs pêches hors saison et hors taxes. Mais depuis il subit pression, brimades et anxiété. L'occasion est trop belle de s'émanciper de ces butors. Il refuse de les aider.
Marc, largement plus du quintal, enveloppé par un corps qu'il traîne comme il peut et qui lui vaut dans son dos commentaires et railleries, sent venir le plan de licenciement massif dans son entreprise. Depuis l'enfance, il est lié à la vie à mort avec Marc. Ces deux-là n'ont pas besoin de se parler.
Pourtant René n'a rien dit à Marc de ses accords avec les Banneck et de leurs intimidations. Pourtant Marc n'a rien dit à René de ses examens à l'hôpital de la ville. Inutile d'alerter le copain.

Gouézec s'insère dans les pensées de ses personnages avec talent. La brutalité gratuite de l'aîné des Banneck, dont le seul référentiel a été son père monolithique. Le petit frère Banneck qui veut s'émanciper, trouver de l'air, échapper à un avenir tout tracé. René, l'apeuré qui décide puisque le destin semble lui être favorable, de désormais vivre sans arrières pensées, et sans téléphone qui sonne en pleine nuit pour déverser des menaces. Marc, profondément observateur des autres, qui devine et qui est toujours là pour René. L'obèse, raillé par les autres, en soutien de son ami d'enfance, restaurateur en difficulté.

Gouézec a un réel talent pour arriver à décrire si finement l'âme humaine. Il sait aussi habilement placer son intrigue dans une Bretagne maritime qu'il ne nomme pas vraiment, mais qui, quand on connaît Brest, est magnifiquement représentée. Il conduit son histoire tel les actes d'un opéra menant inéluctablement à un drame final. Terriblement noir, mais aussi terriblement juste.
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Le père Banneck n'aurait pas dû prendre la mer ce jour-là. Coutumier des pêches illégales et juteuses, il est parti en mer par grosse tempête sur son rafiot pourri que le sale temps ballote comme une coquille de noix. L'inévitable se produit : le rafiot sombre et le père avec. Par miracle, les deux fils s'en sortent. Apprenant cela, René, restaurateur en vue dans la rade de Brest, et qui a maille à partir avec les Banneck depuis belle lurette, se croit sauvé de leurs chantages et extorsions à répétition. C'est sans compter sur l'esprit de vengeance que les fils Banneck ont hérité de leur père et que l'accident va raviver. René compte alors s'appuyer sur son ami de toujours, Marc. Mais ce dernier est-il réellement fiable ?

Après « Rade amère » paru en 2018 et couronné par le Prix de la Roquette, Ronan Gouézec revient avec un deuxième roman « Masses critiques ». Et celui-ci est tout aussi captivant : il s'agit d'un roman noir dense, qui se savoure d'une seule traite, par petites goulées âpres.

« Masses critiques » c'est d'abord un roman d'atmosphère, celle d'un univers replié sur lui-même que l'espoir semble avoir déserté en cette terre du bout du monde, frappée par les tourments climatiques, vent, pluie, froid, … sans fin. Ces conditions qui modèlent la végétation, façonnent aussi les mentalités de ses habitants, les burinant comme des blocs de granit. Dans ces contrées arides, l'emploi est rare, reste précaire, surtout quand on vieillit ou qu'on se démarque d'une manière ou d'une autre, par exemple par l'obésité. Alors on cherche l'argent, où qu'il se cache et quelle que soit la manière de l'atteindre.

Face à l'adversité, la nécessité de survivre en milieu hostile, on se serre les coudes, qu'on soit frères de sang comme les Banneck ou de coeur comme René et Marc. Page après page, Ronan Gouézec peint des personnages empêtrés en eux-mêmes, avec eux-mêmes et les autres, protagonistes qui luttent pour s'en sortir et continuer à croire en la vie. Son style fabuleux décrit aussi joliment les paysages maritimes que les territoires obscurs de chacun et le roman file, inexorablement, vers sa chute, dépliant les ressorts d'une noirceur qui viendra exploser en filaments brillants, éclairant, pour une fois, la nuit sans fin.

De bout en bout, un grand bravo pour cette oeuvre éblouissante qui dit à merveille l'obscur et la beauté de l'humain, intriqués.
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Amis des mouettes rasant les trottoirs alors qu'un ciel gris menace, fans de cette Bretagne rude des bords de mer où quelques vieux chalutiers continuent désespérément leur va en vient dans un port envahi de bateaux industriels, lecteurs friands d'ambiances sombres où même un bon plat de crustacés ne parvient pas à faire oublier la noirceur d'âmes où mijotent de vieilles rancoeurs, amateurs de la noirceur à la Simenon et de radiographie de notre société à la Houellebecq ( qui aurait pris du bromure et enfilé un ciré jaune). " Masses critiques" a énormément de chance de vous plaire.
Cependant, bien que publié dans la collection noire des éditions du Rouergue, on ne retiendra que la couleur, l'intrigue n'étant au final que très peu policière ou criminelle. Donc, pour caricaturer, aucune belle jeune femme mystérieuse se morfondant dans une belle baraque aux lourds secrets, aucun flic fringant, cabossé, alcoolo ou séducteur, pas de serial killer sadique, bipolaire, machiavélique, aucun détective privé se distrayant de sa vie en EHPAD en enquêtant sur le voisinage ( en 2019 il ne reste plus que des seniors pour endosser ce rôle).
Ronan Gouézec choisit plutôt de nous entraîner dans le sillage de deux hommes au physique n'ayant pas le droit aux magazines de papier glacé, dont la rondeur sera proportionnelle à l'humidité ambiante, héros à l'empathie aussi forte pour le lecteur que leur amitié. A travers eux, dans les embruns glacés d'une côte bretonne, nous sera décrit un monde de moins en moins fraternel, où les humains n'ont même plus le travail pour donner un sens à leur vie de galère, où l'amitié viendra se fracasser à l'impitoyable noirceur de relations où l'argent, l'amour et la colère formeront un cocktail qui les entraîneront dans les abysses de la vengeance.
C'est noir, très noir...et humide, de cette humidité qui poisse, qui refroidit les coeurs autant que les corps. Alors, que rien ne laisse espérer une lumière, le roman accroche le lecteur grâce à une écriture précise et dense, restituant avec force et émotion cette atmosphère de bout du monde, de bout d'un monde, d'une amitié maltraitée. La magnifique écriture de Ronan Gouézec nous plonge dans une histoire terriblement humaine où, comme sur le bord d'une falaise, le vertige nous saisit.
Peut être pas franchement policier mais formidablement littéraire, "Masses critiques" nous offre un surprenant séjour breton !
Lien : https://sansconnivence.blogs..
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Une nuit, alors que la mer est déchaînée sur les côtes bretonnes et que le père Banneck et ses fils voguent pour une pêche interdite, l'ivresse du vieux ne pardonne pas, il sombre avec le bateau. Il sont alors livrés à eux-mêmes, sans plus d'embarcation. L'aîné des deux frères est un écorché, qui se jette à corps perdu dans une bataille contre René Joffre, le restaurateur du coin avec qui ils se sont associés pour lui livrer du poisson, souvent hors périodes légales. le Joffre serait le responsable de tous leurs maux, et aurait toujours une dette envers eux. Quand René est contacté par le fils Banneck en détresse, il décide d'arrêter toute liaison avec cette famille de la terreur. Mais le fils Banneck ne l'entend évidemment pas de cette oreille.


Après les deux premiers chapitres, nous voilà complètement embarqués dans le roulis, les embruns, la pluie, la mer hurlante, et au milieu de la rage de cette famille d'hommes à vif. Ce roman qui prend des allures de thriller puise sa force dans les descriptions des paysages, des situations, des éléments, des personnages. de sa plume acérée, l'auteur se plaît à user de tous les ressorts poétiques et dramatiques pour nous situer une ambiance.

Ensuite c'est aussi un roman, certes noir, sur la fraternité. Celle très tourmentée des frères Banneck, entre la rage du grand et l'envie de libération du joug familial pour le cadet. Une relation forte, blessée, abîmée. Il y a aussi celle de cette amitié fraternelle qui lie les deux gros, René Joffre le restaurateur, et Marc, son ami d'enfance, en proie à des questionnements professionnels et sentimentaux. Une belle relation faite d'écoute, de soutien, d'affection.

Et puis il y a les soifs de vengeance, les destins liés, les saluts compromis, et puis il y a la difficile vie.

C'est le meilleur roman que j'ai lu depuis un moment, un livre qui se vit, que l'on veut lire à haute voix, qui nous transporte et nous fait trembler. Un très beau tableau mouvant, un très beau roman.

Lien : https://chezlorraine.blogspo..
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Masses critiques est le second romand de Ronan Gouézec qui me tombe entre les mains. Ronan Gouézec est finistérien et cela transpire dans ses écrits.

Un premier chapitre intitulé Corps et Biens : « le filet s'écrase sur le plancher poisseux. Il glisse aussitôt hors de portée, tant le roulis est fort. Les paquets de mer arrivent, entassés en grand désordre de verts ténébreux, de gris charbonneux. de temps à autre une explosion mousseuse vient franger les voûtes de ces cathédrales romanes en folle procession. C'est une dentelle délicate et éphémère. Les lames se précipitent. Elles s'empilent, s'assemblent en blocs denses quasi solides. Un monticule liquide est en train de naître. C'est le rejeton boursouflé et gueulard d'une mer furibonde. Il n'en finit pas de s'édifier, de s'écrouler sur lui-même avant de rouler et de se reconstituer un peu plus loin, crachant et grondant. »

Une histoire poisseuse : entre une fratrie haineuse qui pratique la pêche illégale, René le restaurateur extorqué, et Marc, son ami d'enfance, conseiller financier, qui porte son obésité comme une colère en cocotte-minute.
Un croisé-décroisé entre tout ce petit monde, violent, iodé et sans concession.

Ronan Gouézec dépeint une atmosphère brestoise de bout du monde où la météo n'est guère tendre avec les autochtones. Morceaux choisis :

« Un grain subit roule vers lui en ronflant depuis le goulet, brouillant le regard retrouvé. Il vient s'abattre sur la ville et épuiser sa mauvause humeur. Cela ne durera pas. »

« Des rafales brèves mais puissantes annoncent un nouveau grain qui arrive en roulant des épaules lourdes et massives.
Il faut vite se mettre à l'abri. »

« le gris de la mer s'est mué en un bleu ardoise très foncé, presque noir, moucheté de blanc. Il se fond dans le ciel sombre et très bas. Un clapot court et agressif s'est levé. »

« Des rayons de soleil industrieux et dardés cherchent à percer entre les masses cotonneuses lourdes et noires à leurs marges. Cela s'insère et se diffuse. C'est maintenant une lame incandescente et large qui se déploie et tranche dans la densité sombre. »

Un roman incisif, houleux, où la vengeance se déguste en fond de cale par 4 mètres de creux. Ça secoue !
Lien : https://deambulationsrennais..
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Le même coup de poing que "Rade amère".
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"Choc de titans !" Quatre hommes liés par le sang, la haine et l'amitié vont s'affronter sur fond de tempête en mer d'Iroise. Un roman noir rugueux qui ménage au fil des pages des éclaircies lumineuses.
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