Et quelle longue description vaudrait ce seul vers sur le crépuscule :
L'ombre et le jour luttaient dans les champs azurés.
Après ces simples mots, n'est-on pas tenté de fermer le livre et de regarder dans ses propres souvenirs? On se rappelle la sérénité de ces moments trop courts où les dernières lueurs du soleil, à la fin d'un beau jour, colorent de teintes rosées le bleu tendre du ciel, tandis que les détails du paysage deviennent de moins en moins distincts, que les oiseaux s'appellent, se réunissent et babillent avant de regagner leurs abris, et que la première étoile commence à scintiller, annonçant à tout ce qui vit la venue de l'heure du recueillement et du repos.
La Fontaine n'a pas moins finement senti la poésie de la nature que saint François de Sales, mais il l'a rendue tout autrement. Cette différence tient à plusieurs causes. Au lieu de contempler en chrétien le monde physique, il le regardait en curieux, en rêveur, en épicurien. Si les « trésors des jardins et des vertes campagnes » charmaient autant ses yeux et son esprit, ils ne s'imposaient pas à son coeur avec la même puissance : presque jamais on ne surprend chez lui la moindre effusion lyrique; constater avec précision lui suffit.