Le fils de Hugo, s'apprêtant à publier en français des oeuvres de
Shakespeare, a demandé à son père d'en écrire une courte préface. le résultat est un essai de quelques centaines de pages explorant la nature même du génie. Bien trop long pour une préface, évidemment.
En fait, c'est à peine si l'essai "
William Shakespeare" parle de
Shakespeare. On y aborde l'art, son histoire et sa nature. Très intéressant pour quiconque veut en savoir plus sur la philosophie de Hugo. Il y reprend les thèses qu'il a développées dans sa
Préface de Cromwell dans une version ici plus complète, plus mature.
La partie la plus intéressante pour le lecteur contemporain est un long exposé sur les statues et autres hommages érigés à la mémoire des figures historiques. C'est un débat qui revient souvent de nos jours. Devrions-nous déboulonner ces artistes/politiciens/militaires dont l'oeuvre a mal vieilli, qui ne répondent pas à l'évolution des normes morales?
La réponse de Hugo est un "Oui" retentissant. Déboulonnons-les tous!
Pour lui, on n'érige pas une statue à un homme, mais à une idée, et les idées que l'on décide d'honorer doivent briller comme des phares dans la nuit. Une nation ne devrait jamais chercher à élever un homme en lui bâtissant un tel hommage, elle devrait chercher à s'élever elle-même en honorant un symbole dont elle s'espère digne. Elle doit mettre de l'avant des valeurs plus grandes qu'elle, et s'efforcer d'en être digne.
En ce sens : Napoléon, César et Alexandre peuvent bien être oubliés. Leur mérite vient du sang qu'ils ont versé.
Shakespeare, par contre, n'est pas un homme. C'est un idéal. L'Angleterre ne lui rend pas hommage en affichant son buste. Elle s'enorgueillit d'avoir pu donner naissance à son génie.