Georges Agniel, futur découvreur, et écolier lui aussi, était régulièrement au piquet. Insolent sans même le faire exprès, il savait tout sur tout. Une mémoire d’éléphant dans un corps de porcelaine. Il passait son temps à lever la main en cours parce qu’il connaissait les réponses. Le genre de mioche pénible. Donc inlassablement, chez lui ou à l’école, il était en retenue. Il avait ce qu’on n’appelait pas encore à l’époque une hypermnésie, une mémoire totale, tout ce qu’il entendait ou voyait, il le retenait.
Dans la grotte des Combarelles, caverne vieille de 13 000 ans, à quelques kilomètres de Lascaux, j’ai eu l’impression d’être mise dans le secret, et mon père aussi. Lorsqu’on regarde une gravure ou une peinture rupestre, on est en train de regarder quelque chose que l’on n’aurait jamais dû voir, le temps aurait dû l’effacer. On se sent précieux, choisi, car cette chose parfaitement belle, inimaginable, se déploie sous nos yeux. La main d’un Magdalénien, il y a des millénaires, était là, à notre place, et a laissé cette empreinte, qui n’est autre qu’un secret dévoilé.
- Moi je ne savais même pas que j’étais juif.
- Vos parents ne pratiquaient pas ?
- Non, ma grand-mère mangeait du pain azyme, elle faisait ça, voilà.
- C’était une sorte de non-dit, alors ?
- Non, non… Je ne sais pas, on n’en parlait pas, c’est tout, on était juste une famille, vous voyez.
Simon vient de passer la porte d’entrée en la claquant, mais ils ne l’ont même pas entendu. Il va exploser : « Alors comme ça, on est juifs ! Première nouvelle ! J’aimerais qu’on me mette au courant ! »
Vous savez qu’on m’a recopiée trois fois, moi je suis Lascaux I. Il y a Lascaux II, mon premier fac-similé, à mes côtés, dans la forêt, et Lascaux IV, le centre international de l’art pariétal. Je suis sans doute l’œuvre d’art la plus refaite, je suis tellement belle que vous devez me voir absolument.