Plusieurs imaginent que la forme s'ajoute au fond, comme fait un ornement, d'où il résulterait que le souci de la forme est un souci mondain et facultatif, le principal étant d'avoir du fond. Les Sciences donnent le fond; les Lettres apprennent la forme. On peut donc à la rigueur se passer des Lettres.
On ne peut raconter sans donner aux sentiments de ses personnages une densité qu'ils n'ont pas dans dans la vie commune, sans les modifier, les accroître ou les restreindre, sans ajuster les hasard mieux que ne le fait la vie. Ce faisant, on va dans le sens de la vérité.
Au reste, celui qui sait la genèse d'un livre, celui, qui a mesuré l'écart qui existe entre l'incertitude du manuscrit et la certitude à jamais fixée du livre confié aux presses et vraiment livré aux méchants et aux bons, celui-là sent de la pitié pour les livres et il pardonne beaucoup.
Certes, les étudiants ne manquent pas de talent et de génie. Le malheur est qu'ils ont beaucoup trop d'idées, qu'ils ne savent pas en choisir une seule et la développer : c'est comme si la nature voulait composer un arbre qui soit à la fois hêtre, chêne et bouleau et qu'elle ne pût pas se résigner aux espèces.
C'est une existence bien libre où l'imagination, bridée sur bien des points de discipline, a toute licence pour se détendre en plusieurs rêves, où le sérieux se nourrit dans l'insouciance, comme il arrive à celui qui ignore le lendemain, qui a pris son parti du pire et qui sait d'avance qu'il ne faillira pas. En quoi ce métier militaire est une image de l'office intellectuel : le secret, ici et là, est, je crois, de s'obliger à de certaines applications fort précises mais de se laisser beaucoup de champ, de se donner des directions nettes mais d'escompter les hasards, de ne pas savoir où l'on arrivera mais d'être certain toutefois qu'on arrivera.
L'insatisfaction vis-à-vis de la pédagogie de nos enfances est un sentiment honorable et nécessaire. Une pédagogie parfaite serait sans valeur pour former un homme, qui a besoin tout à la fois qu'on soit avec lui adroit et maladroit pour qu'il arrive à sa taille. Le vice d'une éducation systématique, c'est de ne produire qu'un homme-enfant, comme souvent le sont les dauphins, peut-être même comme l'était Émile? Rendons donc grâce au ciel des défauts, des lacunes de nos premiers maîtres, sans quoi nous n'aurions disposé d'aucune matière réfractaire. Le contraste est la condition d'une expérience originale. Un maître nous instruit par ce qu'il nous donne. Il nous excite par ce qui lui manque et qui nous sollicite à être notre propre maître intérieur.
‘’Souvent ceux qui nous entourent, n’ayant pas su condenser leur expérience faute de langage, sont pour nous comme si ile n’avaient rien à nous apprendre.’’
‘’Toute la méthode consiste dans l’ordre et la disposition de vers quoi il faut diriger la pointe de l’esprit pour y apercevoir quelques vérités.’’ De Descartes
‘’Le travail intellectuel exige deux qualités contraires : la lutte contre la dissipation, ce qui ne se peut qu’en se concentrant mais aussi un détachement par rapport à son travail puisque l’esprit doit prendre de la hauteur , être tenu comme disait Etienne PASCAL, au-dessus de son ouvrage.’’
S'il suffisait d'être sincère pour être original, nous serions
tous artistes !
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