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« Nous étions comme des fous toute la nuit rugirent en nous les lions ».

Le chantage est une arme redoutablement efficace pour semer le chaos dans la vie des autres. Lorsque le docteur Ethan Green, brillant neurochirurgien, mari heureux et père de famille rentre un soir, il percute un clandestin érythréen dans le désert. Green est médecin. Pourtant, il prend la fuite après avoir constaté qu'il n'y a plus rien à faire. Sa conscience le tourmente, et sa femme Liath, policière chargée de l'enquête, lui raconte chaque soir ses investigations.
Dans sa fuite, Ethan Green a égaré son portefeuille, qu'une clandestine, Sirkitt, épouse du défunt lui ramène à son domicile. Avec un marché non négociable. Son silence contre ses nuits.
Green se retrouve ainsi tous les soirs dans un hangar sordide à prodiguer des soins à des Soudanais et à des Erythréens en grande détresse, qui présentent de graves infections et des blessures sérieuses. Combien de temps Green pourra-t-il mentir à son entourage, à l'hôpital où il travaille et où il s'est mis à voler des médicaments? La mort d'Assoum a aussi d'autres conséquences qui vont plonger la zone dans de graves remous.

Le thème du maître chanteur manipulant sa victime qui voit avec désespoir la quiétude de son quotidien se lézarder au fil des jours est toujours efficace. Mais Réveiller les lions n'est pas Le bûcher des vanités de Tom Wolfe. Pas d'engrenage juridique, ni de prise de conscience des inégalités raciales. Le sort des clandestins africains en Israël, comme ailleurs, n'intéresse pas grand monde. Qu'ils manquent mourir dans le désert, se fassent tirer dessus par les militaires égyptiens, kidnapper et violer par les bédouins, pour arriver épuisés en Israël où ils végètent, c'est bon pour les journaux. Pour les autres, ils sont invisibles, interchangeables. Et pour Green, les nuits ne sont pas plus belles que nos jours. Il se retrouve à VOIR l'autre, à pratiquer une médecine d'urgence (ce qui lui plait), à sortir de sa bulle pour prendre la réelle mesure d'un phénomène que le pays n'avait pas prévu. Conçu pour les réfugiés, il n'avait pas pris en compte le fait qu'un jour Israël pourrait présenter un intérêt pour d'autres, Africains, Indonésiens…

Plus que l'intrigue policière et psychologique, c'est tout le côté sociologique mis en avant par Ayelet Gundar-Goshen qui m'aura intéressée. Déjà traité sous forme de polar par Liad Sholam dans Terminus Tel-Aviv (adapté récemment en série sous le titre Asylum City), le thème des clandestins africains majoritairement musulmans (environ 42 000 arrivés surtout après 2007 depuis le Sinaï égyptien et installés dans des quartiers pauvres de Tel-Aviv) est au coeur de l'actualité israélienne ces dernières années. En donnant un nom et un visage à l'un d'entre eux, Sirkitt, une femme énigmatique, victime des hommes, de son mari et elle même intraitable avec les autres, Ayelet Gundar-Goshen permet au lecteur de plonger dans un monde que Green comme sa femme connaissent mais qu'ils ne veulent pas voir. Et qui divise la société israélienne. « Je comprends que, pour vous, c'est un sacerdoce, Hippocrate et tout le bazar, mais je vous le dis, un Etat de droit ne peut pas fonctionner comme ça. On ne peut pas accueillir toute la misère du monde! Si on assure une couverture sociale et des soins médicaux gratuits, mais c'est la moitié de l'Afrique qui va débarquer chez nous! », déclare l'un des personnages.
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♥ COUP DE COEUR ♥
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Beaucoup de mouvement dans le désert du Neguev
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Je crois que c'est bien le premier roman israelien que je lis (mais pas le dernier!). D'ailleurs à l'issue de ma lecture, j'ai aussitôt demandé à Netgalley le second roman de cette auteure "la menteuse et la ville".
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On parle de thriller psychologique mais ce n'est pas que ça. Ne vous attendez pas à beaucoup d'action (du moins aux 2/3), mais c'est aussi un grand roman sociologique. J'ai vraiment été estomaquée par la façon dont l'auteur arrive à nous parler de thèmes assez controversés et douloureux, voire politiques.
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Un neurochirurgien israelien, heureux en ménage mais plutôt frustré dans son travail, erre un soir dans le désert du Neguev. Avec son puissant bolide il écrase malencontreusement un Erythréen. Que fait-il? En peu de réflexion, il prend la fuite honteusement.
Or, une jeune femme sonne à son domicile peu de temps après. Elle a tout vu. Elle le force à accomplir des actions en lien avec son métier.
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Voyez qu'en une minute, une vie peut basculer dans l'horreur. Ethan le chirurgien est animé par la culpabilité. Si grandissante qu'elle lui fait perdre son sang-froid.
L'auteur nous fait rentrer dans un monde inconnu: celui des migrants, de ces personnes esseulées, devenues parias. Egalement une tension extrème envers des peuples voisins, tels les Bedouins.
Tout ce petit monde est à cran. Et c'est peu de le dire.
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Le récit est narré par 3 personnes (sans vraiment de chapitres consacrés, la lecture est donc très active). Tout d'abord Ethan, le protagoniste rongé de remords, sa femme inspectrice, responsable de l'enquête policière et Sirkitt, la femme-chanteuse (en fait c'est la veuve de l'homme qu'Ethan a écrasé).
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Une incroyable descente aux enfers se déploie sous les yeux du lecteur. L'analyse des personnages est extrêmement bien fouillée avec leurs sentiments complexes et non manichéens. Une écriture dense avec parfois des souvenirs répétitifs des personnages rend cette lecture complète et très addictive. Je n'ai pas pû lâcher ce gros pavé.
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De plus la fin est complètement cohérente avec la réalité politique du pays. Je ne vous en dis pas plus. J'aimerais vous convaincre de le lire, de le savourer comme moi qui ai apprécié ce ton dramatique avec un soupçon d'humanité.
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Le Dr Ethan Green, brillant neurochirurgien israélien, a tout pour être heureux : une femme aimante, deux petits garçons adorables, un travail gratifiant, une belle maison. Et un beau gros 4x4, tellement incongru sur le bitume de sa banlieue, que par une belle nuit de pleine lune, il décide d'aller le faire rugir dans les dunes du désert aux portes de la ville. Mauvaise idée. Il percute un homme, qui meurt sous ses yeux. Le Dr Green prend la fuite, sans se rendre compte que la femme de la victime a assisté à l'accident. Elle le retrouve, découvre qui il est, ce qu'il est et ce qu'il possède, et comprend très vite que le meilleur moyen de le faire chanter n'est pas de lui réclamer de l'argent. Green, qui comprend tout aussi rapidement qu'il risque de tout perdre s'il refuse, se voit entraîné dans le monde très précaire des migrants clandestins africains et de ses annexes que sont les trafics en tous genres, les violences envers les femmes et la traite d'êtres humains. Les rôles basculent : lui qui jusque là maîtrisait sa vie est désormais soumis au bon vouloir de Sirkitt, la veuve, jeune et belle Erythréenne, qui pour la première fois de son existence se trouve en position dominante et non plus dans celle de la femelle objet ou esclave. Embarqué malgré lui dans une vie parallèle dissimulée sous des mensonges de moins en moins crédibles, Ethan risque tout, travail, famille, liberté, d'autant que sa femme, policière, est chargée de l'enquête sur le mort retrouvé dans le désert. Sirkitt, quant à elle, gagne sur tous les terrains. Une relation trouble se noue entre eux, faite de haine, d'instrumentalisation, de culpabilité, de sens du devoir et de désirs inavoués. Jusqu'au moment où l'étau se resserre sur eux et où tout bascule à nouveau pour rentrer dans un certain ordre des choses.

« Etre né quelque part, pour celui qui est né, c'est toujours un hasard...
Est-ce que les gens naissent égaux en droits
A l'endroit où ils naissent... »

Injustice du lieu de naissance, certains dans un pays aisé, d'autres dans un pays en guerre ou en famine. Les premiers s'empressent de rester dans leur pays de cocagne, les autres n'ont de cesse de partir vers celui-ci, à quel prix, et sans être payés de retour. Sirkitt y a cru, y croit peut-être encore dans ce roman désabusé et dérangeant. La scène finale est criante de fatalité et de désespoir résigné pour les uns, de soulagement honteux pour les autres.
Si ce livre, centré sur le sort des migrants clandestins, est animé d'un certain suspense, il n'en est pas trépidant pour autant. Un autre thème occupe une place importante, celui de la confiance et la loyauté dans un couple, qui donne lieu à des monologues intérieurs un peu trop longs et répétitifs. Un couple peut-il survivre et se rebâtir sur un mensonge ? Les doutes, la mauvaise conscience en auront-ils raison un jour ? Peut-on être sûr qu'après avoir réveillé un lion, ou plutôt une lionne, celle-ci se rendormira en oubliant à jamais ce qui l'avait tirée de son sommeil ?
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Il me semble que c'est le premier roman Israëlien que je lis. Et c'est une grande réussite ! C'est à la fois un grand roman d'amour, un polar et d'une certaine manière, une intrigue politico-sociale. Tout y est pour nous tenir en haleine sur 400 pages.
Un chirurgien, bien sous tous rapports, heureux en famille et en amour, heureux professionnellement, va voir sa vie basculer en quelques minutes. En écrivant ces lignes, ça me fait penser tout à coup à un film d'Hitchcock. Un lourd secret va peu à peu déliter tout ce qui faisait de cet homme , un parfait représentant de la haute bourgeoisie israëlienne. Sans le vouloir, il va se retrouver confronté à l'horreur qu'il n'imaginait pas. Car c'est aussi un formidable roman humaniste qui nous offre une autre vision d'Israël que celle habituellement véhiculée dans les média.
A lire absolument.
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Merci à Maia64 qui m'avait conseillé ce livre, et tu remarqueras, Idil, que j'en suis à mon quatrième livre israélien!😉 Je progresse.

Encore une très belle découverte. Psychologue clinicienne, mais aussi scénariste, l'auteure allie ces deux métiers dans le livre. Je m'explique: les êtres sont sondés en profondeur, et l'aspect thriller présente une construction qui maintient habilement toute l'attention du lecteur.

le point de départ de cette folle et angoissante histoire: Ethan, neurochirurgien, décide un soir de se libérer de toutes ses frustrations professionnelles ( il a été muté dans une ville poussiéreuse du désert car il a voulu révéler les dessous de table de son médecin-chef) .

Il roule donc à grande vitesse sur une piste, dans le sable, et soudain, heurte un corps: celui d'un Érythréen . Et devant le mourant, commet l'iŕréparrable pour un médecin : il fuit.

L'engrenage commence alors: la femme de la victime, qui a tout vu, vient le trouver chez lui et le tient à sa merci. Vous imaginez qu'elle va lui réclamer de l'argent, le faire chanter? Pas du tout. C'est autre chose qu'elle lui impose. Et je n'en dirai pas plus. Sauf que la vie d'Ethan va devenir un enfer de mensonges, et qu'il pourrait y perdre sa femme et ses enfants, qui sont pourtant tout pour lui.

Les personnages sont percés à jour, leurs pensées les plus intimes nous sont révélées, leurs fantasmes, leurs cauchemars, leurs faiblesses. Ils sont terriblement humains, et nous nous attachons à eux: Ethan et son enfermement dans une spirale dangereuse, Sirkitt , belle et digne, qui se relève de ses blessures, Liath, l'épouse d'Ethan, policière désarmée qui voit son mari s'éloigner, changer.

Voilà un roman prenant, bien plus complexe qu'un simple thriller. Certes, le lecteur désire savoir comment tout ceci va se terminer, mais c'est essentiellement l'aspect psychologique qui passionne. Bravo à l'auteure pour sa capacité à nous faire entrer dans l'âme d'êtres tourmentés avec autant de finesse et de sensibilité. Et la dimension sociologique a aussi beaucoup d' intérêt. Je recommande chaudement ce livre!
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Un accident, un meurtre et c'est l'engrenage...
C'est le deuxième livre de cette auteure que je lis et encore une fois, je suis agréablement surprise! Ce livre est classé dans la catégorie thriller mais pour moi c'est bel et bien un roman noir. Ce livre nous parle d'inégalités, de pauvreté et de misère. C'est une explosion de sentiments contradictoires au cours de la lecture. le thème principal (cher à l'auteure) est le mensonge. (cf ci-dessous ma chronique de "La menteuse et la ville") le Dr Green est un meurtrier, il devient voleur de médicaments, menteur, il ne se reconnaît plus en tant que médecin.. Que doit-il faire puisqu'il n'a pas le choix? Explosion de sa vie, de son couple, de son regard à autrui...La vérité est immonde, honteuse, trop difficile à avouer. Comment va-t-il s'en sortir? Je ne vous en dis pas plus mais sachez que peu à peu une métamorphose va se produire. Je conseille! (...)

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Brillant, subtil, profond. Je referme ce récit aussi surprenant que passionnant et j'observe la photo de cette jeune écrivaine dont je viens de découvrir le second roman. Une épaule plus haute que l'autre, une légère esquisse de sourire au coin des lèvres et deux yeux, braqués sur l'objectif, qui semblent vous observer et guetter votre réaction (ça vous a plu ? vous êtes surpris ?). On n'y lit aucun doute, ils semblent fiers et sûrs d'eux… ils ont bien raison.
D'abord, il y a une introduction magistrale, une de celles qui vous happe immédiatement et vous laisse à penser que vous allez lire une histoire de culpabilité et de remords à la suite d'un accident de la route avec délit de fuite. « L'homme, il le percute précisément au moment où il songe que c'est la plus belle lune qu'il a vue de sa vie. »
Un peu plus loin, quand vous apprenez que l'épouse du chauffard est chargée de l'enquête, vous dites alors que le suspens psychologique va se doubler d'une enquête policière et de graves problèmes conjugaux…
Mais ce n'est pas tout : « La femme qui se tient sur le seuil est grande, mince et très belle, mais Ethan ne remarque aucune de ces qualités, focalisé qu'il est sur deux autres éléments : elle est noire et, dans sa main, il y a un portefeuille qu'il connait bien puisque c'est le sien… » Pas de chance ! La victime n'était pas seule et lorsque sa veuve vient faire chanter le médecin, tout se complique encore un peu plus. Pour acheter son silence, il lui offre de l'argent, elle n'en veut pas, mais lui impose de …
Je n'en dis pas plus, le lecteur a le droit de soulever les unes après les autres les poupées russes de cette passionnante histoire.
Mais nous aurions tort d'en rester là, car au-delà d'un scénario tellement bien agencé, il y a la profondeur des personnages, et, au fur et à mesure que leurs motivations nous sont dévoilées, on découvre l'autre richesse de ce roman. Qu'il nous parle du doute qui s'insinue dans le couple au fil des mensonges, des rapports parents enfants ou du lien qui unissait l'épouse à sa grand-mère, c'est d'une justesse et d'une profondeur remarquable. Je garde en mémoire la scène pleine d'émotion où, après la mort de la grand-mère, fille, fils et petite-fille se partagent comme objet transitionnel au deuil un bocal de cornichons. Je pense aussi à une scène à la piscine, une autre dans le désert où deux bédouins, père et fils, savourent leur café du matin devant leur cahutte.
Empathie et culpabilité vis-à-vis des clandestins, femme battue émancipée, barrière raciale entre déshérités, incommunicabilité entre nantis et démunis : «La distance entre l'homme affamé et l'homme rassasié est bien plus grande que celle de la Terre à la Lune » ou dans un couple : « On ne connait jamais vraiment l'autre. Reste toujours un angle mort. », les thèmes nombreux, se succèdent, s'entremêlent.
On pensait avoir affaire à un roman sur la culpabilité et le remords et puis, savamment sans crier gare, l'histoire a évolué et rebondi… Est-ce une histoire d'amour hors norme ? Un reportage sur l'immigration clandestine et le sort misérable de ceux qui ont tout quitté parce qu'ils n'avaient plus rien, ou bien une annexe de médecins du monde, peut-être bien également un bel exemple d'émancipation féminine ou bien simplement un manuel de survie familiale: comment ne pas détruire ceux qu'on aime quand apparaît la lune rouge et que les lions se réveillent…
C'est tout cela, très finement analysé, tout particulièrement la psychologie des personnages dans (j'allais oublier de le préciser) un thriller avec du suspens, des rebondissements et une fin étonnante. Ne passez pas à côté !
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Ethan Green est un Israélien pur jus et bon teint. Au moment où il envisage d'émigrer vers les Etats-Unis pour fuir une situation professionnelle qui le met mal à l'aise, son projet est réduit à néant par un grain de sable du Negev venu se coincer sous les roues de sa voiture. Ce grain de sable quasi invisible a forme humaine, il est noir, érythréen plus précisément, et mourant par dessus le marché. Ethan se retrouve alors face à un dilemme: soit assumer sa responsabilité, demander de l'aide et avouer ainsi qu'il a commis un crime en écrasant un homme, soit tout simplement partir et trouver un petit arrangement avec sa conscience en prétendant que rien n'est arrivé. En optant pour la seconde solution, ce type intègre, exilé loin de Tel-Aviv parce qu'il refusait de tolérer la corruption, met le doigt dans un engrenage infernal qui lui fait découvrir une réalité dont il n'avait pas conscience et va l'entraîner très loin de sa zone de confort, vers un monde de mensonges, de peur et de culpabilité qui révèlent les coins les plus sombres de l'âme humaine.

J'ai longtemps laissé dormir les lions de Mme Gundar-Goshen dans le fin fond de ma bibliothèque, n'ayant été que très peu séduite par son premier roman Une nuit, Markovitch. Je suis ravie de m'être décidée à enfin réveiller ces lions car la surprise a été excellente. L'écriture simple, accessible à tous mais suffisamment recherchée pour retenir l'attention, la finesse psychologique et l'intrigue passablement intéressante, tout est réuni pour offrir un roman qui se laisse lire avec plaisir. Tout son intérêt réside dans les thématiques développées comme celles la visibilité et de l'invisibilité, de la dynamique du pouvoir entre l'observé et l'observateur et surtout celle concernant les dizaines de milliers d'Africains "infiltrés" clandestinement et dont le sort divise l'opinion israélienne. Subtilement, l'auteure - militante pacifiste et membre de l'association pour les droits civiques- laisse entrevoir au lecteur curieux qui a envie de voir un peu plus loin que le bout de son nez, le système dysfonctionnel d'un pays construit par des réfugiés pour des réfugiés mais qui n'accorde que vraiment très, très peu le statut de réfugié aux immigrants non-juifs, laissant ainsi les demandeurs d'asile érythréens et soudanais dans l'ombre d'une situation plus que précaire.
J'ai déjà lu quelques romans israéliens, ils abordent souvent le problème de la discrimination, voire du racisme, envers les Arabes mais c'est la première fois que j'y vois traité le sujet de la haine envers les Africains entrés clandestinement en Israël pour fuir leurs pays reconnus par l'ONU coupables de crimes contre l'humanité. Avec cette histoire, j'ai découvert que l'état hébreu n'est pas une terre d'asile promise à tous et c'est pour cette raison que j'ai tant apprécié ma lecture. En plus d'être plaisante et enrichissante, elle possède un côté universel en montrant qu'il n'existe pas de différences ethniques et/ou culturelles dans la souffrance humaine.
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Le Dr Ethan Green voit sa vie basculer et prendre un tournant inattendu après avoir écrasé un homme dans le désert. Confronté à sa veuve, il va devoir affronter deux mondes inconnus : celui des clandestins et celui de sa vie personnelle, qui, bien établie, va subir de plein fouet cet accident.

Car comment un neurochirurgien peut il se voir chuter dans une descente aux enfers lente et certaine à cause d'un acte réflexe de sauvegarde, fut-ce pour les mauvaises raisons et leurs conséquences réelles ?

Est il réellement possible pour Ethan Green de vivre avec une telle culpabilité sans laisser ressortir le moindre iota d'inquiétude auprès de ses proches ?

Est il vraiment possible de pouvoir vivre comme si de rien n'était, tout en passant son temps à gérer une situation qui devient très rapidement étouffante et par conséquent insupportable ? Comment un couple soudé, uni, partageant les mêmes valeurs de réciprocité, de justice peut-il affronter sa dislocation - hautement improbable, mais bien réelle - silencieuse et sournoise car étouffée par les non-dits ?

Quelles limites un médecin peut il franchir pour soigner ceux et celles à qui cette idée est refusée d'emblée ?

Complètement perdu dans cette situation personnelle et professionnelle inextricable, il arrive parallèlement à nouer des liens improbables qui évoluent avec une force incroyable, bien que tapie dans l'ombre, et qui se désagrègent à la minute même ou un seul élément révélateur, mais non des moindres, prend toute sa signification et laisse supposer l'étendue des dégâts . Jusqu'où la survie devient elle le but majeur à atteindre quelqu'en soit le prix ?

Une relation bâtie sur un mensonge peut elle perdurer ou bien va t'elle vaciller à un moment ou à un autre, pour s'éteindre dans le regret, la colère, le remords, la honte, le refus, le déni ?

J'ai découvert un récit magnifique dans lequel je me suis laissée porter par la richesse des sentiments perçus dans cette tragédie. Des mots simples pour décrire des situations inextricables et compliquées, qui vont au-delà de ce que la raison voudrait nous imposer. C'est une histoire magnifiquement belle, où souffrance et douleur côtoient une certaine forme de douceur et de poésie pour décrire des vécus inhabituels et des ressentis qui peuvent rester incompréhensibles et passer inaperçus auprès des autres, y compris, et surtout, par les personnes qui nous sont les plus proches.

Coup de coeur pour ce livre que j'ai pu découvrir grâce à la tombola Pique-nique des 10 ans de Babelio. Merci aux éditions Les Presses de la cité d'avoir participé à cette tombola.
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La trame est simple, les interprétations qu'en donnent les trois personnages principaux (lui, sa femme, l'autre) ainsi que la voix du narrateur entre parenthèses sont évolutives, contradictoires, complémentaires, indécidables. J'en donne une lecture convoquant le relativisme éthique, contre le libre arbitre (c-à-d. plaçant le supposé jugement comme résultat des conditions préalables de la propre biographie de chacun), enfin sur l'hypothèse improbable de la rédemption. le genre littéraire enfin se situe entre le thriller (avec une accélération des rebondissements à partir du troisième quart) et l'analyse psychologique extrêmement fine – je ne définirais cependant pas cet ouvrage un thriller psychologique.

Ethan, neurochirurgien israélien et père de famille exemplaire, un homme d'une probité sur-développée et dont la reconnaissance est proportionnelle à l'auto-estime, se rend coupable d'un délit de fuite après avoir percuté, une nuit avec son 4 x 4, un migrant clandestin érythréen.
Sirkitt, la splendide femme de la victime, assiste à l'accident et fait chanter Ethan en lui imposant de consacrer ses nuits aux soins d'autres migrants africains qui en sont habituellement privés. La domination qu'elle exerce sur lui provoque le surgissement de sentiments ambivalents chez les deux, de même qu'elle manifeste des traits de caractère aussi ambigus qu'indéchiffrables, tant que son passé et les conditions de sa migration ne sont pas révélés.
Liath, la tout aussi belle femme d'Ethan, qui a misé sa réussite sociale et personnelle sur sa famille parfaite en passe de se déliter à cause des négligences et des mensonges du mari, est inspecteur de police, chargée de l'enquête sur les chauffard ainsi que sur les autres meurtres, trafics, violences, disparitions qui s'en ensuivent.
Tour à tour, les trois les personnages sont animés par la culpabilité. Culpabilité pour leurs actes autant que pour leurs sentiments. Autant sont-ils occupés par le jugement de soi, autant leurs décisions leur en paraissent déconnectées, donc incompréhensibles et inadmissibles ; sauf Sirkitt qui, pendant une grande partie de la narration, semble maîtriser davantage son sang-froid, paraît se situer dans la position nietzschéenne « au-delà du bien et du mal », sans doute à cause d'un passé et d'un présent plus lourds que les autres. le monde obscur des migrants clandestins, auquel se juxtapose celui de la minorité humiliée des Bédouins locaux, les place aussi dans la position ambivalente d'être à la fois meurtris dans leur chair et porteurs d'une violence inouïe, dont l'emblème s'avère être justement Assoum, la victime de l'accident de voiture, mais tortionnaire de sa femme et maillon dans la chaîne du trafic de drogue qui constitue le récit criminel parallèle. le lecteur, ballotté entre l'action dramatique tendue, les perceptions présentes des événements, les ressentis des personnages, leurs reconstructions mémorielles et, par moments, par les interventions du narrateur, est également porté à des oscillations incessantes entre des morales incompatibles (égoïsmes et altruismes), des solidarités inconciliables (famille et migrants), jusqu'à ce qu'il se résolve à donner à la force du physique brut (le désir, la répulsion, la peur, l'angoisse), à l'événement corporel (l'hémorragie, la putréfaction, l'asphyxie, les brûlures), mais surtout au contexte social et matériel des conditions de vie respectives, le poids implacable qui leur revient. Comme déjà dans le précédent roman de l'écrivaine, des pans assez peu connus de la réalité sociologique et politique d'Israël sont ici révélés avec grand intérêt.
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