FRATRIE « Avant, on avait jamais été que syriens. Lui syrien, et nous, rebeus, syriens, parfois français, quelquefois bretons, ça dépendait d'avec qui on traînait. Dans la vraie vie, jusqu'à la guerre de Syrie, on était plus banlieusards qu'autre chose. Mais, depuis, tout le monde se dit musulman. »
Dans un style parlé, argotique, mais terriblement maîtrisé,
Mahir Guven dépeint ici avec une justesse incroyable un portrait de la société française. Sans jamais basculer dans le misérabilisme ou les clichés, et via les voix alternées de
Grand Frère et Petit Frère, il nous fait découvrir l'enfance et le quotidien de cette fratrie franco-syrienne d'une cité parisienne.
Grand Frère joue à cache cache avec la justice, chauffeur de VTC, au grand dam de son père, taxi parisien bientôt à la retraite, immigré syrien des années 80.
Petit Frère est infirmier, sensible au sort des Syriens bombardés et massacrés, curieux des religions depuis son enfance.
Et il y a leur père. Qui se de dit à moitié arabe, à moitié kurde, mais surtout communiste. Profondément opposé à la religion, profondément attaché à l'humain. Profondément attachant, blessé, dépassé par le décès prématuré de sa femme - une bretonne qui apprenait l'arabe, dépassé par ses fils. Un langage cassé, "Quand il s'énerve, son français se fracasse, les Français ne comprennent plus ce qu'il dit. Pour nous ça va, car ce français-là, c'est notre langue maternelle. On a tout fait pour corriger, il faut pas chercher à comprendre, la langue de l'immigré, elle s'intègre toujours moins bien que lui. »
Un
grand frère paumé, pas très futé. Extrêmement attachant.
Un petit frère animé de convictions, désenchanté, perdu dans sa quête mystique.
Un père rustre, maladroit, vieillissant.
Un livre d'une sincérité bouleversante.