Le premier roman de
Garth Risk Hallberg est à la fois une saga familiale (celle des fortunés Hamilton-Sweeney), une fresque urbaine (un New York décadent qui sent le souffre, le sexe, la dope, le sang), un roman historique (milieu des années 70) et documentaire.
Plus particulièrement, il entrecroise les destinées d'un groupe de personnes de l'année 1976 jusqu'au "black-out" (immense coupure de courant) du 13 juillet 1977.
L'auteur nous décrit une ville au bord de la banqueroute, violente, corrompue, sale, bruyante... Il préfigure le New York des années 80-90.
Sur plus de 900 pages,
Garth Risk Hallberg arrive à tenir en haleine le lecteur : un livre sur la condition humaine en plein 20ème siècle !?!?!?
Le "black-out" sera l'apothéose de cette anarchie qui régnait dans cette ville. La population sera livrée à elle-même, ville devenue fantôme : pillages, meurtres, tout était permis.
Nous faisons connaissance avec une pléthore de personnages :
- William : l'héritier, en rupture de ban, de la riche famille Hamilton-Sweeney, ancien musicien punk, devenu artiste plasticien,
- Regan : sa soeur qui essaie d'assumer sa part d'héritage dans la Compagnie du même nom,
- Keith : son mari volage,
- Charlie : adolescent banlieusard, fan de musique punk,
- Samantha dit Sam : son amie, aspirée par le mouvement punk, victime d'une grave agression dans Central Park au début du livre et dans le coma,
- Mercer : l'amant de William, professeur et aspirant romancier.
La liste est non exhaustive.
Le roman doit son nom à un titre de la face B d'un disque punk des Ex Post Facto (ancien groupe de musique dont William était le chanteur/leader et dont Charlie et Samantha sont fans).
Le livre et son auteur ont fait les gros titres des journaux... pour des mauvaises raisons (le livre a été remporté aux enchères pour 2 millions de dollars par la maison d'édition Knopf, record battu), tout l'abattage fait autour....
De tout cela, il reste un auteur dont c'est le premier livre avec ses qualités et ses défauts : il lui a fallu, quand même, 12 ans pour concrétiser ce roman-fleuve et un certain "grain" de folie pour imaginer une telle fresque sur le New York des années 70.
Extrait d'une interview donnée par
Garth Risk Hallberg au magazine Télérama du 03/02/2016, titrée "
Garth Risk Hallberg ou la stature de la liberté"
"C'était un jour de 2003,
Garth Risk Hallberg avait alors 24 ans. A travers la vitre de l'autocar qui le ramenait à New York pour la première fois depuis l'effondrement des Twin Towers, le jeune homme contemplait la silhouette tout ensemble familier et mutilée de la fameuse skyline de Manhattan. Soudain, dans ses écouteurs, Billy Joel se mit à fredonner : "J'ai vu s'éteindre les lumières de Broadway , j'ai vu l'Empire State s'effondrer...., j'ai vu les ruines à mes pieds", disait la chanson, composée en 1976. Les paroles évoquaient le crépuscule du New York des années 1970, un lieu étrange et interlope, à la fois dangereux et excitant, un repaire de voyous, de poètes d'avant-garde et de musiciens punk. Rien à voir avec la ville prospère, propre et sûre qu'elle est devenue ensuite, celle que je connaissais depuis mon adolescence. J'ai éprouvé à ce moment une immense nostalgie pour ce temps que je n'avais pas connu, pour cette ville plus risquée mais plus libre, et à cet instant précis, dans l'autocar, je peux dire que ce roman m'est venu. Pas simplement l'idée du livre, mais le livre lui-même, tel que je l'ai écrit des années après, raconte aujourd'hui
Garth Risk Hallberg..."