« Avec un titre pareil, il était fait pour toi », m'a gentiment moqué un pote sur Threads.
On retrouve effectivement tout ce que j'aime dans ce roman : le mystère, l'horreur, le côté page-turner, mais aussi une forme de poésie et de beauté. Et une belle histoire d'amour en prime, atypique à souhait !
Dans ce roman impossible à lâcher, on suit une famille sur plusieurs décennies. Une famille en proie à la folie, à l'injustice, aux crises économiques, à la bigoterie et surtout, aux ténèbres. Un couple et leurs enfants qui ont décidé de vivre leurs rêves, même si ça leur coûte toutes leurs ressources, y compris mentales, et qui sont prêts à payer le prix du génie par la solitude et la folie...
Ces personnages qui s'aiment et se déchirent sur fond d'affrontement avec les forces de l'outre-monde, ainsi que la créativité dans la construction du roman m'ont fait penser au magnifique Notre part de nuit de Marianna Enriquez. Il y a du
Stephen King aussi, avec cette narration faite par un personnage que l'on rencontre d'abord petit garçon (le cadet de la famille), et qui semble le seul à être lucide (ou pas...) face à la menace surnaturelle qui assiège sa famille. Je n'en dis pas plus pour ne pas divulgâcher, mais il va développer avec ces forces une relation privilégiée que n'aura pas les autres membres de sa famille, et qui
lui donnera un coup d'avance.
Ce roman est aussi une peinture de l'Amérique, des années 60 à notre époque, émaillée de nombreuses références à la pop culture. Au passage, l'auteur en profite pour faire une critique acerbe des dérives intolérantes des bigots et des conspirationnistes. C'est également une déclaration d'amour au genre du fantastique/horreur, un hommage à ses créateurs et à ses amateurs, artistes souvent incompris, personnes à la marge de la société.
C'est ce dernier aspect qui m'a sans doute la plus émue, avec le personnage du père, notamment, collectionneur passionné de
Weird Tales, inventeur fou de maisons hantées et fan presque pathologique de
Lovecraft. Les références à cet auteur qu'on invoque un peu à tort et à travers ces derniers temps ont tendance à me lasser, mais ce roman parle des oeuvres du maître de Providence comme personne ! Et il s'en émancipe bien vite : ce roman n'est pas un redite des mondes lovecraftiens à la Bloch ou
Derleth, avec des horreurs tentaculaires comme peut le laisser penser la couverture. L'auteur a d'autres inspirations que
Lovecraft, qui sont d'ailleurs citées dans le roman.
J'ai trouvé l'univers créé par
Shaun Hamill aussi beau qu'effrayant (il y a un petit côté Stranger Things saison 3 aussi, en mieux), et pas mal original.
Je voudrais lire plus de bouquins comme ça... Où sont-ils ? Plus, il m'en faut plus !
C'est donc, vous l'aurez compris, un gros coup de coeur.
Je remercie Albin Michel Imaginaire pour ce service presse : je ne comprends toujours pas comment j'ai pu passer à côté de cette gemme !