Je me suis demandé si les amours d'enfance mourraient toujours ainsi, lentement d'abord, dans un sanglot, avant de s'évanouir comme ça, d'un coup.
« Je les ai fusillés du regard. Ils ne voulaient pas que traîne avec des drogués, mais les types réglo ne leur convenaient pas non plus ?
- Il ne touche pas à ça, d’accord ? C’est pourquoi je doute fort qu’il puisse traîner avec un dealer.
En se grattant la joue, Jeremiah a lâché :
- Vous savez quoi ? Il me semble que c’est Greg Rosenberg qui vend des amphètes. Greg Kinsey est réglo. Et il a un billard. Je crois bien que je vais aller à sa soirée, moi aussi.
- Attends, quoi ?
Je sentais la panique monter.
- C’est une bonne idée, a ajouté Conrad, j’adore le billard.
Je me suis levée.
- Vous ne pouvez pas venir, vous n’avez pas été invités.
Conrad s’est appuyé contre le dossier de sa chaise en plaçant ses mains derrière sa nuque.
- Ne t’inquiète pas, Belly, on ne te gâchera pas rencard.
- Sauf s’il pose un doigt sur toi, a ajouté Jeremiah en frappant du poing la paume de son autre main. Dans ce cas, il mordra la poussière.
- C’est un cauchemar, ai-je gémi. Je vous en supplie, les gars, ne venez pas. S’il-vous-plaît, s’il-vous-plaît, ne venez pas.
Jeremiah m’a ignorée.
- Qu’est ce que tu comptes mettre, Rad ? »
- Je n'en reviens pas que tu sois là.
D'une voix presque timide il répond:
- Moi non plus.
Puis il hésité avant de poursuivre.
- Tu viens toujours avec moi?
Comment peut -il poser la question ?
- Oui.
Plus rien n'existe en dehors de ce mot,et cet instant .Il y a que les événements de cet été et des été précédents nous ont mené ici. Maintenant.
C'était un été que je n'oublierai jamais, jamais. L'été où tout a commencé. L'été où je suis devenue jolie. Pour la première fois, je l'ai senti. Enfin, plutôt, je me suis sentie jolie. Les années précédentes, j'avais toujours cru que chaque été serait différent, que la vie serait différente. Et les choses avaient enfin changé. J'avais changé.
Mais je détestais être différente, être distinguée. Je détestais qu'on me montre du doigt, quand je rêvais seulement d'être comme eux.
Je crois que tu m'as tordu la cheville, Conrad, ai-je ajouté.
J'ai fait semblant d'avoir du mal à nager jusqu'à eux. Il s'est avancé près du rebord de la piscine.
- Je suis sûr que tu survivras, a-t-il rétorqué avec un sourire narquois.
- Aide-moi, au moins.
Il s'est accroupi pour me tendre la main.
- Merci, ai-je dit d'une petite voix.
Je me suis agrippée à son bras, puis j'ai tiré de toutes mes forces. Il a vacillé, est tombé en avant et a atterri dans la piscine en faisant encore plus de bruit que moi. Je crois que je n'avais jamais autant ri de ma vie. Jeremiah et Steven aussi. Peut-être même que tout Cousins Beach nous a entendus.
Ce sont les imperfections qui rendent les choses belles.
Seulement, qu'il s'éloigne ou qu'il se rapproche, moi, j'allais toujours dans la même direction : vers lui.
J'ai repoussé sa main d'un mouvement des épaule et je lui ai répété de se taire. Il a alors entonné :
- " Summer lovin', had me a blast, summer lovin', happened so fast ..."
Nous traversions la ville au pas, mais ça m'étais égal, même si je venais de taquiner Steven à ce sujet. J'étais heureuse d'être là, dans cette voiture, à cet instant.
Revoir la ville, la Baraque à Crabes de Jimmy, le Tchou-Tchou, les boutiques de surf. C'était comme rentrer chez soi après une longue, une très longue absence. Il y avait dans l'air la promesse estivale de millions de possibles. En approchant de la maison, j'ai senti une palpitation familière dans ma poitrine. On y était presque