La beauté de ce spectacle lui donna la chair de poule et elle longea le couloir en voyant le soleil hivernal décliner de manière palpable.
Elle s'arrêta devant la porte de leur chambre, tendit l'oreille, regarda le couloir obscur vers le sud, où une fenêtre encadrait la lumière déclinante mais encore vive reflétée par les monts Absaroka couverts de neige.
Sans doute pour décompresser, son esprit s'abandonna à une rêverie comique incluant le petit garçon qui avait habité à côté de chez eux à Findlay quand elle avait sept ans. Il était laid, affligé de dents saillantes, et les gens lui criaient dessus quand il se promenait dans le quartier en cueillant des fleurs qu’il lui tendait ensuite à travers le grillage séparant les deux jardins. Elle pressait parfois la joue contre cette clôture et il l’embrassait. Peut-être, pensa-t-elle, était-ce là le summum de l’amour.
De temps à autre, elle entrevoyait pendant une milliseconde la possibilité de la folie.
Ses lectures avaient appris à Sarah que de nos jours la chasse répugnait à beaucoup de gens mais, dans la région qu'elle habitait, la chasse faisait partie de la vie de tous les jours.
Elle, qui avait lu tant de nouvelles et de romans, s'irritait d'écrire essentiellement sa propre histoire au jour le jour.
Marcia raconta qu'en se réveillant à l'aube, elle avait vu un coyote chasser dans le pré une brebis qui traînait la patte.
"Par la fenêtre de ma chambre, j'ai fait faire un saut périlleux à ce fils de pute avec ma .280", ajouta Marcia.
Une fois de plus elle se sentait complètement vide et, en regardant son père, elle se demanda si lui aussi abritait dans son esprit ces lieux vides et froids, ainsi que tous ces points d'interrogation métalliques, ou bien si son mental était plein et harmonieux.
Elle se sentait souvent incapable d'assumer sa propre le poids de sa propre existence, et il était alors merveilleux de se réfugier dans les livres.
Dans cette partie reculée du Montana, on oubliait aisément l'existence de toutes sortes de gens dont on entendait seulement parler en écoutant la radio publique nationale.