« Sur
la route du retour » ressemble aux contreforts de ces montagnes rocheuses qui trônent et dominent l'horizon sans fin des plaines du Nebraska. Leur majesté impressionne et étouffe de ne pouvoir les embraser d'un seul regard. Un pavé de plus de sept cent pages qui vous défie d'en affronter la complexité et la richesse. Autant s'en détourner plutôt que d'essayer en vain d'affronter le génie foisonnant d'Harrison. Comment en être digne ? Et puis gagné par la brûlure d'une fièvre incontrôlable à retrouver
Dalva, on vient doucement goûter à la préface de François
BUSNEL. On y savoure le premier conseil. Dieu quel admirable conseil « On doit suivre nos rêves sous peine de passer à côté de nos vies. ».
Alors on s'aventure plus avant… On pousse la porte et on entre. Frieda doit être en cuisine d'où arrive l'odeur de l'oignon qui frit et du café chaud. Pendant que Lundquist est allé chercher du bois pour charger le feu, le jour commence à se coucher, et le soleil à rougir derrière les sommets.
Dalva ne devrait plus tarder à rentrer... Et, Harrison est là ! Dans cette grande pièce au plafond de bois charpenté, une cigarette tombant sur le bout de sa lèvre, un verre de cristal épais à la main, dans lequel il boit à courtes gorgées un whisky brun ; il raconte. On prend place en silence, mollement accroupi, sur la peau de fourrure couchée à distance de l'âtre qui diffuse une chaleur suffisante à chasser le froid du dehors, où le souffle du vent glacial descendu du nord reste collé aux carreaux qui assourdissent sa morsure, tout en laissant la sensation de sa lointaine piqûre qui s'efface devant la flamme. Alors on écoute, et on s'abreuve de ce récit fabuleux qui lentement coule pour envelopper l'âme d'horizons fabuleux. C'est la Niobrara qui semble s'écouler et se rependre au plus profond de soi. On écoute, et on rêve. C'est magistral. Magistral que d'être invité à la compréhension soudain simple et éclairée de cette oeuvre titanesque. Je n'ai parcouru qu'un peu plus d'une centaine pages. Je les ai bues. Une bonne centaine de pages déjà alors que je n'ai entrepris la lecture qu'hier soir. Je suis déjà conquis. C'est imposant, tranquille et magnifique. Et même si au loin, on croit entendre gronder un orage qui pourrait s'approcher, et que semblent appeler les chants perdus et lancinants des Lakotas, on l'attend avec la confiance et l'assurance qu'offre la solidité du gîte. Qu'il frappe, on est désormais prêt à le recevoir. le drame peut s'inviter, l'oeuvre est déjà souveraine.