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Toine Heijmans a écrit un roman d'aujourd'hui, un roman qui met en lumière les immigrés, les clandestins, les illégaux. Mais derrière ces mots souvent utilisés dans les débats fortement polarisés, T. Heijmans a voulu raconter une autre histoire. Celle d'un village néerlandais de solitaires bougons battu par les vents de la Mer du Nord, qui après le reflux des vacanciers, voit débarquer un homme en costume avec une valise à roulettes. Sur une île où tout le monde se connaît, on ne peut l'ignorer, surtout lorsqu'on découvre qu'il est missionné par le gouvernement pour rapatrier dans son pays d'origine une étrangère qui serait réfugiée au sein de la petite communauté…
Entre Albert, ce fonctionnaire déterminé et minutieux jusqu'à l'obsession, des villageois hostiles et Irin Past cette étrangère à l'identité trouble, on observe tout ce petit monde comme un iceberg : ils ne cessent de vouloir nous montrer la partie émergée d'eux-mêmes, conservant leur part de mystère. Et en premier lieu Irin, condamnée à être invisible car « une vie sans histoire est précieuse pour les étrangers : aussi longtemps que personne ne sait d'où tu viens, tu es partout chez toi. La première chose que les nouveaux étrangers font lorsqu'ils passent la frontière, c'est s'oublier. » L'auteur dessine alors le récit comme on tente de reconstituer un itinéraire, un long voyage chaotique pour remonter aux sources, accéder aux origines, à la mémoire, aussi confuses soient-elles.
Très habile dans les dialogues, attentif aux détails, Toine Heijmans nous livre un roman rayonnant de lucidité, les discours politiques se heurtent sans cesse à un réalisme acéré. Il n'y a donc ni démonstration pédante ni discours qui fige la condition de l'exilé. Loin de poser un regard d'esthète sur la question du passé, de l'identité, ou de notre rapport à l'étranger, l'auteur néerlandais n'a cependant pas écarté quelques anecdotes poétiques.
Lecture agréable malgré quelques longueurs qui affectent l'intérêt pour ce livre dans sa deuxième partie.
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J'aime les regards littéraires sur les troubles de la société contemporaine. Parfois, ils sont justes et précis. J'aime la littérature de la migration. C'est pourquoi j'ai un souvenir enchanté de Eldorado de Laurent Gaudé et de Douce France de Karine Tuil.
Dans ce roman, Anton ou Albert Drilling, ou Berend Inger, est un fonctionnaire néerlandais de haut rang et au profil atypique, chargé de la Taskforce Rapatriement, c'est-à-dire responsable de l'expulsion discrète et négociée de migrants indésirables dont les procédures policières habituelles pourraient porter atteinte à l'image médiatique de son ministre de tutelle. Sa dernière mission concerne Irin Past, ou Cira Dosta, ressortissante égyptienne, ou serbo-kosovare, qui depuis son enfance vit dans des camps de réfugiés hollandais, jusqu'à ce qu'elle ne s'enracine dans une île isolée du nord du pays, dans la commune la plus petite à une près, et jalouse de son insularité et de l'autonomie conséquente qu'elle s'arroge.
L'homme a beaucoup d'expérience, depuis qu'il travaillait dans les camps, il « comprend » les étrangers et déjoue habilement leurs mensonges identitaires, il voyage beaucoup dans des zones de conflit et dispose de sommes considérables et de faux papiers, il a mis au point une méthodologie, dans son approche des autorités locales et étrangères, et surtout avec les clandestins, qui lui assure un taux de réussite de cent pour cent. Il comprend, et met en place des arrangements gagnant-gagnant pour toutes les parties ; en plus, il est certain de l'opportunité et de la rectitude de son action, il est si « gentil ». Jusqu'à ce qu'il ne rencontre la jeune femme. Qui, privée de racines, de famille, de passé et de nom, s'est conquis, avec force de volonté et mérite, une identité îlienne et les plus fortes attaches.
Le plus intéressant, dans la construction impeccable de ce récit, qui relève autant de l'enquête individuelle – dans le style du roman d'espionnage – que de l'enquête d'Histoire récente – guerre du Kosovo et révolution égyptienne de 2011 – c'est le parallèle et les permutations de parcours entre lui et elle. Il est bloqué à la douane avec un faux passeport, elle est sur le point de devenir néerlandaise, il ignore tout, elle sait tout, il croit pouvoir offrir, elle peut refuser, il revendique une nationalité excluante contre sa connaissance à elle de l'hymne national et de la famille royale, mais il se retrouve gazé près de la Place Tahrir, drapeau égyptien en main, il croit que quatorze mille euros c'est le prix d'un destin brisé, alors que c'est le coût d'une bombe à fragmentation... Sans oublier la justesse, la subtilité et l'imbrication des personnages secondaires : les trois Îliens et Don, naturellement.

PS : j'ai beaucoup de mal à émettre des critiques sur les traductions, mais j'ai été heurté par le choix d'« illégale » à la place de « clandestine » et par « aussi longtemps que » pour dire « tant que ».
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Sur une île au large des Pays Bas, un ferry accoste. A son bord, un homme. Envoyé par le ministère, il est tout à sa mission : retrouver une étrangère en situation irrégulière, et la renvoyer chez elle sans faire de vague. Mais sur cette île où tout le monde se connaît, personne ne semble avoir croisé cette femme : ni le bourgmestre, ni le timonier, ni la réceptionniste de l'hôtel qui, pourtant, semble troublée par la venue de ce fonctionnaire. L'homme a-t-il fait erreur, ou l'étrangère s'est-elle fondue dans la petite communauté, le reléguant, lui, l'agent venu du continent, au rang d'unique étranger sur cette île ?

Dans un registre bien différent de « En Mer » (son premier roman, paru chez Christian Bourgeois éditeur en 2013), Toine Heijmans explore dans « Pristina » une thématique forte de notre époque : la place de l'étranger dans notre société occidentale. Dans ce récit dépourvu de toute volonté polémique, l'auteur s'interroge sur la relation entre nationalité et identité, sur le poids de l'Histoire dans le parcours des individus, et sur le rôle d'une société en paix et prospère face aux peuples déracinés par la guerre.
Malgré quelques longueurs, on s'immerge et se laisse entraîner dans le flux de l'intrigue, tenu par un suspense feutré et une langue subtile. Et une fois le livre refermé, on aborde avec une clef de plus la lecture de notre monde contemporain.

D'autres critiques, à propos d'autres romans... sur http://littereves.wordpress.com !
Lien : https://littereves.wordpress..
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Plusieurs décors dans ce très bon roman, plusieurs atmosphères, plusieurs "sous-romans" très différents.
Une grande partie du récit se passe dans une petite île du nord des Pays-Bas. On imagine une côte sauvage balayée par le vent, des habitants frustres qui n'aiment pas spécialement les touristes de l'été, un bourgmestre qui n'a vraiment pas l'air d'un VIP. Débarque là un fonctionnaire du gouvernement néerlandais chargé de débusquer les "illégaux" . le personnage est paradoxal: rigide comme un parfait fonctionnaire, résolu à mener à bien sa mission quoi qu'il arrive. Il possède pourtant un certain côté humain qui veut que tout se passe correctement pour ses "victimes".
La réceptionniste de l'hôtel où il descend parle un néerlandais impeccable. Etre plus "hollandaise" qu'elle semble impossible . Et pourtant...on devine la suite! Notre fonctionnaire va donc tenter de la "rapatrier" en douceur. Il faut préparer administrativement le transfert. Cela démarre par un voyage en Egypte -elle avait fait croire qu'elle y était née- mais se dévoile plus tard sous un autre nom : Irin Prast, anagramme de Pristina: elle était en fait une serbe du Kosovo.
La seconde moitié du roman dévoile un peu l'histoire de cette région (un pays?) et décrit le sort des "illégaux" qui ont dû fuir leur village natal. C'est aussi l'histoire de tous les réfugiés du monde. L'auteur le fait sans emphase, sans jugement moralisateur, avec profondément d'humanité.
Quelques longueurs constituent le seul petit bémol. Agacement aussi pour moi devant l'apparente acceptation passive d'Irin d'être transférée, alors qu'elle se sentait bien sur son île: l'explication arrive un peu tard, dans les toutes dernières pages.
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Albert Drilling, fonctionnaire neerlandais au service de déportation met un point d'honneur à offrir un retour digne aux immigrés que l'administration décide d'expulser. Il a toujours réussi, aucune ombre ne vient entacher son parcours. Il reste froid face aux décisions à prendre mais correct. Pourtant, cette fois, à la recherche d'Irin Past, immigrée demeurée illégalement sur le territoire, rien ne se passe vraiment comme il l'avait imaginé...un suspense très bien tenu et une fin inattendue. J'ai vraiment beaucoup aimé l'intrigue, le style, les dialogues. Un petit coup de coeur qui prête à réfléchir sur la politique d'expulsion.
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Voici un roman étonnant, délicat et "cash" à la fois, autour des questions (brûlantes d'actualité) des réfugiés en temps de guerre.
L'histoire est centrée sur un fonctionnaire dont le rôle est de faire accepter l'expulsion à des réfugiés devenus illégaux, en toute discrétion (et dans la légalité, mais nous ne parlons pas d'humanité) parce qu'une médiatisation de leur intégration nuirait aux responsables politiques.
Les personnages, les lieux, les situations, sont extrêmement prenants, même si l'on n'est pas familiers des problématiques. Pas de jugement moral sur les camps d'accueil, juste la description de leur fonctionnement, en y ajoutant le ressenti des "accueillis", justement, rapportés dans leur quotidien et sans polémiques.
Les situations décrites sont un peu éloignées de nous dans le temps (on parle de la guerre en ex-Yougoslavie, 1999 et suivantes), mais me semblent totalement transposables dans les les conflits actuels - les caméras qui se détournent au bout d'un certain temps, laissant le champ libre, hors observations internationales, à des violences qui avaient été contrôlées dans un premier temps. La hideur de la guerre, de tous les conflits, est montrée, simplement, comme un élément structurant du récit.
La finesse du traitement de ce sujet est extraordinaire, des éléments d'intrigue sont amenés "en creux", les personnages sont intenses et clairs, et la difficulté de l'humain à faire la place au politique est profondément analysée à travers les personnages.
La guerre, les bombardements, les armes ne sont présentes que sur quelques pages, mais donnent une solide cohésion à ce qui était, en début de lecture, qu'une abstraction distante.
Le déroulement de la fin de l'histoire, plein d'ironie et d'espoir sur la résilience des humains face aux réglementations, m'a permis de sortir soulagée de ce voyage dans une forme d'enfer.
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Plaisir de lire une belle histoire . Style très imagé et personnages hauts en couleur !
Un fonctionnaire zélé est envoyé en mission pour organiser le retour d'une jeune réfugiée dans son pays... mais quel est son pays d'origine ? C'est le 135ème dossier, "tous des succès jusque là"...
C'est l'histoire de Maja, serbo-kosovar, qui a vécu de camp en camp en Hollande depuis maintenant 15 ans. L'histoire est pleine de rebondissements .
Ce livre se lit presque comme un thriller et reste d'actualité tout en nous divertissant.
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Albert Drilling, à moins qu'il ne s'appelle Bengr Stoker, a en charge de reconduire à la frontière Cira Dosta, qui s'appelle probablement plutôt Irin Prast . Mais, dit Cira Dosta :
« quelle est l'importance d'un nom ? Un nom, ce c'est rien. C'est un accessoire, une étiquette pour appeler quelqu'un, lui écrire une lettre, pour distinguer les gens » .
L'important, c'est que cette jeune femme a été, alors qu'elle était une enfant, expulsée de son pays, quel qu'il soit. Elle est devenue du jour au lendemain une « étrangère », une « errante », sans identité. L'important, c'est aussi qu'un gouvernement, en l'occurrence celui des Pays Bas, ne peut pas tolérer que l'on vive sur son territoire sans identité. D'où la mission de de haut fonctionnaire qui, s'il a bien une identité, la camoufle sous des patronymes divers, pour les besoins de ses fonctions policières.
Il s'agit donc de reconduire au Kosovo, à Pristina, une jeune serbe que la vie a transportée dans une île perdue au large des côtes néerlandaises. Même si sa présence ne gêne personne là où elle vit, même si elle y mène une vie « normale ». Même si, au final elle n'a plus rien à faire avec le Kosovo, ce qu'elle saura parfaitement rendre évident.
Le livre plonge ses racines dans l'une des actualités de notre temps les plus prégnantes : le parcours, l'aventure de cette « sans papier », le fonctionnement des pouvoirs publics et des administrations en charge de l'immigration. Au travers d'une fiction qui pourrait être seulement banale, Pristina aborde de vraies et grandes questions de société. C'est à la fois un voyage qui embarque le lecteur, en même temps qu'un éveil du sens politique des situations de tous les instants.
Un grand livre.

PRISTINA a fait partie de la première sélection des livres nominés pour le PRIX LITTERAIRE 2017 DES MEDIATHEQUES DE L'AGGLOMERATION DE MANOSQUE "UNE TERRE, UN AILLEURS"

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