Elle ne ressemblait à aucun de ces gens de science ou d’Église que j’ai consultés au cours de ma vie afin de connaître l’avenir. Hildegarde n’était ni belle ni charismatique. Sa voix ne portait pas. Elle parlait en patois et gardait les yeux baissés à chaque instant de notre entretien. Toutes les paroles qu’elle me dit ce jour-là, pourtant, me sont restées en mémoire. Elle les prononçait avec grande autorité. Si l’on a pu croire que Hildegarde annonçait la fin des temps, c’est qu’elle donnait à tout instant l’impression de savoir comment les choses s’achèvent et d’en avoir pris son parti.
Je vous épargne les histoires guerrières, qui n’intéressent personne sinon ceux qui y meurent sans avoir su pourquoi.
Le chant d’Adam n’est qu'une mélodie frêle dans la musique des sphères, qui n'est elle-même qu'un pupitre de l'harmonie céleste.
Telle est la puissance des histoires : cristalliser pour toujours le fragment d’une vie d’homme, la faire ressurgir de la nuit de l’oubli, l’emprisonner dans une bouteille pour lui donner un éclat vif, chaque fois renouvelé.
Nous sommes entrés dans la ville comme l'entêtant vent de nuit, comme un fleuve qui déborde.
La conteuse écarte ses mains, paumes ouvertes, comme pour y soupeser quelque trésor fragile, et poursuit : Paris. La plus sombre, la plus crasseuse et la plus folle ville du monde. Paris est tassée sur son île, embrassée par le fleuve, et tout y est accolé, le marché, le port, le quartier juif et les maisons marchandes, les cabarets, l’église, le collège de Notre-Dame. Les maisons se grimpent les unes sur les autres, riches et pauvres confondues, les pèlerins logent avec les mécréants comme l’agneau et le lion. Certaines rues sont si étroites que deux personnes n’y passent pas de front, et le caractère des Parisiens si mauvais que chaque rencontre est la promesse d’un affrontement. C’est à Paris qu’enseignent les plus grands esprits, hommes d’Église, de science ou des deux. Et le plus notable de ces savants est certainement ce Pierre Abélard, qui applique la logique d’Aristote aux questions spirituelles, dans une science nouvelle qu’il nomme théologie.
De longues et belles heures ensemble. Je te soutenais quand tu avais du mal à marcher. Tu m’aidais à trouver les mots, corrigeais mes phrases latines. Ensemble nous allions au pays de nos souvenirs, faire revivre un instant, par la parole, ces gens que nous gardions vifs en mémoire.
Les femmes de papier ne sont ni ignorantes ni vulgaires, elles sont pures de tout compromis, toute lâcheté, elles se tiennent au-dessus, au-delà du réel.
Ici s’arrête le mois d'aout. Sa pierre est l'agate, qui nait de la terre humide. L'agate est d'air et d'eau. Elle donne un teint gracieux à celui qui la porte, et le rend aimable aux yeux du monde comme aux yeux de Dieu.
L’âme humaine est fragile, on la souffle comme une flamme.