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Critique de kielosa


Ce qui m'a toujours fasciné ce sont les résultats absolument incroyables auxquels certaines familles sont arrivées. Prenons le cas de Marie Sklodowska-Curie (1867-1934) et de sa fille, Irène Joliot-Curie (1897-1956) et on arrive déjà à 3 (trois) Prix Nobel (2 +1) ! Sans oublier la soeur aînée de Marie, Bronislawa "Bronia" Dluska (1865-1939). C'est l'histoire de Marie et Bronia que Natacha Henry retrace dans son ouvrage "Les soeurs savantes", sous-titré "Deux destins qui ont fait l'histoire". Les soeurs avaient aussi un frère, Józef Sklodowski (1863-1937), président de la société médicale de Varsovie.
Dans un tout autre domaine et toutes proportions gardées, celui de littérature, c'est aussi le cas des frères écrivains Singer, le Prix Nobel Isaac Bashevis et Israel Joshua, ainsi que leur soeur, Esther Kreitman.
Coïncidence ou hasard, mais les 2 familles étaient polonaises. Nation que Marie Curie a honorée en baptisant un élément chimique "polonium".

Le portrait que Natacha Henry a fait de "Marthe Richard" m'a tant convaincu qu'il m'a incité à me procurer cette double biographie, d'autant plus que j'ai une immense admiration pour Marie Curie. Cela depuis l'époque où je portais encore des shorts et que j'étais en train d'essayer de comprendre un livre de vulgarisation sur la scientifique. J'ai oublié le nom de l'auteur(e), mais je me souviens que ma mère m'aidait à saisir certaines choses en faisant son repassage. Peut-être que j'ai été, comme gosse, fier d'être né, comme la grande dame, un 7 novembre ?

Ce que j'apprécie avant tout chez Natacha Henry, c'est son extrême soin des sources : l'ouvrage compte, en fin de volume 10 pages de bibliographie, commençant par les archives et les lettres de Marie Curie, en passant par les souvenirs évoqués par elle et les nombreux livres publiés sur elle en Français, Anglais et Polonais, pour terminer par une liste d'articles de presse qui lui sont consacrés.

Je présume qu'à l'école en France, vous avez pas mal appris sur cette - à juste titre d'ailleurs - gloire nationale qu'a été Marie Curie. Rappelons tout de même, en passant, qu'elle a été la première femme à recevoir le prix Nobel et est toujours l'unique à en avoir reçu deux et que c'est elle qui ait découvert la radioactivité.
En revanche, l'existence de sa soeur aînée m'était totalement inconnue, et je crois, qu'en dehors de son pays natal, c'est probablement le cas de la plupart d'entre nous.

Ce qui me frappe c'est la grande amitié entre les 2 soeurs. Ainsi, lorsque Bronia partait pour Paris pour y entreprende des études de médecine (ce qui à Varsovie était impossible pour une femme sous la domination de la Russie des tsars), la jeune Maria - comme elle s'appelait avant de rencontrer Pierre Curie et d'obtenir la nationalité française - devenait gouvernante d'enfants et donnait la moitié de son salaire à Bronia. Après, ce fut le tour à Bronia d'aider Maria à financer ses études à la Sorbonne. Mais leur amitié dépassait, bien entendu, largement ces aspects pécuniaires, comme leurs nombreux voyages entre Paris et Varsovie, ainsi que la montagne de lettres entre elles, en témoignent. Des contacts seulement interrompus lors de la première tuerie mondiale.

L'influence de Bronia sur sa jeune soeur a été énorme : c'est elle qui a persuadé Marie à venir étudier à Paris et c'est à elle que Pierre Curie, tombé amoureux de Marie, s'adresse pour intervenir en sa faveur auprès de Marie en vue de leur union. Il est vrai que la future double Nobel ne pense qu'à étudier : après les sciences, les maths.

Bronia, entretemps est gynécologue et mariée, en 1891, à Casimir Dluski (1855-1930), médecin spécialisé dans les maladies de poumons. Ensemble, ils ouvrent, en 1902, le plus grand sanatorium de Pologne, dans les montagnes Tatras près de Zakopane, avec l'aide financière entre autres du pianiste, compositeur et diplomate Ignace Paderewski, et d'un autre Nobel, Henryk Sienkiewicz, l'auteur du célèbre "Quo vadis" (1896).

Lorsque Marie Curie rêve de fonder un institut du radium, c'est encore la dynamique Bronia qui s'en charge et trouve les investissements nécessaires, en 1921, elle en deviendra présidente et Marie, directrice. Elle fonde aussi 2 centres pour enfants abandonnés : en 1921, un premier, nommé d'après sa fille unique, Helena - qui dépressive, s'est suicidée- et 5 ans plus tard un autre au nord de la Pologne qui abrite jusqu'à 1000 enfants délaissés.

Lorsque Marie est atteinte d'une leucémie qui lui sera fatale, c'est encore Bronia qui la soigne, d'abord dans les Hautes-Pyrénées, ensuite dans le Var et finalement en Haute-Savoie, où Marie Curie meurt le 4 juillet 1934. Bronia meurt 5 ans après, à l'âge de 74 ans.

Natacha Henry terminé son ouvrage en lançant l'appel suivant : "Peut-être faudrait-il ériger pour Bronia, sans laquelle rien de tout cela serait arrivé, un mausolée, un temple, une bibliothèque, avec ces mots, en lettres d'or : < Aux grandes soeurs, les patries reconnaissantes. > (page 256).

Natacha Henry, en plus de ses recherches solides, a eu la chance de pouvoir bénéficier de la bienveillante aide d'Hélène Langevin-Joliot, la petite-fille de la géante Marie, ce qui ne fait que contribuer à la valeur de cette oeuvre remarquable. Dommage que cette édition ne comporte pas quelques jolies photos de ces fameuses soeurs.

En somme, vive les familles polonaises et aussi toute mon admiration pour les Polonais, ayant courageusement combattu la peste brune nazie, chez eux dans les ghettos et à l'étranger, comme probablement les meilleurs pilotes dans l'armée britannique par exemple lors de la dernière guerre mondiale ! Ce qui est triste, c'est que leur gouvernement actuel super-conservateur et populiste semble avoir oublié le principe fondamental en démocratie de la "trias politica" ou la séparation des pouvoirs de Montesquieu et John Locke, en modifiant la constitution afin de permettre à leur parlement de nommer les juges !
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