C'est ainsi qu'en grandissant avec un père favorable à l'égalité des sexes, à l'éducation de tous les enfants et à la culture générale, les enfants de Wladyslaw acquirent un trésor; la confiance en soi. Le plus beau cadeau que l'on puisse espérer.
Partager, cela est essentiel. Plus les enfants seront nombreux à recevoir un bon enseignement, mieux cela sera. Ce n'est qu'ainsi que l'on fera avancer la société.
[...]
L'éducation, insista Marie, c'est le progrès. Elle te permet de te forger tes propres idées, d'apprendre à réfléchir par toi-même. Tu peux t'ouvrir sur le monde, comprendre ton époque, t'enrichir.
Elle ressemblait à un croisement entre un hérisson et un épouvantail.
Peintre animalière ? Pas question ! Qui achèterait le portrait d’une vache ou d’un cochon ? Non, non, tu ferais mieux de t’atteler à la peinture d’histoire. Des rois et des reines, des saintes et des saints, des dieux romains et des déesses grecques.
- Que dois-je faire ? demanda Pierre.
- Tout dépend de ce que tu veux, analysa son frère.
- Marie est la meilleure chimiste que je connaisse.
- C'est tout ? Ne me dis pas qu'il n'y a rien d'autre entre vous. Tu ne serais pas dans un tel état.
- C'est vrai.
- Tu dois la convaincre de rester en France à tout prix, Pierre. Évidemment, ce serait plus simple si elle était française. Elle pourrait enseigner dans un lycée ou une école supérieure de jeunes filles.
- Tu as raison.
- Mais elle pourrait le devenir, ajouta Jacques, un sourire dans la voix.
- Quoi ?
- Française.
- Comment ?
- Épouse-la !
Raimond Bonheur leur enseigna aussi que les couleurs transparentes, associées à de l’huile grasse, formaient un glacis. Qu’il fallait toujours placer les tons sombres, les ombres, avant les teintes claires. Que la patience était mère de sûreté aussi, que respecter le temps de s’échange était absolument primordial. Et ce temps, justement, dépendait des couleurs. Certaines séchaient en deux jours ; à d’autres, comme la laque de garance, il fallait près d’une semaine. Ensuite seulement, viendrait la couche de vernis.
Rêveuse, Rosa guignait les flacons de pigments en poudre. Leurs étiquettes étaient si prometteuses ! Bleu de cobalt, rouge d’Inde, terre de Sienne, vermillon de Chine, jaune de cadmium, noir d’ivoire…
- Ne rougissez pas. Soyez fière, au contraire. Si vous saviez comme nous avons lutté pour que les femmes aient le droit d'aller à la Sorbonne ! Ça n'a pas été facile. Les députés, les sénateurs, les conservateurs de l'université, les journalistes... Ils étaient tous contre. L'égalité, je ne sais pas pourquoi, ça les énerve. Ils ne veulent même pas nous accorder le droit de vote.
Tant que les femmes ne pourront pas se promener ou travailler en étant traitées avec respect, sans penser sans cesse à défendre, même en secret, leur espace intime, mental ou physique, il faudra condamner ces pratiques, ces sifflements, ces remarques inappropriées.
Tout au long du XIXe siècle, une grande partie de la Pologne fut occupée par l'armée russe. Sur une carte du monde, ce pays avait été tout simplement effacé : rattachée à l'empire du tsar, la Pologne n'existait plus. Et pour casser toute tentative de révolte, les soldats russes arpentaient les rues, d'un air féroce. Ils vérifiaient que les habitants ne parlaient pas le polonais, leur langue natale, mais le russe, et qu'ils n'étaient pas occupés à fomenter on ne sait quel complot pour conquérir leur indépendance.
L’un des arguments avancés pour interdire aux jeunes filles l’accès de l’École des beaux-arts était que l’on y dessinait des modèles nus. Laisser une demoiselle admirer un mâle dévêtu ? Hors de question. Pourtant, Rosa se fichait bien de pareille trivialité. En véritable artiste, seule la matière l’intéressait.