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3,82

sur 296 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un récit admirable. A la fois roman, enquête et essai, Stefan Hertmans s'attaque à un thème très rare dans notre littérature contemporaine, la civilisation du moyen-âge et le début des Croisades.
A partir de l'histoire du pogrom de Monieux où il réside et s'appuyant sur l'étude réelle de deux manuscrits hébreux retrouvés dans la synagogue du Caire, Stefan Hertmans nous raconte comment la chrétienne Vigdis devient Hamoutal en se convertissant par amour pour David, un jeune étudiant juif. le couple s'enfuit de Rouen et poursuivi par les chevaliers normands traverse la France pour finalement s'installer dans un village isolé des Alpilles. Renonçant au confort de son rang, Hamoutal a cependant déjà scellé son sort: au cri de "Dieu le veut!" les hordes de la première croisade ravage tout sur leur passage.
Le destin d'Hamoutal engendre sous la plume de Stefan Hertmans non seulement une histoire très prenante et un travail d'investigation haletant mais surtout un essai extrêmement bien documenté sur le Moyen-âge central de la France au Caire avec une attention particulière à la description méticuleuse de la vie sociale à cette époque. L'entrelacement de ces trois dimensions est exécuté à la perfection et cette lecture me marque par sa maîtrise narrative exceptionnelle.
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Stefan Hertmans est hanté par une femme torturée.
Elle s'appelle Vigdis, puis a changé son nom en Sarah, et son mari David l'a appelée amoureusement Hamoutal. Cela fait presque mille ans qu'elle est morte, poursuivie par un espoir sans issue.

Stefan Hertmans habite là où Hamoutal a passé un temps relativement court : Monieux, un petit village médiéval du Vaucluse. Tenaillé par l'Histoire, obsédé par les traces de cette femme dans des écrits et dans son village, il part à sa recherche et met ses pas dans les pas de l'éternelle fugitive.

De Reims, lieu où elle est née, puisque fille d'un Normand, elle arrive à Monieux avec son mari, puis sera obligée de fuir pour des raisons que l'auteur met en lumière de manière terrible.
Connue comme la « prosélyte de Monieux », c'est-à-dire la chrétienne étant devenue juive par amour, elle connait un destin effroyable, où la solitude et la détresse se disputeront les honneurs afin de lui faire ployer la tête.

De manière très honnête, Stefan Hertmans nous retrace ses recherches qui l'ont mené jusqu'à Cambridge, penché sur des manuscrits émouvants, mais aussi au Caire, à Alexandrie, à Reims, à Narbonne et à Náreja, localité de l'Espagne du nord. Mais il démarre de Monieux, et le charme de la Provence sauvage explose dans des lignes exubérantes. Son amour de la France en particulier mais aussi du passé, du patrimoine culturel transparait partout.

Mais c'est lorsqu'il parle d'Hamoutal que son empathie infinie me bouleverse profondément. Il nous fait vivre la souffrance immense de cette femme, mêlée à son opiniâtreté. Je me suis sentie attachée à elle, de toutes les fibres de mon âme.

Je salue donc cet homme amoureux de l'Histoire dans lequel je me reconnais : moi aussi je frissonne devant un manuscrit, moi aussi je frémis devant un objet ancien, moi aussi je m'émeus devant un lieu où je sais que nos ancêtres ont vécu. Les conflits comme la bonne entente entre les religions m'interpellent, les Croisades et leur lot d'atrocités me passionnent, la vie quotidienne me touche.
Et ce livre, récit d'une recherche et d'une compréhension totale mêlé à la description de lieux emblématiques, en est la quintessence.
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A la lecture de ce roman, on ne peut qu'être admiratif de la volonté de fer et du courage de Vigdis devenue Hamoutal par amour. Cette chrétienne issue d'une famille aisée ose quitter sa vie pour embrasser les coutumes de David, jeune Juif dont elle tombe amoureuse. Dès l'instant où son choix est fait, qu'elle fait une croix sur sa vie d'avant et qu'elle s'enfuit avec David, elle est maitresse de sa destinée et doit affronter seule ce changement. S'ensuit une véritable chasse pour la retrouver et la fuite conduit à un cheminement qui n'est ni aisé, ni commun. Cette situation est d'autant plus forte qu'elle s'inspire d'une histoire vraie (bien que l'auteur ait pris quelques libertés), ce qui est atypique car être fille rebelle au Moyen-âge n'était pas chose courante.

A travers le récit, on va suivre Vigdis/Hamoutal dans son évolution passant de ses désirs à ses doutes face à sa situation et à sa conversion au judaïsme. La manière dont elle est présentée ici la rend à la fois humaine et mystique. Ses combats intérieurs sont bien retranscrits et son évolution transparait au fur et à mesure de son cheminement, pour ne pas dire de la quête de l'auteur.

En effet, la particularité de ce roman est qu'il alterne à la fois des passages sur la vie et les périples de Vigdis/Hamoutal mais également ceux de l'auteur, qui d'une manière presque documentaire, retrace et suit la fuite de Rouen à Monieux des deux amoureux. Ses interventions sont très bien insérées dans la lecture et permettent de comprendre un peu mieux les faits passés. On peut considérer ces insertions comme des « notes de bas de pages » avec un récit mieux construit.

L'aspect historique est aussi bien présent avec la portée du religieux dans le quotidien des contemporains de l'époque, mais aussi les conflits et massacres qui ont caractérisé cette période (guerre de religions, Reconquista, pogroms) sans qu'aucun jugement ne soit porté ni par l'auteur, ni par le personnage principal. Cette retranscription des faits confère au roman un côté intemporel et Vigdis/Hamoutal porte en elle un côté universel.
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Un livre magnifique, bouleversant. Et comme l'écrivent d'autres Babélionautes, arrivée à la dernière page, il est difficile de quitter Hamoutal et sa quête.
Je ne le résumerai pas à nouveau mais je soulignerai son admirable construction.
Stefan Hertmans a mené un travail d'enquête digne d'un historien pour retrouver les traces d'Hamoutal, à partir de la lecture d'articles scientifiques de spécialistes de la période (mais aussi de romans, de poèmes), des voyages qu'il fait en passant par les mêmes lieux qu'elle et de la recherche qu'il a menée dans le village où il réside et où Hamoutal aurait vécu. Il alterne avec brio des pages sur l'histoire d'Hamoutal-Sarah- Vigdis et son exil (à la fois intérieur et géographique) et celles sur ses propres voyages et recherches pour la retrouver.
le style nous plonge dans l'ambiance de ce XIe siècle tourmenté par les pogroms menés contre les Juifs, les départs des Croisés pour libérer la Terre sainte. Il nous permet de découvrir les modes de vie de l'époque, les réseaux de communication entre communautés juives et les recommandations qui circulent entre elles, les modes de circulation dans une Méditerranée instable et divisée.
L'auteur nous fait mieux comprendre / vivre les répercussions de la grande Histoire sur la vie des individus.
Le livre nous invite à la tolérance envers l'Autre, d'une autre religion, d'un autre pays, d'une autre communauté.
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Ceux qui me connaissent un peu vont, sans doute, ne pas trop comprendre mon coup de coeur pour un livre d'amour…
C'est parce qu'il me connaissent bien mal ...!
Oui, "Le Coeur converti" est un livre d'amour entre deux adolescents..oh! pas l'amour mièvre, sinon ce roman serait vite reparti sur les rayons de la médiathèque...non, je veux parler de l'amour qui fait éclater les haines que des cultures différentes peuvent éprouver l'une envers l'autre,  l'amour de l'Histoire avec un grand H , et l'amour que je porte à une ville où je vis depuis presque quarante ans...l'amour de vieilles pierres et des vieux murs........et aussi cet amour des textes et des écritures qui me transportent et m'émeuvent.
L'auteur vient d'emménager dans une très vieille maison du village de Monieux, un village ancien du Vaucluse qui s'est appelé Moniou, Monilis ...au fil du temps.
Cette enquête m'a transporté depuis Monieux, vers Rouen, Narbonne, le Caire, Cambridge... une enquête au sein de cette diaspora juive, au coeur de cette culture juive, de ses traditions, et de cette entr'aide qui lie tous les membres de cette communauté.
Stefan Hertmans découvre que Monieux, petit village tranquille a été le théâtre d'un pogrom il y a mille ans. Un trésor y serait caché....On n'est pas au bout de nos surprises !
Alors le roman naît d'une lettre de recommandation découverte dans une synagogue du Caire...aucun document mentionnant le nom de Dieu ne doit être brulé...il doit être conservé, et tomber en poussière, mourir de sa belle mort.
Le roman permet à un garçon de culture juive, David Todros, fils du rabbin de Narbonne de partir étudier à Rouen...Narbonne  et Rouen abritaient alors les deux plus importantes communautés juives de France.
Là David va rencontrer et tomber fou amoureux d'une jeune fille catholique Viglis...le coup de foudre est réciproque. Mais cet amour est interdit !
Le papa de Viglis, bourgeois riche et influent est farouchement hostile à cet amour qui contrarie ses projets .David et Viglis prendront alors le départ vers Narbonne. le père de Viglis fera, alors, tout pour ramener sa fille à la raison et armera même des tueurs qu'il chargera de les rattraper.
Cette union est contre raison..contre la raison catholique, contre la raison juive. Alors la jeune fille se convertira au judaïsme, elle deviendra Hammoutal et suivra son mari, en surmontant les écueils et les épreuves.Ce voyage nous entrainera dans cette Europe des années 1100, vers les autres villes abritant une importante communauté juive, vers le Caire.
Il y aura du sang et des larmes. On est bien loin de l'amour nunuche !
Pour le lecteur passionné d'histoire et  avide de découverte de culture ou du passé, ce sera un beau voyage. Une lecture vers le passé de Narbonne, ville où j'habite, vers ces rues anciennes, vers cette part de culture et de religion juive dans de nombreuses villes de France et d'Europe et du bassin méditerranéen.
L'auteur a, sans aucun doute, analysé un grand nombre de documents et visité de nombreux sites, de nombreuses villes pour rédiger toutes les descriptions, pour mettre en scène les lieux dans lesquels se déroulent les rencontres, les scènes de combats, les rencontres et les lectures de textes...
Il a indéniablement dû, d'une part, voyager dans de nombreux lieux, tant ses descriptions sont précises et d'autre part, se documenter dans de nombreuses bibliothèques.
Ainsi, j'ai beaucoup appris sur ce passé narbonnais que je méconnaissais, sur cette culture, ces traditions et rites juifs, sur l'origine du nom de certaines rues ou impasses....dont on retrouve les noms dans nos villes...Et également sur la présence depuis des siècles de cette communauté sur le pourtour méditerranéen.
Un livre plaisir parce que c'est avant tout un livre érudit et documenté, sans mièvrerie."La haine au sein de la société se contracte comme un muscle, on craint que l'énergie devenue incontrôlable n'éclate, ravageant tout sur son passage"...écrira l'auteur en incipit du livre...Cette haine entre communautés....malheureusement jamais totalement éteinte !
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Vigdis Adélaïs, blonde Normande, s'enfuit avec David Todros, juif brun de Narbonne. Pour la prosélyte, désormais nommée Sarah/Hamoutal, l'amour est plus fort que tout. « Ici la fille chrétienne d'un Viking, Vigdis Adélaïs, devint la belle-fille séfarade du grand rabbin Todros de la France méridoniale. » (p. 118) Stefan Hertmans s'est installé à Monieux dans le Vaucluse. C'est là qu'il a découvert l'histoire de la convertie normande. de Rouen au Caire, en passant par Marseille et Palerme, il refait le chemin emprunté par cette femme qui a bravé sa e sociale et sa religion pour vivre avec l'époux qu'elle avait choisi. « Je touche les murs rugueux sur lesquels perle l'humidité et me dis : David Todros, je touche mille ans plus tard la pierre que tu as connue. » (p. 68)

En 1092, cet amour interdit abrité à Monieux allait subir de plein fouet le passage de la première Croisade. Il en fallait si peu pour attiser la haine des étrangers et des non-chrétiens ! Et ce alors que nombreux étaient ceux qui ne cherchaient que la concorde. « Son père répond sèchement que les juifs, tout comme les Normands, veulent vivre en paix et que ce sont vraiment les prêtres et les zélotes qui sont les instigateurs de troubles. » (p. 41) Mille ans après, l'auteur reconstitue une vie de transgression et de souffrance. Mille ans après, la prosélyte de Monieux fait encore parler les universitaires du monde entier.

Je suis toujours circonspecte quand un auteur raconte une histoire en y mêlant sa démarche de recherche et d'écriture. Ici, Stefan Hertmans fait ça avec adresse, en dosant parfaitement les informations véridiques qu'il a collectées et la part de fiction qu'il insuffle dans son récit. Cela donne un ensemble passionnant, très bien écrit, et un texte que j'ai dévoré en trois heures.
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De Stefan Hertmans, j'avais lu « Guerre et térébenthine » que j'avais infiniment apprécié. Depuis de longues années, cet auteur belge flamand vit une grande partie de son temps à Monieux, village perché des Alpes du Sud et a mené de longues recherches sur une jeune chrétienne convertie au judaïsme à la fin du XIème siècle.
Vigdis, jeune fille de bonne famille chrétienne, tombe éperdument amoureuse de David, jeune juif qui séjourne dans une yeshiva à Rouen. Cet amour est bien entendu tabou dans ce début de 2ème millénaire et les deux jeunes amoureux s'enfuient pour rejoindre à pied Narbonne où vit le père de David, rabbin très respecté. Vigdis reçoit pour nom Hamoutal en se convertissant et devient ainsi une prosélyte. le jeune couple est contraint de fuir les chevaliers lancés à ses trousses par le père de notre héroïne. Ils partent donc à Monieux, petit village perché sur les hautes plaines des Alpes du Sud où ils vont vivre paisiblement quelques années accueillis par la petite communauté juive qui vit là. Mais c'est l'époque où le pape appelle à la 1ère croisade qui se lance en direction de Jérusalem, semant le désordre et les persécutions dans son sillage et notamment à Monieux où David est tué et leurs deux enfants enlevés. Commence alors l'errance désespérée de Hamoutal pour les retrouver : ses pas l'emmènent jusqu'à Fustat comme se nommait alors la ville qui est devenue le Caire. Perdant peu à peu la raison mais toute à sa détermination, elle ira jusqu'au bout de ses forces.
« Le coeur converti » est à la fois le récit de la vie de cette femme et celui du cheminement de l'auteur au long de cette quête pour reconstituer ce qui est arrivé à Vigdis-Hamoutal à partir d'éléments très tenus. Les deux récits sont entrelacés, l'auteur mettant ses pieds dans ceux de son héroïne de Rouen à Narbonne puis jusqu'au Caire en partant de Monieux. le lecteur est happé par l'empathie de l'auteur pour ses personnages, par son talent pour nous faire partager leurs émotions et leurs infortunes, pour décrire les paysages et la nature, pour évoquer les affres de cette époque tourmentée. Il nous livre également ses questionnements, son exaltation quand il découvre à Monieux le mikvé (bain rituel juif) dans lequel il est certain qu'Hamoutal s'est plongée pour se purifier, son émotion au Caire en visitant la synagogue où se trouve la genizah (pièce où sont conservés tous les textes mentionnant Yahvé et ne pouvant de ce fait être jetés) et où un archéologue a trouvé un morceau de manuscrit où est mentionnée l'histoire d'une prosélyte aux cheveux blonds et aux yeux bleus nommée Hamoutal.
Finalement, ce qui me frappe à la lecture de ce livre, c'est à quel point les problématiques politiques du début de 2ème millénaire sont proches de celles que nous connaissons aujourd'hui : cohabitations difficiles entre les religions du Livre, disputes sans fin autour du sort de Jérusalem, intolérances envers celui qui est différent et désignations de boucs émissaires, exacerbations des conflits par certains politiques aux affaires pour assoir leur pouvoir, bref, tout se transforme mais rien ne change vraiment.
Je vous recommande vivement la lecture de ce livre qui m'a intéressée, enchantée, émue, et enrichie.
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Lorsque l'auteur apprend que Monieux, le petit village provençal où il a élu domicile, a été le théâtre d'un pogrom il y a mille ans et qu'un trésor y serait caché, il part à la recherche d'indices. Il va alors se retrouver dans les pas de Vigdis, jeune noble normande tombée amoureuse de David, étudiant à la yeshiva de Rouen. Au péril de sa vie, elle le suit dans le Sud, commence à prier son dieu et devient Hamoutal. Son père ayant promis une forte somme à qui la ramènerait, des chevaliers se lancent à sa poursuite. Puis les croisés, de plus en plus nombreux sur le chemin de Jérusalem, semant mort et destruction dans leur sillage, s'intéressent à cette femme aux yeux bleus.
C'est le début d'un conte passionnant et d'une reconstruction littéraire grandiose du Moyen Âge. S'appuyant sur des faits et des sources authentiques, cette histoire d'amour tragique, menée comme une enquête, entraîne le lecteur dans un univers chaotique, un monde en pleine mutation….. Au fil des pages et des épreuves l'auteur imagine, ressent ce que Vigdis a vécu et le lecteur s'attache profondément et tristement à cette jeune femme prise dans la tourmente de son époque !
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La Feuille Volante n° 1358 – Juin 2019.

Le coeur converti – Stefan Hertmans – Gallimard.
Traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin.

Au début du XI° siècle, à l'ère des croisades, Vigdis, une belle jeune fille de la bonne bourgeoisie rouennaise catholique, noble par sa mère, se convertit au judaïsme par amour pour David, étudiant à Rouen, le fils du grand rabbin de Narbonne. Elle devient donc Hamoutal. Elle a envie de liberté et rejette la vie rangée qui lui est promise et suit donc David. C'est une remise en question radicale en ce haut Moyen-Age, une percée dans l'inconnu et le danger. Ils fuiront ensemble jusqu'à Narbonne entre les pogroms, le lancement de la 1° croisade par Urbain II, et les conflits internes dans les régions traversées. Ils doivent se méfier de tout le monde, déjouer les pièges et braver les dangers. le père de Vigdis ne l'entend pas de cette oreille et demande aux croisés de la rattraper. Les deux amants doivent donc les éviter autant que possible et ne pas éveiller l'attention des personnes rencontrées en chemin, mais David est assassiné à Monieux, en Provence, où ils se sont réfugiés et ses deux enfants enlevés par les croisés. Vigdis va dès lors devenir un fuyarde à leur recherche et ses pérégrinations l'amèneront jusqu'au Caire en passant par la Sicile. Telle est l'histoire de la fille chrétienne d'un viking qui devient la belle-fille d'un grand rabbin du sud de la France puis plus tard l'épouse d'un juif important du Caire. le narrateur qui fait, mais en voiture puis en bateau, quelques siècles plus tard ce chemin d'errance, communique au lecteur les périls rencontrés par les deux amants puis plus tard par Vigdis seule guidée par l'espoir de retrouver ses enfants.
Tout ce récit part d'un authentique document historique, notant l'existence de cette femme et de son choix exceptionnel pour l'époque, évidemment romancé, découvert par l'auteur dans les archives du village de Monieux où il réside et où, mille ans plus tôt a été perpétré un pogrom consécutif à l'esprit de la croisade. En effet, par ces massacres, il convenait de punir les juifs d'avoir condamné le Christ et aussi les châtier pour leurs richesses. Plusieurs siècles plus tard, il a suivi cette femme jusqu'en Égypte où l'auteur a découvert un document attestant du périple d'une jeune noble normande. Son long travail de recherche s'est doublé d'une démarche d'empathie à son égard, d'une belle érudition et d'un style somptueux.

Je suis bouleversé par cette preuve d'amour de Vigdis envers David ; il m'est difficile d'imaginer que cela est possible. Sa dangereuse pérégrination me rappelle que l'aventure humaine est mystérieuse, longue pour certains et brève pour d'autres et ce sans aucune raison et que l'explication qu'on peut y donner se perd entre hasard, chance et destin sans qu'on soit capable d'en démêler les fils. Ce roman évoque aussi l'antisémitisme qui est la forme la plus ancienne du racisme, solidement ancré dans l'espèce humaine. Je me suis toujours demandé pourquoi ce sont les juifs, un communauté tranquille, qui étaient à l'époque l'objet de ces tueries et de cette haine. Certains d'entre eux étaient des banquiers et en les tuant on tuait aussi leurs créances mais il y avait chez eux aussi des pauvres qui n'échappaient pas pour autant au massacre. Au Moyen-Age l'emprise de l'Église catholique était telle qu'elle gouvernait les institutions et les consciences, manipulait l'opinion, et il lui a été facile de susciter cette détestation des juifs qu'elle considérait comme les meurtriers du Christ. Elle était surtout l'incarnation de l'intolérance, voyait la marque du diable partout et la justice expéditive qu'elle exerçait ou suscitait sans aucun discernement ne jurait que par le bûcher. L'esprit de la charité chrétienne et de l'Évangile était bien loin de ses actes. C'est peut-être cela aussi, avec également l'indulgence plénière, qui a motivé les chevaliers à partir en croisade délivrer le tombeau du Christ, encore que, auparavant, les occidentaux vivaient sur les terres d'Orient en relative paix avec les musulmans et les croisades n'ont pas atteint leur but, certaines s'arrêtant en chemin pour tuer et piller les villes, notamment Constantinople. Elles se sont révélées, non comme un pèlerinage armé, mais comme des opérations militaires dont l'époque était coutumière et qui s'inscrivaient dans le cadre de la lutte défensive contre l'expansion arabe en occident. On pourrait penser que les choses ont aujourd'hui changé, que les mentalités ont évolué avec le temps mais aux pogroms du Moyen-Age a succédé la Shoah et les attaques actuelles contre les juifs prouvent que ce vieux fond d'antisémitisme est bien ancré dans nos civilisations.
J'ai bien aimé ce roman, cette fresque historique est particulièrement émouvante.
©Hervé Gautier.http://hervegautier.e-monsite.com
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Pas tout à fait un roman, pas tout à fait un documentaire, un peu tout cela, on part en voyage, itinéraire très précis, écriture très détaillée, on va du présent eu passé et on repart au présent. Une chronique de vie des hommes, avec leur part d'horreur encore et toujours. A lire.
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