Siddharta aurait voulu se débarrasser de ses plaisirs, de ses habitudes, de cette vie absurde, et de lui-même.
La sagesse qu'un sage cherche à communiquer a toujours un air de folie.
Elle l'attira à elle du regard. Il inclina son visage sur le sien, posa sa bouche sur la sienne, qui avait la saveur d'une figue fraîchement ouverte. Il fut long le baiser de Kamala, et Siddhartha, tout étonné, sentit avec quel art elle lui enseignait ce que c'est qu'un baiser, avec quelle habileté elle procédait, comme elle savait l'éloigner d'elle un instant pour mieux le reprendre, et comme à ce premier baiser succédait aussitôt toute une longue série d'autres baisers bien ordonnés et d'un raffinement inouï, et chacun d'eux pourtant différent de ceux qu'il appelait encore.
Il voulait mourir à lui-même, ne plus être soi, chercher la paix dans le vide de l'âme et, par une abstraction complète de sa propre pensée, ouvrir la porte au miracle qu'il attendait.
La tendresse est plus forte que la dureté, l'eau est plus forte que le rocher, l'amour est plus fort que la violence.
Chaque péché porte déja en soi sa grâce, tous les petits enfants ont déja le vieillard en eux, tous les nouveaux-nés la mort, tous les mortels la vie éternelle .
Immobile, impassible, Gotama l’avait écouté. Maintenant, il parlait, l’Homme parfait, de sa bonne voix polie et claire : « Tu as entendu la doctrine, ô fils de brahmane, et tant mieux pour toi d’y avoir réfléchi si profondément. Tu y as trouvé une lacune, un défaut. Réfléchis-y encore davantage. Mais dans ton avidité de savoir prends bien garde à l’épais fourré des opinions et à la dispute sur des mots. Les opinions ici importent peu, elles peuvent être belles ou vilaines, prudentes ou folles, tout le monde peut les épouser et les réprouver. Mais la doctrine que tu m’as entendu professer n’est pas une opinion et son but n’est pas d’expliquer le monde aux avides de savoir. Son but est tout autre : son but est d’affranchir l’homme de la souffrance. Voilà ce que Gotama enseigne et pas autre chose.
Quand on cherche, reprit Siddhartha, il arrive facilement que nos yeux ne voient que l'objet de nos recherches; on ne trouve rien parce qu'ils sont inaccessibles à autres chose, parce qu'on ne songe toujours qu'à cet objet, parce qu'on s'est fixé un but à atteindre et qu'on est entièrement possédé par ce but. Qui dit chercher, dit avoir un but. Mais trouver, c'est être libre, c'et être ouvert à tout, c'est n'avoir aucun but déterminé. Toi, Vénérable, tu es peut-être en effet un chercheur; mais le but que tu as devant les yeux et que tu essaies d'atteindre, t'empêche justement de voir tout ce qui est tout proche de toi.
Qu"il était beau le monde pour qui le contemplait ainsi, naïvement, simplement, sans autre pensée que d'en jouir!
La sagesse qu'un sage cherche à communiquer a toujours un air de folie.