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Un livre fascinant et dérangeant sur le retour de l'homme à la bête primitive au sein du ghetto,pour essayer de survivre.Le meilleur d'entre eux est capable du pire même si parfois une trace d'humanité nous le rend plus aimable .Qu'aurions nous fait à sa place,aurions nous été victime ou bourreau?
Grande fresque de la cruauté et du grotesque,Nuit est considéré comme le chef d'oeuvre de Hilsenrath.
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L'histoire est celle de Ranek, un jeune juif roumain déporté, comme tant d'autres en 1941 en Ukraine. L'histoire est celle d'un homme parmi tant d'autres qui dut se cacher pour échapper aux rafles allemandes, luttant pour trouver un abri ou dormir à l'abri du froid et inventant chaque jour de nouvelles ruses pour trouver de quoi manger. Homme étant réduit à l'état de bête, il en vient à dépouiller les cadavres, à attendre désespérément que quelqu'un meure, pourvu que ce ne soit pas lui, afin de lui prendre les quelques vivres ou vêtements que celui-ci avait sur lui. Ranek a trouvé un endroit dans ce que l'on appelle "L'asile de nuit" dans le quartier de la Pouchkinshaïa dans le ghetto de Prokov. Mais là aussi, les places sont chères et certains leaders ne se privent pas pour les revendre au meilleur prix dès qu'il y en a une de libre, à savoir dès que quelqu'un rende l'âme. Ranek est loin d'être un homme honnête, d'ailleurs pouvait-t-il encore y avoir des gens bons à cette époque alors qu'ils ne savaient même pas s'ils allaient voir le lever du soleil. Cependant, dès qu'il retrouve son frère Fred et sa belle-soeur Déborah, qu'il croyait morts depuis longtemps, il va tout faire pour leur être d'une aide quelconque, aide misérable puisqu'il doit d'abord penser à sa propre survie. Aussi, n'a-t-il pas d'état d'âme pour les autres, en étant réduit à arnaquer parfois sa belle-soeur pour avoir un peu plus de quoi manger. Car la faim est le pire des châtiments que hommes, femmes et enfants doivent subir dans ce roman très noir et très dur. Aussi, cette dernière peut parfois rendre fou et pousser les hommes, même les plus bons, à commettre des actes atroces. Des femmes prêtes à vendre leur corps pour un quignon de pain, les hommes sans cesse à l'affût d'un morceau de chair fraîche pour satisfaire leurs besoin...tout cela se mêle dans une étrange atmosphère chaotique.

Roman virant souvent à la scatologie (je crois que c'est ce qui m'a le plus indisposé dans la lecture de ce dernier) mais sans grossièreté, étant donné que l'auteur ne fait que décrire la stricte et malheureusement triste réalité. En lisant la courte biographie de l'auteur en fin d'ouvrage, l'on apprend que celui-ci s'est inspiré de sa propre vie pour écrire "Nuit" et, une fois que l'on sait cela, on ne peut pas rester insensible à tout ce que l'on vient de lire. Un roman qui m'a parfois donné la nausée, je l'avoue, mais vraiment bouleversant. Un roman dont on ne peut pas ressortir indemne mais pourtant...c'est tellement vrai ! Cependant, il y a aussi des passages magnifiques où l'humanité reprend le dessus et ceux-ci sont accueillis par le lecteur comme une bouffée d'air pur. A découvrir !
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Dans le ghetto de Prokov, la survie s'organise au jour le jour. Chacun cherche un refuge pour la nuit, car les rafles emportent tous ceux qui sont trouvés dans la rue après le couvre-feu. « Nous envions les morts... et partout, quand sonne l'heure, personne ne veut mourir. Pourquoi tenons-nous tant à la vie ? / Parce que nous n'avons pas perdu espoir. / Si, Déborah, nous avons perdu espoir. » (p. 174) Parmi tous les miséreux, il y a Ranek. Ni plus chanceux ni plus débrouillard qu'un autre, il gagne chaque journée de survie à la force de ses maigres bras et de sa roublardise. Prêt à tout pour une pomme de terre, pour une gorgée de soupe ou une poignée de farine, Ranek se méfie de tous. Dans l'asile de nuit et partout dans le ghetto, la faim et la fatigue conduisent aux dernières extrémités. La solidarité est de plus en plus rare. « On essaie de rester humain... et après ? Qu'est-ce qu'on y gagne ? » (p. 370) Tout s'achète et tout se vend, même la misère et la honte. Dépouiller les morts de leurs maigres biens, jusqu'au plus petit chiffon, c'est toujours une heure de plus gagnée sur la nuit. « Les morts pardonnent aux affamés, et ils pardonnent aux désespérés. » (p. 381)

Dans ce premier roman qu'il a mis plus de 10 ans à écrire, Edgar Hilsenrath a placé beaucoup de sa propre expérience. Lui aussi a connu le ghetto, la faim, le typhus, le froid. Si son roman alimente inexorablement la littérature de l'Holocauste, l'auteur propose une image du Juif débarrassé de son misérabilisme : ici, la victime est prête à tout, à devenir criminelle, cruelle. Bien que bornés par les frontières du ghetto, les juifs de Prokov se rebellent juste en existant et rendent chaque coup, ne serait-ce qu'en crachant. « Mettez-vous ça dans le crâne une fois pour toutes : ne vous occupez pas des autres. Fichez-vous toujours de ce que font les autres, s'ils mangent, s'ils baisent ou s'ils crèvent... Rien à cirer... ici c'est chacun pour sa pomme. » (p. 59)

Le tour de force de ce roman, compris tout entier dans le titre, est de faire de tout le récit une longue nuit, même quand il fait jour. « Une nuit, ça peut être long. » (p. 286) L'aube ne poindra vraiment qu'avec l'ouverture du ghetto et la fin de la guerre. D'ici là, le crépuscule n'en finit pas. Et le temps de la nuit est dilaté par l'angoisse, les souvenirs et les cauchemars : il devient une éternité de peur, de souffrance et d'incertitude. « Tu n'as pas vraiment dormi. Ces pensées ont surgi de ta somnolence. Ces derniers temps, ça t'arrive souvent. Tu ne sais plus distinguer entre les rêves et les pensées. Mais tu n'es pas encore cinglé, juste affamé. » (p. 48) La dernière phrase du roman contient cependant une infinité de possibles et d'espoirs permis par la maternité : le jour ne s'est pas encore levé, mais certains auront la chance de le voir.

Résolument plus sombre que ses romans suivants, Nuit est sans conteste le texte fondateur de l'oeuvre d'Edgar Hilsenrath, dont je ne peux que vous conseiller la lecture. Et si vous cherchez un autre texte immense issu de la littérature de l'Holocauste, lisez À pas aveugles de par le monde de Leïb Rochman.
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« Nuit » d'Edgar Hilsenrath ou Quand la mort d'une illusion ressuscite les morts.

Raconter. Après la Shoah, ce simple mot devint essentiel, et témoigner fut la première forme de lutte contre l'oubli : témoigner comme ils furent assassinés, témoigner comment les bourreaux brisèrent leur humanité.
Les récits se multiplièrent.
Puis le temps passa et l'Histoire retint la gémellité bourreaux-victimes : les Nazis avaient commis un génocide durant lequel six millions d'être humains avaient péri.
Ce symbole fit l'objet de créations artistiques donnant lieu à des morceaux de bravoure, de sensiblerie, ou d'humanité malgré l'horreur l'ambiante. le violon d'Itzhak Perlman de « la Liste de Schindler » est ainsi entré dans l'inconscient collectif comme la bande-originale de la Shoah.
Sans doute l'archet élégant jouant dans notre imagination déraperait-il en une série de fausses notes à la lecture du roman « Nuit » d'Edgar Hilsenrath.
Au contraire de la plupart des témoins écrivains, Hilsenrath a fait le pari de raconter en menant une constante recherche littéraire dans ses oeuvres : rabelaisiennes, farces crues et cruelles, sulfureuses en un mot quand on doit les associer à la Shoah. Les éditions Attila ont depuis peu commencé la publication de ces textes, et l'on attendait depuis longtemps la traduction de « Nacht » lorsque le cultissime et grinçant « Fuck America » sortit, suivi par le loufoque « le Nazi et le barbier ».
C'est un drôle de petit bonhomme de 85 ans que cet Edgar Hilsenrath, clochard céleste à la Bukowski, l'alcool en moins et l'oeil pétillant en plus. Vocation précoce d'écrivain mais reconnaissance tardive ; une vie d'errance, d'Allemagne en Roumanie jusqu'en Ukraine durant la seconde guerre mondiale, puis Israël et les Etats-Unis avec la solitude décrite dans « Fuck america », et enfin, le retour en Allemagne. Malgré ses pérégrinations, il a conservé son air malicieux, même lorsqu'en entretien il évoque ses souvenirs. Il est à l'image de son écriture : distancié du simple témoignage, maîtrisé, audacieux.
« Nacht » ou « Nuit » en français est son chef-d'oeuvre, méconnu en France, auto- censuré en 1964 par sa maison d'édition allemande, tant la lecture en est explosive.
En effet, ses 500 et quelques pages décrivent sans complaisance l'enfer du ghetto comme une nuit apocalyptique où l'homme est retourné à l'état sauvage. Une population faite de profiteurs, voleurs, violeurs, meurtriers tentant de gagner une journée supplémentaire de vie dans ce monde qui ne voit jamais le moindre officier SS ; la Shoah relatée sans la présence du bourreau Nazi, présence brumeuse qui masque le soleil, mais présence jamais humaine.
Et c'est là le tour de force d'Hilsenrath. Il décrit les habitants du ghetto livrés à leur propre enfer, en anarchie cauchemardesque qui évoque « le triomphe de la mort », célèbre peinture horrifique de Peter Bruegel l'ancien.
Le premier chapitre est d'ailleurs saisissant d'effroi : les cadavres font partie du décor. Etrangeté, on ne comprend qu'à la seconde page qu'il s'agit de la seconde guerre mondiale. Enfin, comble du frisson, et c'est le leitmotiv du roman, chaque vivant a un prix fixé selon ce qu'il peut offrir, un prix, puisque la vie a perdu sa valeur.
Si « Les Six Millions », nombre historique, vécu par notre génération comme une uniformité indestructible, est l'expression que l'auteur utilise dans ses entretiens pour évoquer les victimes, sa plume au scalpel, qui insiste sur les échanges les plus sordides pour survivre, fait exploser la statistique, et sous les chiffres apparaissent enfin ce que ces morts furent obligés d'être dans le ghetto : in-sensibles, sur-vivants, in-humains. Mais les personnages le disent, « seuls les morts ne peuvent plus aimer », c'est dire si l'espoir si dérisoire se doit d'encore affleurer.
En brisant le mythe bancal de l'héroïsme déjà mis à mal par Primo Levi, Edgar Hilsenrath fait oeuvre divine, car qu'ils furent coiffeurs, prostituées, cafetier ou mendiants, que nous puissions les voir comme lâches ou monstres méprisables avec notre recul historique ouaté de confort, au point de vouloir rejeter en bloc le roman, ces hommes et ces femmes furent avant tout : vivants.
Et la littérature retrouve là son objectif originel, c'est-à-dire faire acte pour la Vie. Et l'on sait à quel point les mots ont en eux le pouvoir de ressusciter les morts, en est témoin la vision du prophète Ezechiel sur la vallée des ossements desséchés.
"Esprit, viens des quatre vents, souffle sur ces morts, et qu'ils revivent !"

Lien : http://johaylex.wordpress.co..
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Nuit.
Il aura donc fallu cinquante ans ( 25 avant la chute du mur + 25 après) pour traduire ce récit insoutenable. Sans doute le temps pour les traducteurs à faire l'effort de comprendre cette langue allemande sans logique et nous livrer un texte décrypté sérieusement. Il faut dire qu'n 1964 date de parution du livre le sens des phrases, des mots et des métaphores étaient singulièrement chahuté. Personne n'y comprenait rien.

Aujourd'hui c'est plus clair et la distance avec la langue est suffisante pour restituer l'atmosphère atroce de cette odyssée éprouvante sans début ni fin. Sans morale. Comment l'auteur a pu survivre à son héros Ranek (jeune mec obsédé par la faim comme tous les autres) jusqu'en 1945. Je pense que cela restera son secret.

Mais à manger un jour sur deux des épluchures de patates pendant 4 ans ,il faut forcément une combine. du reste le livre en examine certains aspects.

Dans une communauté quelle qu'elle soit il y a toujours les forts et les faibles, les anxieux et les bravaches, les tristes et les joyeux et deux faces, obscure ou claire , par rapport auxquelles il faut se positionner. Des chanceux et des malchanceux.

L'auteur ne prend pas parti, de peur sans doute de dévoiler son choix.

Il n'en reste pas moins que ces 600 pages ont de quoi faire trembler les plus fascistes et les plus anormaux. Ainsi donc l'homme est rendu aussi bas en Ukraine qui rêve aujourd'hui de nouvelles horreurs.

Sans commentaires.
A lire en priorité.

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Comme dans un cauchemar éveillé, la plume cruelle du survivant Edgar Hilsenrath s'agite, court, créant un conte hyperréaliste et détaché, dur et burlesque, noir et satirique. de ces cinq cents pages d'un journal de bord de l'horreur du quotidien de l'année 1942, le lecteur ne sortira pas indemne. Face aux bourreaux marqués à jamais d'ignominie, de quoi sommes-nous capables pour survivre ? Que les professeurs de morale bienpensante se taisent. Survivre, manger et dormir…et baiser aussi "pour se prouver qu'on est pas au bout du rouleau, qu'on est encore un homme".

Ici, Edgar Hilsenrath m'écrit un poème à la nuit, à la mort sans espoir quand Primo Levi et ses voyages du désespoir sonnent encore en ma mémoire.

Le personnage central, Ranek, est un juif parmi d'autres, un homme parmi tant, nous en d'autres circonstances. le vieux ghetto juif de Prokov sur le Dniestr, où depuis 41 "les luttes les plus acharnées avaient lieu pour un quignon de pain" est devenu une prison à ciel ouvert. La ville a été détruite. Chacun court après la nourriture. Deux ans plus tard avec l'arrivée incessante de convois humains il faut maintenant se battre pour dégoter une place où dormir, "lutte toute aussi acharnée et brutale. Et tout aussi vitale".

Vital, un cri à la vie, cette vie qui surgit au coeur du charnier du désespoir, au milieu des morts vivants encore debout pour ne pas se coucher ; pour une étincelle de vie, l'on vole, tue ou pille, pour une paire de chaussure, une cigarette, une dent en or ou une nuit à couvert…fragile est la vie sur le fil du rasoir, un peu de malchance, une nuit dehors et la vie s'enfuit…

Dans l'ombre du typhus, dans l'attente d'une prochaine rafle, avec la peur du froid et du vent, au chaud dans votre canapé…écoutez la voix bruyante et dérangeante d'Edgard Hilsenrath décrire l'ineffable, le marché de Pouchkinskaïa, l'asile de nuit, la cour du bordel, le bar-Hôtel d'Itzig Lupu où les petits calculs pour la survie, les trocs contre une vie, une place pour une vie sont encore la vie. Quand voler des presque-morts est la vie, où sont le mal et le bien ?


Lien : http://quidhodieagisti.kazeo..
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Nuit est une épreuve de lecture et un chef d'oeuvre à la fois, au même titre que voyage au bout de la nuit.

Parce que l'auteur va au bout de la déshumanisation de l'humain, ce livre est une épreuve. Il nous confronte constamment à la définition de ce que nous pensons être humain. Est-ce être humain que d'agir ainsi, dans les conditions de cet enfer innommable qu'est le ghetto de Prokov, monde désincarné où se côtoient des personnages qui semblent sortie d'un monde imaginaire tant ils ont dépassé toutes frontières ?

Ce livre est un chef d'oeuvre, parce c'est le personnage de Ranek qui est en charge de la réponse, comme Bardamu répondait à la question de Céline. Un personnage dont la complexité est à la hauteur de la question posée, aussi douloureuse que puisse être la réponse pour nous tous.
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Edgar Hilsenrath nous emmène à Prokov, ville ukrainienne sur les bords du Dniestr, mars 1942. Son ghetto. Et surtout les milliers de Juifs, déplacés des provinces roumaines de Bucovine, Bessarabie et Moldavie septentrionale, qui affluent toujours plus nombreux vers la ville à moitié détruite. La plupart d'entre eux disparaitra.

Prokov le jour, avec un semblant de vie normale avec son marché, son coiffeur, son Grand Café, malgré les ruines, la police omniprésente, les trafics du marché noir, la foule de clochards en haillons. Prokov la nuit où il faut absolument un abri, un endroit où dormir, sous peine d'être abattu ou déporté pour « vagabondage ». le couvre-feu, 'horreur des dortoirs avec la promiscuité, la faim, la maladie et le typhus. La mort.

Roman noir, on s'en doute, et glauque. On est très loin ici de la légèreté de « Fuck America » et de « le barbier et le nazi », même si parfois semble poindre un humour décalé, un peu comme s'il échappait à l'auteur lui-même …

Mais surtout, avant tout, Hilsenrath décrit la pourriture humaine, l'homme tel qu'il peut être ou tel qu'il est. Il décrit un monde de misère, de méchanceté, de jalousie. Un monde d'usuriers, de voleurs, de profiteurs, de détrousseurs de cadavres, où les hommes sont prêts à affamer leur propre frère pour sauver leur progéniture.

Et puis une lueur … souvent incarnée par des femmes. Sarah, l'inconnue encore grassouillette tout juste arrivée, Déborah la belle-soeur qui semble revenir du pays des morts, être lumineux dans cette pourriture, Betti la prostituée qui offre au héros de partager ses repas.

Et cette phrase, ô combien belle et violente dans la bouche d'Edgar Hilsenrath, lui-même rescapé de la Shoah : « seuls les morts sont incapables d'aimer ».

A lire absolument.
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Ranek, nous allons suivre Ranek, ou, quel que soit son nom, un être humain enfermé dans un ghetto quel qu'il soit, quelques kilomètres carrés de terre où des hommes, des femmes des enfants sont retenus, sont à la merci de l'autorité qui crée cet Etat puis de celle du plus fort qui en profite.
La première obsession de Ranek, un toit pour s'abriter du froid, de la pluie, pour vivre avec d'autres qui partagent sa situation et puis pour ne pas trainer dehors la nuit au risque d'être battu, tué pour une vieille paire de chaussures, un vieux manteau usé ou être déporté vers la mort. Sa seconde obsession, la nourriture. Il n'y a rien, presque rien, il faut rechercher, voler tout ce qui peut être échangé contre du pain, un os ou une patate.
Recherche d'un toit, recherche de nourriture, parfois, un sursaut pour rechercher un peu de chaleur humaine mais vite retour aux combines. le froid, la peur, la mort. La vie du ghetto.
Edgar Hilsenrath, l'auteur, a passé près de 4 ans dans un ghetto ukrainien ou étaient rassemblés tous les juifs roumains. Rares furent les rescapés, il en fait partie.
J'ai lu ce livre il y a deux ans, trop pesant pour partager mon ressenti aussitôt et probablement, croyant ces outrances derrière nous … hé bien non, cela continue, l'Histoire radote et se répète.
Il faut lire ce livre pour ne pas oublier, pour rappeler que ce n'est pas une histoire mais que, c'est la réalité
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Cette critique contiendra des révélations sur l'ensemble de l'intrigue. 

Jamais je n'ai été aussi bouleversée par un roman. Je lis des livres depuis l'âge de 5 ans -- j'en ai bientôt 30, désormais. Aucun d'entre eux ne m'a fait ressentir autant d'appréhension, de tension, d'accablement, mais aussi, parfois, si rarement, d'espoir. 

Ranek, qui erre de boutiques à boutiques, à la recherche d'une façon d'échanger une dent en or contre des pommes de terre. La dent appartient à son frère mort : il lui a brutalement ouvert la mâchoire, et lui a arraché sa molaire à coups de marteau. Ranek, coiffé de son élégant chapeau noir, qui subit toujours cynique, toujours nonchalant, les pires avilissements. Ranek qui agresse des femmes, jette des cailloux sur les chats errants, vole dans l'obole d'une mendiante, arrache son bol de soupe à un enfant affamé. 

En fait, depuis qu'il a volé ses chiffons à un mourant qui succombait au typhus, sans même avoir la compassion de patienter jusqu'à ce qu'il ne rende son dernier souffle, Ranek est maudit. Comment le blâmer pour ses actions ? La survie dans un ghetto ukrainien en 1941 ne peut se faire qu'au dépend de quelques principes... Sauf pour Deborah, peut-être, figure sainte et porteuse d'espoir, qui prouve tout au long du livre que l'espoir en l'humanité, peut-être, mérite d'être préservée malgré tout.

Portrait nuancé, riche et subtil d'une accablante période de l'histoire, il n'existe probablement pas d'oeuvre semblable à celle-ci. 
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