AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,8

sur 405 notes
Dès les premières lignes j'ai été saisie à la gorge par cette écriture brutale et offensive mais non dénuée de poésie. Une écriture puissante qui ne faiblit pas et créé une tension qui traverse le livre et électrise le lecteur.

Solak, c'est l'histoire d'un huis clos à l'autre bout du monde sur la banquise. C'est le froid, le silence, la solitude des âmes face à cette immense étendue blanche. Sous ses allures de pureté virginale ce n'est rien d'autre qu'un purgatoire pour les âmes sombres, meurtries.

Solak, c'est la vérité crue c'est l'homme à l'état brut dépouillé de faux semblants et tel qu'il est quand les règles de la société ne sont qu'un lointain souvenir et que son instinct de survie est exacerbé. C'est une tension permanente qui croît, crispe le lecteur, alerte ses sens. le lecteur sent, devine, dans ses tripes mais impossible de poser un raisonnement, une déduction. La catastrophe se profile inéluctable mais aussi insaisissable. le quotidien prend des allures de bombe à retardement sous la plume de Caroline HINAULT.
Il y a un petit quelque chose de Sukkwan Island de David VANN dans le ressenti mais avec une écriture très différente.

Solak, c'est 124 pages en apnée d'une lecture dense et sombre. Addictive.
C'est beau, sombre, épuré et ça vaut le détour.

Merci copine Onee pour la découverte grâce à ta superbe critique! Ça mérite une plaque de chocolat… noir évidemment.

Commenter  J’apprécie          5928
« Quelquefois les agneaux se changent en lionnes, en tigresses, en pieuvres. »
Louise Michel, Mémoires.

Après de nombreuses critiques particulièrement engageantes d'ami.es babeliotes, il m'était impossible de passer à côté de ce premier roman de Caroline Hinault. Je vous remercie tous, ce thriller arctique a été une lecture très agréable. J'ai aimé la tension que l'auteure a exercée tout au long du récit grâce à un style simple mais efficace et une mise en scène particulièrement soignée.

*
Au nord du cercle polaire arctique, sur la presqu'île de Solak, trois hommes, le climatologue Grizzly et deux militaires au passé trouble, Roq et Piotr, accueillent un quatrième homme dans la station de Solak.
Le lecteur, en même temps que le nouveau venu, découvre ce nouvel environnement. Et ce qui frappe d'emblée, c'est l'attitude de ce dernier. Son mutisme déstabilisant, son caractère taciturne, secret, solitaire et distant ont des répercussions immédiates sur les trois hommes qui vivent en autarcie depuis des mois.

« le gamin a pas répondu, son visage avait quelque chose d'abîmé, de déjà vieux, de déjà mort même j'ai pensé. Il est passé devant nous en portant un carton. J'ai repensé à ses yeux comme deux brochettes de glaçons. Fin comme une aiguille, mais ça puait l'écorché. le coriace. Les emmerdes je me suis dit. »

Ainsi, très vite, l'arrivée de ce très jeune soldat au comportement étrange, muet et inadapté aux conditions de vie particulièrement rude, va compliquer les relations entre eux, exacerbant les tensions déjà latentes.

Chaque personnage se dissimule derrière un masque imperméable, révélant très peu leur véritable personnalité. Même si le lecteur pressent le drame imminent, il ne sait qui va porter le premier coup et qui en sera la victime.

*
Le temps de s'acclimater au style très nerveux de Caroline Hinault, et le soleil se couche pour nous plonger dans la pénombre arctique, transpercée de dérisoires brèches de lumière.

« Y avait pourtant parfois des aurores boréales tellement immenses qu'on aurait dit des ogresses vertes qui traînaient derrière elles leur dentelle d'étoiles, ça nous saupoudrait les yeux et nous coulait un goût de lumière au fond de la gorge. »

Le décor inhospitalier et rude que croque l'auteure à coups de crayons acérés nous permet d'imaginer cet univers sombre, vide, angoissant et violent où la folie n'est jamais loin.

*
Caroline Hinault a réussi à créer des personnages très réalistes, tourmentés, intrigants, mystérieux. On aimerait connaître leur passé pour mieux les comprendre.
Les principaux figurants ne sont que quatre, mais pour parfaire cette atmosphère oppressante et hostile, l'auteure a ajouté un cinquième acteur et non des moindres, l'environnement lui-même, qui joue dans ce thriller glacial, un rôle majeur.
Car, si ce désert hivernal et fantomatique offre de magnifiques paysages de carte postale, sa beauté immaculée et fascinante dissimule un côté brutal, indomptable et impitoyable.

Nous sommes très rapidement pris dans une banquise de brouillard formant un dôme qui nous emprisonne avec eux. Par moments, cette chape opaque s'entrouvre par la force du vent et nous laisse voir brièvement les hommes dans leur nudité la plus crue, avant que la brume ne se referme et nous étreigne à nouveau dans un monde de silence et de solitude.
Ainsi, l'hiver arctique, la banquise, et la grande nuit constituent la toile de fond qui agit comme un miroir hémisphérique, révèlant la vraie nature des hommes.

*
L'écriture à la première personne, surprenante, familière, sobre, féroce, semblable à du grésil, capture le drame qui se joue. Elle participe à créer un huis clos à ciel ouvert qui, de manière appuyée et graduelle, enserre le lecteur dans un étau mortel.

« le souffle commence à me manquer, le froid à geler mes mots. Mes poings sont déjà durcis, mes orteils aussi dans mes chaussures humides et mes yeux surtout, mes yeux sont morts grand ouverts parce qu'il y a des visions dont le regard se relève pas. »

Intrépides, implacables, les phrases vous cinglent.
Menaçants, incisifs, glacés, les mots rampent comme une bête à l'affut, s'approchant de leur victime jusqu'à l'acculer. Puis, furieux, enragés, les traits claquent, éclatent, les masques tombent et c'est la curée.

« Ce qu'il voulait surtout, c'était nous observer. Ça se sentait que derrière ses yeux bleu froid embués d'alcool, il cherchait à comprendre à qui il avait affaire, qu'il reniflait nos âmes sous le vernis du permafrost. »

*
Pour conclure, Caroline Hinault compose un huis clos original et parfaitement maîtrisé dans une prose à la fois poétique et âpre.
Portrait de la solitude, de la violence et des conflits intérieurs, « Solak » constitue une tragédie humaine captivante qui reflète la violence des états émotionnels de ses personnages.
Ce premier roman est une très belle surprise que je vous conseille fortement.
Commenter  J’apprécie          5738
Lorsqu'on a lu un livre qui vous a ébranlé comme celui de la Horde, vous vous dites une fois redescendu de votre petit nuage mais qu'est-ce que je vais pouvoir lire maintenant ? Qu'est-ce qui peut encore m'impressionner…C'est sans compter sur mes ami-es Babelionautes qui arrivent toujours à vous sortir de derrière les fagots une petite bombe à retardement, un de ces romans qui vous claque à la figure comme son titre d'ailleurs.

Si Solak est le premier roman de Caroline Hinault, sa lecture ne ressemble en rien à un essai ni à un premier jet. C'est déjà l'oeuvre d'une écrivaine chevronnée. L'action se situe sur un bout de glace au-delà du cercle polaire, avec quelques baraques et un drapeau planté au milieu. On y retrouve quatre hommes condamnés à y vivre plusieurs mois sous la nuit arctique et sans contact possible avant le retour du printemps (si on peut appeler çà un printemps). Il y a d'abord Grizzly le scientifique, qui effectue des observations climatologiques ; puis Roq et Piotr deux militaires au passé trouble en charge de la surveillance du territoire et de son drapeau ; et enfin un jeune soldat énigmatique, hélitreuillé juste avant l'hiver arctique en remplacement d'un autre militaire Igor, mort brutalement.

« Enfin la queue du câble caresse les poils de la toundra et le gamin pose deux guiboles flageolantes par terre, tête baissée sous la capuche fouettée par l'air. Avec le vent et le souffle de l'hélico, ça lui prend plusieurs minutes de se détacher du harnais, sans parler du froid qui engourdit les doigts. Il nous fait signe, se met à l'écart. On se précipite dans l'enfer de bourrasques, nos capuches sur la fente du regard, on saisit les câbles, les pinces, on réattelle tout le merdier, le container tout juste accouché de son précieux chargement dans lequel on a calé comme on a pu le cercueil d'Igor. On recule loin pour observer le troc de mort-vivant. On fait signe là-haut que c'est bon. »

Solak est aussi un roman écrit à la première personne du singulier pour une immersion qui vous permet de plonger plus rapidement dans l'histoire. Un roman où l'on partage les sentiments du personnage principal. Où l'on découvre les beautés du paysage par ses yeux. Où l'on vit ses sentiments les plus profonds dans ses situations les plus intimes. Ou l'on devient personnage à la place du personnage. Où l'on va directement à l'essentiel, sans fioritures, un roman à l'os. Où l'on a mal quand il a mal. Avec l'emploi du « Je » l'écriture devient rapide, les scènes s'enchaînent les unes après les autres dans un huis-clos limité aux champs visuel du narrateur.

« Il nous a tendu à chacun une main gantée nerveuse, sans rien dire. Nous on a quand même dit nos noms et puis que ce serait mieux de rentrer les caisses qui traînaient encore dehors, on allait avoir tout le temps qu'il faudrait pour faire connaissance. le gamin a pas répondu, son visage avait quelque chose d'abîmé, de déjà vieux, de déjà mort même j'ai pensé. Il est passé devant nous en portant un carton. J'ai repensé à ses yeux comme deux brochettes de glaçons. Fin comme une aiguille, mais ça puait l'écorché. le coriace. Les emmerdes je me suis dit. »

Ce roman est un juste équilibre entre l'immensité de la banquise et l'étroitesse du huis clos, les connaissances de l'unique scientifique et l'ignorance des militaires, la froideur du climat arctique et la chaleur du foyer de la baraque Centrale. On y retrouve aussi une subtile harmonie entre la poésie accentuée par la blancheur virginale de la banquise et l'horreur des scènes de chasse et la boucherie sanguinolente qui les accompagne. Il en va de même dans les relations entre ces individus que tout séparent et qui doivent pourtant vivre ensemble dans quelques mètres carré. Rien n'est blanc et rien n'est noir, la gentillesse des uns fait face à la violence des autres. Comme le dit Piotr, notre personnage central : « toute chose a son revers… »

« le problème c'est que les gens comme Grizzly savent pas lutter avec les vraies brutes qui ont jamais touché une goutte de nuance de leur vie alors que Grizzly a appris à nager dedans depuis sa tendre enfance, à croire qu'il en avait toute une piscine à la maison. Grizzly sait peut-être beaucoup de choses mais pas que pour gagner, il faut pas craindre la violence mais l'aimer. Il continuait à parler, sans deviner la jouissance de Roq dont j'entendais pourtant déjà déferler la rivière souterraine. Grizzly déballait ses réflexions de viking de la pensée, de valeureux combattant à valeurs et principes sans comprendre que les idées de Roq étaient des tiques hargneuses qui lâchent jamais le bout de haine qu'elles ont accroché. Celles de Grizzly volaient nobles et gracieuses comme des putains de hérons à la splendeur inhibante pour nous autres, petits morbaques de l'intellect. Moi ça va, ça fait longtemps que je suis en paix avec ma tronche d'ignare, mais Roq c'est différent, ses tiques ont faim, jamais rassasiées, et elles allaient pas supporter qu'un enfoiré de héron climatologue leur fasse de l'ombre. Qui a dit que c'était forcément la grosse bête qui mangeait la petite ? Ça l'excitait au contraire Roq, le réveil de l'élégant. Il jappait à l'idée de se farcir un de ces intellos qu'il vomissait. »

Et puis, il y a la fin qu'on n'attend pas et qui vient clôturer magistralement un roman que Caroline Hinault a su dominer depuis le début. Elle réussit dans son Solak à nous servir un épilogue digne d'un John Steinbeck. Si elle voulait garder le meilleur pour la fin c'est chose faite. Une vraie fin comme on les aime. Qui vous marque profondément dans la couenne comme un fer à chaud. Un roman poids lourd qu'il faut lire pour avoir une expérience inoubliable qui marque une vie de lecteur. On vous attend désormais au tournant Madame…

Merci à mes amies Onee et Yaena pour ce cadeau.

« Ça a duré un temps suspendu, agrafé au plafond pour pas que les minutes s'achèvent. »
Commenter  J’apprécie          5569
Un archipel en Artique, Solak est une base où cohabitent deux militaires Piotr sexagenaire installé depuis vingt ans, et Roq, caractériel, les deux étant en charge d'assurer la protection de ce territoire gelé et un troisième homme Grizzly, un scientifique très impliqué et taiseux. Les trois hommes attendent la relève, - suite au décès d'Igor -, d'un troisième militaire. L'arrivée d'une jeune recrue, un gamin mutique, va bouleverser l'équilibre précaire établi jusqu'à présent par les trois hommes.

Un huis clos à quatre personnages dans l'espace infini et hostile de l'arctique, une immensité qui pourrait permettre à chacun de s'épanouir, mais qui, dans des conditions de survie extrême, impose promiscuité et dépendance de chacun, exacerbe les frictions et les hostilités. Entre Roq, ombrageux qui cherche constamment querelle, les blessures et risque de perdition lors des sorties de Grizzly, les menaces liées à Pater, l'ours blanc, les caractères se dévoilent sous l'oeil observateur de Piotr. Une montée en tension qui préfigure le drame.
Un roman que j'ai lu car faisant partie des cinq romans noirs conseillés par Colin Niel dans les actualités Babelio, et je n'ai pas été déçue par ce conseil.
Avec Solak, Caroline Hinault décrit avec maestria et un style abrupt cette survie difficile d'un groupe en milieu hostile et tisse la toile du drame à la perfection.
Une belle découverte.
Commenter  J’apprécie          390
Depuis quelques temps je vois les critiques de "Solak"apparaître sur le site Babelio, mais envisageant de le lire prochainement je n'ai pas voulu les consulter afin de me laisser la chance de le découvrir sans être influencée par les remarques ou les citations. J'ai bien fait car il faut être vierge de toute information pour l'apprécier pleinement. Je ne vais donc pas ici faire ce que je n'aurais pas aimé qu'on me fasse à savoir trop en dire, la quatrième de couverture en dit déjà beaucoup. Laissez-vous surprendre par l'ambiance,immergez vous dans ce froid glacial, ressentez la tension et vous serez tout au long sur le qui-vive, ce n'est pas plus mal...
Commenter  J’apprécie          333
Ca commence très fort : la description d'un meurtre dans le prologue puis l'arrivée d'une jeune recrue à Solak, au nord du cercle polaire.

Ils sont déjà trois à vivre dans cet endroit reculé où les hivers sont interminables et les isolent du monde. : le narrateur, vieux militaire désabusé qui a déjà passé une vingtaine d'années à Solak, Roq, autre militaire dont la violence affleure sans cesse, Grizzly chercheur en transit pour étudier l'impact du réchauffement climatique. Un quatrième comparse vivait aussi au même endroit, il rentre dans un cercueil tandis que le petit nouveau arrive. Il est devenu fou au cours du dernier hiver et s'est fait exploser la cervelle.

Le ton est donné dès le départ : noir, tout est noir, tout sera noir, malgré la blancheur des lieux qui les entourent. Noir, comme la nuit qui dure d'octobre à mars et qui peut faire perdre la raison, noir comme Roq au passé trouble qui ne vit que par et pour la violence et qui prend plaisir à tuer les animaux, noir comme l'humeur du petit nouveau qui se dit muet et dont les tourments sont palpables. L'environnement, le froid et les conditions de vie sont très durs et poussent les hommes à la folie.

Peu d'espoir dans ce lieu perdu et dès le départ, la tension monte entre ces 4 protagonistes jusqu'à la tragédie qu'on pressent en commençant le roman.

La plume de l'auteure est puissante et âpre avec un langage parlé. le style est très imagé et évoque bien cette nature sauvage et cruelle.

J'ai toutefois des réserves pour le dernier quart de ce court et percutant roman : après nous avoir tenu en haleine à longueur de pages, l'auteur nous livre une salve de révélations que j'ai trouvé assez peu crédibles, et le final m'a semblé artificiel. Dommage, car j'ai refermé le livre avec cette déception.

Merci à Onee dont la critique enthousiaste m'a fait choisir ce livre au cours du dernier masse critique, merci à Babelio et à l'éditeur pour me l'avoir adressé.
Commenter  J’apprécie          338
Après une longue hésitation, j'ai opté pour "Solak" de Catherine Hinault en tant que Polar "Prix des Lecteurs du Livre de Poche" du mois de Février 2023. Premier roman de cette auteure, il s'agit d'un vrai bijou : à savoir d'un roman noir ou plus encore du récit d'un drame sous tension. Car tension il y a dés les premières pages ... Sur la presqu'île de Solak, perdue dans les terres enneigées et glaciales, trois hommes sont coupés du monde sur une base destinée à des prélèvements scientifiques liées au climat. L'ambiance y est pesante car les protagonistes sont des écorchés vifs, notamment via leurs fonctions militaires. le récit débute avec l'évacuation d'Igor, un des "occupants" de la station qui s'est blessé et se trouve remplacé lors d'un ravitaillement par une jeune recrue, particulièrement troublante et mystérieuse, puisque cette dernière est muette (mais pas sourde).

Le style employé par l'auteure m'a sincèrement conquis avec des propos au ton direct, des personnages on ne peut plus entiers et des mots forts autant que des uppercuts ou un vent sibérien ... le cadre de cette intrigue, aux accents de huis clos naturaliste, donne un ton encore plus angoissant et accentue ce sentiment qu'un drame va (inévitablement) survenir ... Les paysages blancs et glacials, la toundra et sa faune merveilleuse mais aussi dangereuse (avec notamment le redoutable "Pater") sont remarquablement décrits et le voyage offert, bien que glaçant, est une révélation.
Commenter  J’apprécie          320
Quel roman dérangeant qui dès les premières lignes met le lecteur mal à l'aise et le tient sur ses gardes !

Nous sommes à la fin du vingtième siècle sur une presqu'ile imaginaire au-delà du cercle polaire arctique. Un minuscule camp militaire avec quelques baraquements rouillés et un drapeau à relever tous les jours. Voici le décor. L'automne touche à sa fin et bientôt vont apparaitre les premiers signes de l'hiver, les jours raccourcissent et la longue nuit va tomber pour six mois. Une obscurité déprimante dans un froid perçant, le souffle violent du blizzard, la banquise à perte de vue avec ses crevasses, congères et autres failles dangereuses et dans cette immensité glacée attention aux ours polaires affamés de chair fraîche, les redoutables Paters comme les nomme l'autrice.

Dans ce désert blanc éloigné de toute civilisation cohabitent, par la force des choses, trois personnages : deux militaires au passé trouble et un scientifique idéaliste. Piotr, le narrateur, est le plus ancien sur la base, vingt ans d'exil volontaire. Quel secret est-il venu dissimuler ici ? Pour l'épauler dans sa mission de surveillance du territoire, Roq un individu primaire, violent, une véritable brute, très bon chasseur. Enfin, à côté d'eux, un jeune scientifique idéaliste surnommé Grizzli. Il est chargé d'étudier des phénomènes climatologiques et de faire des relevés dans la glace.

Au début de l'histoire, débarque, hélitreuillé, un quatrième personnage, une recrue militaire destinée à renforcer l'équipe de Piotr et Roq et remplacer Igor qui s'est suicidé récemment en se tirant une balle dans la tête, face à ses compagnons. D'allure assez frêle, mutique, énigmatique, le jeune soldat, que les autres appellent simplement le gosse, s'avère inquiétant ; il vient perturber le fragile équilibre existant, injectant immédiatement une forme de tension dans le groupe.

Comment ces quatre-là vont-ils réussir à cohabiter dans cet espace restreint et passer la grande nuit arctique ensemble ? Dans des conditions extrêmes ils vont devoir se retrouver face à eux-mêmes, à leur propre humanité et à leur passé qui peut ressurgir à tout moment. Caroline Hinault, dont c'est le premier roman, signe un huis clos oppressant dans la nuit glacée. J'ai beaucoup aimé le rythme lent du récit, telle la vie monotone et l'ennui ressenti dans cet univers hostile, puis la tension qui monte irrémédiablement. La tragédie arrive, on la sent approcher mais on ignore encore quelle forme elle va prendre et quel danger va frapper.

L'autrice déclare en interview que la rédaction de son livre a été poussée par le sentiment de révolte qu'elle éprouvait sur l'état du monde, la perte des valeurs et la violence persistante. Elle a « voulu faire un livre féroce. » dit-elle, où des hommes sont confrontés à la sauvagerie de la nature et à l'angoisse existentielle. Elle remplit parfaitement son objectif, aidée en cela par une écriture brute, imagée, familière, souvent très crue mais parfois humoristique et même poétique, ses descriptions des paysages enneigés et des aurores boréales sont magnifiques. Elle écrit comme parle Piotr, le narrateur. le moins qu'on puisse dire est qu'il ne fait pas dans la dentelle...

Dès le prologue, j'ai été happée par l'atmosphère angoissante de ce roman, me demandant jusqu'où l'autrice allait m'emmener. Presque figée dans ce décor glaçant, j'ai assisté impuissante à la violence des hostilités entre les personnages et au drame à venir. Par contre, le dénouement surprenant et romanesque m'a laissée dubitative. Néanmoins je recommande cette lecture aux amateurs de thrillers et aux autres aussi.

#Challenge Riquiqui 2024
Commenter  J’apprécie          300
Ah ça, pour être un roman écrit à l'os, c'est vrai ! le récit est expurgé de tout ce qui pourrait le parasiter, comme les tirets cadratins, les guillemets, et tout est condensé dans les 128 pages de l'édition (160 pages pour la version poche).

Entre nous, pas besoin de plus ! Cette avarice de détails ou ces dialogues non mis en évidence par des guillemets, sied bien au récit dont le narrateur est Piotr, un homme taiseux, en poste à Solak depuis 20 ans.

Peu de protagonistes aussi, puisque dans ce huis clos qui se déroule dans l'Arctique, il n'y a que trois hommes : Piotr, Roq et Grizzly. le quatrième sera la nouvelle recrue et les figurants seront les ours blancs, les renards arctiques, les phoques… Dont certains ne feront pas que de la figuration…

Les personnages sont décrits à l'os aussi, nous n'en saurons pas plus que ce qu'il n'en faut pour faire vivre ce récit. Ils resteront tous un peu mystérieux, le strict minimum ayant été fait pour épaissir leur personnalité. Là non plus, il n'en fallait pas plus.

Ce qui est le plus décrit, ce sont les conditions de vie dans cet endroit où les températures descendent fort bas sous le zéro, dans ce coin paumé, où trois pelés et un tondu doivent garder le drapeau, pour que leur pays conserve ce morceau de glace.

Là-bas, tout est neuf et tout est sauvage, libre continent sans grillage… Mais attention, il y a des bêtes sauvages, des jours qui ne connaissent pas de nuits et des nuits qui ne connaissent plus le jour. Là-bas, tout peut être noir, sombre, à se donner envie de se pendre (d'ailleurs, paraît qu'un canal s'est pendu, tandis qu'un autre s'est perdu) ou, au contraire, être lumineux au point de rendre les hommes fous.

Huis-clos oppressant, roman très sombre, tension à couper au couteau, ce ne sera que dans les dernières lignes que tout sera dévoilé, me laissant hébétée. Ben merde alors, je ne m'y attendais pas…

Un roman à lire un jour où il fait froid, pour prendre encore plus la mesure des températures qui règnent dans cette presqu'île de Solak (ne lisez pas dehors tout de même) et en se blindant, parce que des animaux souffrent de la folie de la gâchette d'un des protagonistes (et de son envie de se faire du fric).

Lien : https://thecanniballecteur.w..
Commenter  J’apprécie          300
Un livre que j'ai acheté en me rendant "quai du polar".

Après avoir acquis un livre écrit par Henaff, qui me rappelait ma Bretagne natale... Les initié.e.s suivront... Je n'ai pas pu ne pas acheter un livre écrit par Hinault. Car Bernard est également un enfant du pays.

Bon j'avoue que mes jeux de mots sont pourris.

Solak est un roman qui sort de l'ordinaire. Ce n'est pas franchement un polar dans le sens classique car il n'y a pas de détective et il n'y a pas de recherche de l'assassin.

Non c'est plus une montée en puissance. La certitude qu'un drame va arriver.

Et cette montée en puissance, elle est portée par un vieux briscard qui est présent depuis 20 ans au fin fond du monde... Dans une station polaire. Ce vieux soldat surveille un drapeau. Il est accompagné par 3 autres hommes dont un qui vient de les rejoindre après un suicide du fait du froid, de la solitude...

Ce qui rend ce roman aussi intense, ce sont les expressions du narrateur, Piotr.

On peut faire la fine bouche et regretter que la fin ne soit pas un peu plus / mieux travailler. Mais pour un premier roman... Perso, je tire mon chapeau et cela me donne envie de découvrir la suite.

Petite anecdote: Solak est le nom d'un village en Arménie de moins de 3000 habitants... Je.serai curieuse de savoir pourquoi l'autrice a choisi ce nom.

Quelques exemples... pour garder une trace de ce style.

"On est tous arrivés ici pour la même raison, l'espoir d'amnésie à moins que ce soit d'amnistie, c'est le problème des grands mots, à deux lettres près comment savoir? En tout cas l'espérance vénéneuse qu'à force de bouffer de la banquise, y aurait un peu d'innocence ou un truc originel bien limpide qui viendrait nous laver d'être des hommes. le faux espoir que si le temps peut servir à une chose dans nos vies de cafard, ça devrait au moins être à ça, rouler les choses trop laides pour être racontées et en faire un grand cigare amer qu'on fume seul, le soir, avant d'en faire retomber les cendres froides sur nos âmes jaunies."

"Il passait ses mains dans sa tignasse d'ours brun, tournait lentement ses pages, on le voyait bien qu'il était loin de nous, qu'il voyageait dans la chair des mots, ça se sentait qu'il y prenait une saloperie de plaisir, il aurait fallu nous expliquer comment, à nous autres, comment on pouvait plonger comme ça dans des phrases écrites par d'autres et que ça vous injecte direct du sucre au coeur. J'aurais bien aimé savoir y faire, je sentais que j'aurais pu y trouver quelque chose moi aussi, ça me frustrait. J'ai essayé de lire une ou deux fois, j'ai essayé, quand Roq était pas là. Mais c'était comme de pas réussir à jouir alors j'ai laissé tomber."
Commenter  J’apprécie          290




Lecteurs (855) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2900 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *}