Comme un certain nombre d'entre vous, j'ai découvert avec un grand plaisir la plume recherchée de
Florence Hinckel avec son roman Yannis, l'un des quatre volumes de la saga phénomène U4, parue il y a déjà un an – mes aïeux, que le temps passe vite. Bref, si vous ne l'avez pas encore fait, n'hésitez pas à vous jeter dessus. Ce bon souvenir m'a poussée à me laisser tenter par #bleue, une autre parution récente de l'auteure, bien que je n'eusse jamais lu aucun avis à son sujet. Et cette lecture à l'aveuglette s'est avérée être une excellente découverte !
Avec #bleue, un récit d'anticipation fulgurant,
Florence Hinckel introduit un univers à donner la chair de poule, dans lequel il est désormais possible, et même imposé en cas de traumatisme pour les adolescents, d'être oblitéré par un organisme nommé la CEDE, la Cellule d'Éradication de la Douleur Émotionnelle – youpi. En quelques mots, les émotions négatives associées à des souvenirs tels que des accidents ou des décès sont tout simplement annihilés, de sorte que l'on ne ressent aucune souffrance en repensant à la perte de tel parent, à son échec à tel examen. Après oblitération, on ne garde qu'un point bleu sur le poignet, en souvenir de son joyeux petit passage à la CEDE. Il ne reste à chacun qu'à vivre sa vie en toute gaieté, en partageant le moindre de ses gestes sur le Réseau, dont il est impensable de se déconnecter en dehors des heures de sommeil.
Plus de dépressifs, plus de criminels, plus de violence, de personnalités imprévisibles. Que du bonheur... n'est-ce pas ?
Le récit reste prévisible, la fin survient peut-être un peu trop rapidement pour être frappante, mais le tout fonctionne terriblement bien. La plume délicieusement poétique de l'auteure porte le récit, ses personnages principaux émeuvent – si, ce verbe est français. Oui, j'ai moi aussi l'impression d'entendre une vache meugler lorsque je lis la forme "émeuvent". Mais poursuivons, voulez-vous ? – profondément son lecteur, et ces quelques 250 pages suffisent à construire une véritable atmosphère, un climat de tension redoutable. On éprouve un grand plaisir, mêlé d'une certaine angoisse, à se plonger dans l'intrigue, à travers la narration plaisante de Silas et d'Astrid, deux adolescents touchants.
Avec une justesse troublante,
Florence Hinckel met le doigt sur l'une des plus grandes menaces qui pèsent sur notre société, le renfermement sur soi, l'artificialisation des sentiments, la surexposition sur les réseaux sociaux. Bien sûr, l'univers dystopique qu'elle décrit est évidemment fictif, et personne n'est aussi dépourvu d'émotions, aussi obsédé par le virtuel que dans son roman...
Du moins pas encore.
Cette société épouvantable, stérilisée, n'est-elle pas l'aboutissement logique de notre manière de nous comporter ? Quelle est exactement la hauteur de la marche qui nous sépare de ces personnages ? Il n'est fait mention d'aucune date, d'aucun repère temporel, de sorte que ce futur funeste pourrait très bien être plus proche qu'il n'y paraît.
Florence Hinckel nous enjoint à être plus vigilants, à prendre conscience de ce qu'il est en train de se produire dans notre environnement. Elle souligne la beauté de l'être humain, des sentiments de toutes natures qui le font vivre, qui lui confèrent justement toute sa beauté et sa richesse.
À travers ce récit fluide et entraînant, elle délivre une réflexion frappante, poétique et perturbante à la fois, pour un court roman facile à lire qui mériterait d'être placé entre toutes les mains, adolescentes comme adultes.
Note attribuée : 8,5/10 : un ouvrage de qualité, intelligent et prenant. Je valide hautement !
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