Citations sur Les particules élémentaires (256)
En soi le désir - contrairement au plaisir - est source de souffrance, de haine et de malheur. Cela, tous les philosophes - non seulement les bouddhistes, non seulement les chrétiens, mais tous les philosophes dignes de ce nom - l'ont su et enseigné. La solution des utopistes - de Platon à Huxley, en passant par Fourrier- consiste a éteindre le désir et les souffrances qui s'y rattachent en organisant sa satisfaction immédiate. A l'opposé, la société erotique-publicitaire où nous vivons s'attache à organiser le désir, a développer le désir dans des proportions inouïes, tout en maintenant la satisfaction dans le domaine de la sphère privée. Pour que la société fonctionne, pour que la competition continue, il faut que le désir croisse, s'étende et dévore la vie des hommes.
Adolescent, Michel croyait que la souffrance donnait à l'homme une dignité supplémentaire. Il devait maintenant en convenir: il s'était trompé. Ce qui donnait à l'homme une dignité supplémentaire, c'était la télévision.
Les enfants supportent le monde que les adultes ont construit pour eux, ils essaient de s'y adapter de leur mieux ; par la suite, en général, ils le reproduisent. (p.311)
"–Tu ne danses pas ? demanda-t-il. –Non, répondit-elle. Les danses africaines c'est pas ce que je préfère, c'est trop..."
Trop quoi ? Il comprenait son trouble. Trop primitif ? Évidemment non. Trop rythmé ? C'était déjà à la limite du racisme. Décidément, on ne pouvait rien dire du tout sur ces conneries de danses africaines.
Certains êtres vivent jusqu'à soixante-dix, voire quatre-vingts ans, en pensant qu'il y a toujours du nouveau, que l'aventure est, comme on dit , au coin de la rue;il faut en définitive pratiquement les tuer, ou du moins les réduire à un état d'invalidité très avancé, pour leur faire entendre raison.Tel n'est pas le cas de Michel Djerzinski.Sa vie d'homme il l'avait vécue seul, dans un vide sidéral.Il avait contribué au progrès des connaissances;c'était sa vocation,c'était la manière dont il avait trouvé à exprimer ses dons naturels;mais l'amour;il ne l'avait pas connu.
Les jeunes filles d’aujourd’hui étaient plus avisées et plus rationnelles. Elles se préoccupaient avant tout de leur réussite scolaire, tâchaient avant tout de s’assurer un avenir professionnel décent. Les sorties avec les garçons n’étaient pour elles qu’une activité de loisirs, un divertissement où intervenaient à parts plus ou moins égales le plaisir sexuel et la satisfaction narcissique. Par la suite elles s’attachaient à conclure un mariage raisonné, sur la base d’une adéquation suffisante des situations socio-professionnelles et d’une certaine communauté de goûts. Bien entendu elles se coupaient ainsi de toute possibilité de bonheur – celui-ci étant indissociable d’états fusionnels et régressifs incompatibles avec l’usage pratique de la raison – mais elles espéraient ainsi échapper aux souffrances sentimentales et morales qui avaient torturé leurs devancières. Cet espoir était d’ailleurs rapidement déçu, la disparition des tourments passionnels laissait en effet le champ libre à l’ennui, à la sensation de vide, à l’attente angoissée du vieillissement et de la mort.
La solution des utopistes – de Platon à Huxley, en passant par Fourier – consiste à éteindre le désir et les souffrances qui s’y rattachent en organisant sa satisfaction immédiate. A l’opposé, la société érotique-publicitaire où nous vivons s’attache à organiser le désir, à développer le désir dans des proportions inouïes, tout en maintenant la satisfaction dans le domaine de la sphère privée. Pour que la société fonctionne, il faut que le désir croisse, s’étende et dévore la vie des hommes. (p.200)
Il y avait eu chez ce petit garçon quelque chose de très pur et de très doux, d'antérieur à toute sexualité, à toute consommation érotique. Il y avait eu un désir simple de toucher un corps aimant, de se serrer entre des bras aimants. La tendresse est antérieure à la séduction, c'est pourquoi il est si difficile de désespérer.
Après quelques années de travail, le désir sexuel disparaît, les gens se recentrent sur la gastronomie et les vins ; certains de ses collègues, beaucoup plus jeunes que lui, avaient déjà commencé à se constituer une cave.
Considérant les événements présents de notre vie, nous oscillons sans cesse entre la croyance au hasard et l'évidence du déterminisme. Pourtant, lorsqu'il s'agit du passé, nous n'avons plus aucun doute: il nous paraît évident que tout s'est déroulé de la manière dont tout devait, effectivement, se dérouler.