Elle était fatiguée, voilà tout ; tout le monde était fatigué en ce moment - trop de travail , trop d'anxiété et pas assez de distractions.
" Je pense que toutes les religions ont été inventées pour rassurer les gens sur la mort", (...) .
Les peaux rouges et leurs heureux terrains de chasse, le paradis, le ciel, ressusciter dans la peau de quelqu'un d'autre... je ne sais pas combien de légendes les religions ont inventées, mais je suis sûre que c'est pour ça qu'elles sont nées au départ. Que tout le monde finisse par mourir n'a rien de consolant pour personne. On a été "obligé" d'inventer une forme d'avenir.
Les nouvelles sont mauvaises, mais je suppose que tu le sais. Je ne comprends pas vraiment ce qui a mal tourné : les Alliés avaient l’air d’aller parfaitement bien, puis, en quelques jours, ils se font encercler par les Allemands. Ça paraît incroyable, vu le calme qui règne ici. Le calme…
On n’a pas besoin d’être doué pour s’intéresser aux choses. L’amusant, c’est de les essayer.
« Être amoureux ça signifiait peut - être simplement aimer assez quelqu’un pour supporter ce qu’il nous faisait » ….
C’était pourtant bizarre, songea-t-elle, au moment où l’on voulait que tout se passe bien avec quelqu’un, de commencer par lui faire des cachotteries.
Cet endroit ressemble de plus en plus à une île déserte, en beaucoup moins excitant que ne le seraient toutes les îles désertes.
Tu n’arrêtes pas de me juger ! s’était-elle écriée.
— Toi aussi, avait répliqué Nora. Tout le monde juge tout le monde. En plus, je ne suis pas sûre que ce soit vraiment juger ; c’est plus une façon de comparer quelqu’un à des normes. Je le fais tout le temps pour moi, avait-elle ajouté.
— Et, bien sûr, tu es toujours à la hauteur.
— Pas du tout ! » L’innocente protestation avait fait taire Louise. Mais ensuite, en regardant les épais sourcils broussailleux de son amie et l’ombre légère, quoique indéniable, d’une moustache au-dessus de sa lèvre supérieure, elle s’était aperçue qu’elle se réjouissait de ne pas ressembler à Nora, et que ça, c’était une forme de jugement. « Je juge que tu es une bien meilleure personne que moi », avait-elle dit, sans ajouter qu’elle préférait malgré tout être elle-même.
Le pire, quand on est si vieux, est sûrement de faire les choses pour la dernière fois. Elle doit être triste de savoir qu’elle ne retournera jamais chez elle. Tante Villy dit qu’elle ne s’en rend plus compte, mais je ne vois pas comment elle peut l’affirmer ; d’après moi, Grania a des moments de lucidité extrêmement tristes, où elle comprend ce qui lui arrive, sauf que ça arrange les autres de s’imaginer qu’elle est zinzin tout le temps. C’est la même logique qui fait qu’ils évitent de parler des sujets difficiles ou pénibles.
- Tu n’arrêtes pas de me juger ! s’était-elle écriée.
- Toi aussi, avait répliqué Nora. Tout le monde juge tout le monde. En plus, je ne suis pas sûre que ce soit vraiment juger ; c’est plus une façon de comparer quelqu’un à des normes. Je le fais tout le temps pour moi, avait-elle ajouté.