Effectivement injouable tant sur la longueur, mais aussi la quantité des intervenants. Ce foisonnement rend la pièce particulièrement brouillon avec des scènes qui finissent par sembler tout à fait dispensables (la réception des envoyés des pays étrangers). Si Hugo rompt avec les unités classiques, ainsi qu'avec la bienséance, et la séparation comique tragique (le ridicule de l'histoire d'amour du noble déguisé en prêtre) de manière grandiose et emphatique, le grotesque des interludes des paroles mystiques des fous renoue au contraire avec les choeurs antiques et donne une certaine ambiance, présence du monde extérieur, intrusion du peuple dans la vie politique, révolution romantique accompagnant la révolution sociale.
Ce mélange des genres illustre bien l'humanité imparfaite tant du révolutionnaire à la fois mégalomane et rongé par le doute, que des conjurés animés par l'idée noble de lutter contre un tyran mais abaissés par les intérêts égoïstes. La conjuration ratée pourrait faire penser à
Cinna ou la clémence, tragédie classique de
Corneille, mais la profusion des personnages, la faiblesse qui chez tous l'emporte sur les qualités et entraîne les uns et les autres dans l'échec, feront bien plus penser à une pièce baroque de
Shakespeare comme
Hamlet. Sir
William Murray, tiraillé entre son devoir politique et son amour, est le personnage typique des tragédies classiques de Racine et
Corneille. Ridiculement affublé, profondément malhabile, pas à sa place, il est l'incarnation de ce théâtre pour Hugo : anachronique, inadapté, grotesque et inconséquent.