Enfin, cette lecture achevée ! Je ne dis pas cela pour exprimer que j'ai souffert pendant, puis soulagé d'en avoir fini. Bien au contraire, mais quand même, cela représente dans l'édition que j'avais, plus de 1600 pages.
Impression d'avoir cheminer non seulement avec les personnages, mais aussi avec
Victor Hugo qui se dévoile beaucoup dans son oeuvre.
Comment faire pour parler de ce livre et de l'impression qu'il m'a laissé ? Rien que pour les citations, j'en ai relevé plus d'une soixantaine. Que de richesses ! de style, de bons mots, de tournures de phrases, d'émotions, de références culturelles et historiques, d'attentions à la condition humaine, …
1. La première chose que je voudrais noter, c'est d'avoir été un peu trompé sur la "marchandise".
(Je précise que je ne suis pas un grand lecteur. Je me suis seulement remis à lire que depuis la période du Covid. Environ une cinquantaine de livres, même si souvent ce sont de gros livres)
Je m'explique :
Je m'attendais à une histoire très sombre, violente, montrant toute la misère du monde, avec un coté fatalité qui se transmet de génération en génération. Quelque de chose de triste ne laissant que peu de place à la lumière et l'espoir dans la condition humaine. Cela bien sûr renforcé par le titre, et également par la 4eme de couverture («… désignent toutes les victimes d'un ordre social dont
Victor Hugo condamne les injustices »). Ce n'est pas faux, mais j'avoue que l'histoire et le ton du livre m'a parut plus léger, souvent plaisant, avec des passages très fleur-bleue, notamment dans les amours naissantes de Cosette.
L'histoire pour moi se termine bien, tout finit par se dérouler comme dans un conte pour enfant, ce que je regrette d'ailleurs un peu, sans que cela ternisse quelque peu l'appréciation de ce livre. J'ai fini sans doute par accepter la réalité du propos, abandonnant petit à petit mes aprioris.
2. Autre élément qui m'a gêné surtout dans les débuts, c'est le fait qu'Hugo s'adresse à nous lecteurs. Souvent, il écrit : « comme nous l'avons déjà dit », « pour les pages qu'on va lire », « l'auteur de ce livre … », etc. Cela me sort de l'histoire et m'empêche de me fondre dans les personnages et dans l'histoire à plusieurs reprises. Ce n'est pas énorme, mais quand même. En même temps, cela permet à l'auteur d'introduire ses digressions importantes, objet de mon troisième point.
3. Les digressions. Tout un sujet, car certaines pourraient presque faire l'objet d'un livre à part entière.
Victor Hugo donne un cadre très (très) développé à tout ce qu'il entreprend d'écrire à propos de son histoire. le couvent et son fonctionnement, la bataille de Waterloo, les gamins de
Paris, Louis-Philippe, les barricades, et j'en oublie. C'est très intéressant, je vois bien la nécessité d'expliquer le contexte, mais cela alourdit l'ensemble et m'a fait perdre un peu le fil de l'histoire, d'où une tentation fréquente de zapper quelques passages qui me semblait trop éloignés du propos. Ma patience a été quelquefois à la limite de la rupture !
Je ne parle pas là des considérations philosophiques, politiques ou religieuses qui émaillent également le livre, qui ne sont pas non plus dénuées d'intérêt, mais n'ont pas interrompu le fil de ma lecture.
A noter aussi ma tentation d'avoir un dico près de moi pour aller chercher toutes les nombreuses références historiques, mythologiques, culturelles face auxquelles je me sens bien ignare.
4. le plaisir de lire.
Comment exprimer mon plaisir et ma joie d'un tel style d'écriture ! Tournures de phrases, bons mots, traits d'humour, métaphores, nombres d'expressions indiquant la finesse de l'esprit de
Victor Hugo.
« Le propre d'une langue qui veut tout dire et tout cacher, c'est d'aborder en figures. » Quelques mots bien associés nous révèlent une ironie, une état misérable, un sentiment profond, dignes d'un langage poétique. J'ai savouré, j'ai été nourri, je me suis régalé, je me suis arrêté et j'ai contemplé ces bijoux disséminés au long du texte.
J'aimerais vous donner quelques exemples :
« La lumière des torches ressemble à la sagesse des lâches ; elle éclaire mal, parce qu'elle tremble. »
« L'âme ne se rend pas au désespoir sans avoir épuiser toutes les illusions. »
« Cosette du reste traversait ce moment dangereux, phase fatale de la rêverie féminine abandonnée à elle-même, où le coeur d'une jeune fille isolée ressemble à ces vrilles de la vigne qui s'accrochent, selon le hasard, au chapiteau d'une colonne de marbre ou au poteau d'un cabaret. » (pardon pour cette citation très XIXème !)
« Tout à coup, elle tourna la tête sur son épaule avec la lenteur délicate du cygne. »
« Le scepticisme, cette carie de l'intelligence. »
Ou quand il présente Thénardier comme un « filousophe ».
Cela ne représente pas totalement toute la richesse du style de ce livre, mais en donne une petite idée.
5. L'auteur.
Dernière chose sur laquelle je ne m'étendrait pas, faute d'un travail plus poussé que je n'ai pas fait.
Ce sont les conceptions philosophiques et politiques de l'auteur.
J'ai été étonné qu'il associe à la fois son admiration pour la sainteté de certaines personnes et tout l'espoir et la foi qu'il met dans le Progrès de la société française. Je pensais Hugo athée.
Il a un regard très franc sur la religion qu'il a l'air de considérer comme une valeur du passé, comme une impasse, une fausse bonne idée nécessaire à un temps révolu, et en même temps, il dresse le portrait hagiographique de cet évêque en début de livre, et aussi semble magnifier, avec une certaine naïveté, le parcours christique de Jean Valjean.
Quand on lit toutes ses envolées sur le progrès, la conduite de l'humanité vers le bien social vainqueur de la misère et des injustices, je ne peux m'empêcher de mettre cette idéalisation en face de ce que nous vivons actuellement dans notre monde en déroute.
La vision de la femme et du romantisme est j'imagine propre à son époque. L'amour est souvent innocent et idéalisé, est personnifié surtout en Cosette, qui me semble dans ses attitudes et ses sentiments, trop peu incarnée, manquant de réalisme passionnel et d'angles rugueux inévitables.
J'avoue avoir été un peu gêné et impatient devant ce coté fleur-bleue, comme un conte pour enfants qui finit toujours par "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants".
Egalement, trop souvent, les rebondissements de l'histoire sont facilités par la venue inopinée d'une bonne somme d'argent. La réalité est malheureusement moins douce.
Je terminerais par 3 moments plus marquants pour moi, vécus avec émotions. La relation difficile entre Marius et M. Gillenormand, le combat intérieur de Javert, et bien sûr la mort de Jean Valjean .
Il y tellement d'aspects développés dans cette oeuvre riche et débordante, que chacun peut trouver de quoi l'apprécier, à condition d'avoir de la patience et de prendre son temps.