AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur À ma place (11)

" Je sais pourtant que notre amitié était hors normes. Dès son début. Elle n'était pas faite d'élans, d'embrassades, de fougue. Mais d'une sérénité tranquille. de l'évidence d'être ensemble et d'une confiance absolue. Immédiate".
Commenter  J’apprécie          130
Il n'y a pas de mots pour dire la fin d'une amitié. Moi, je n'en avais pas. Je n'allais pas dire Franck m'a quittée. Je ne pouvais pas non plus dire nous nous sommes séparés. Nous nous sommes disputés n'était pas vrai. Je n'avais pas de mots.
Commenter  J’apprécie          30
Nous nous écrivions beaucoup.
Franck avait une écriture ronde et grasse.
Très belle. Très régulière. Que je lui enviais.
Nos vies ont été mêlées l'une à l'autre. Il savait chacun de mes gestes et il me disait ses mouvements. Nous racontions le quotidien des heures durant. Sans ennui. Je le présentais à tout le monde et je connaissais ses amis. Pourtant, nous nous sommes toujours laissé de la place. A chacun. Sans l'autre. Parfois, on se voyait moins. J'étais amoureuse, il était épris. Ailleurs, avec un autre. Nous aimions tous les deux la solitude et nous savions l'aimer chez l'autre. Nous sommes souvent partis en vacances ensemble. Mais ce n'était pas une règle. Nous ne nous sommes jamais rien imposé. Quand nous étions éloignés, ailleurs ou ici, nous nous écrivions. De longues lettres. Il n'était pas question de sentiments, de manque de l'autre, d'absence qui creuse. Mais d'ailleurs. Nous nous écrivions les beautés que nous avions entrevues, les couleurs d'un marché, l'insolite d'une rencontre, le goût d'un plat. Il n'y avait que de la gaieté dans nos lettres. Nous avions l'un et l'autre le goût de l'émerveillement et c'est cela que nous voulions partager.

J'ai gardé ses lettres. Elles font partie de ma vie. Je peux maintenant les relire sans nostalgie. Comme celles d'un ami que je n'aurais jamais revu. Qui aurait disparu. Un ami qui serait parti. Qui aurait pris on ne sait quelle route. Qui aurait foncé vers on ne sait quelle aventure. Qui serait heureux quelque part.
C'est un peu ça. Cet ami-là, qui m'écrivait ces lettres-là, je ne l'ai jamais revu.
Commenter  J’apprécie          10
Je n’ai pas aimé être enfant. Je ne m’intéressais qu’aux adultes et je voulais grandir. Vite. J’en ai gardé peu de souvenirs, comme d’une époque un peu honteuse. D’un vêtement qui ne m’allait pas. Franck m’a appris à aimer l’enfant que je n’avais jamais été.
Commenter  J’apprécie          10
Nous aimions rire, tous les deux. Le rire, pour nous, n’était pas un incident, une détente qui survient au hasard. C’était une activité physique dont nous raffolions et que nous pratiquions juste pour le plaisir du corps qui s’étrangler. Une gymnastique qui laissait épuisés et heureux.
Commenter  J’apprécie          10
En même temps, je n’ai pas beaucoup d’amis. C’est un mot que j’utilise précautionneusement. J’en connais la rareté.
Commenter  J’apprécie          10
Je n'ai jamais su pleurer. Je pleure parfois, mais je ne pleure pas bien. Pas au bon moment, pas pour les bonnes choses. Le chagrin, le vrai , me solidifie. Comme dans une réaction chimique où le liquide devient dur, solide, en un instant. Je deviens pierre. Tout l'intérieur est pétrifié. Stupéfié.
Commenter  J’apprécie          10
Quand on ne sait pas, on se tait.
Commenter  J’apprécie          10
J'ai manifesté devant des ambassades. J'ai collé des affiches. J'ai fait circuler des pétitions. J'ai distribué des couvertures. J'ai crié des slogans.
Franck me regardait faire. Tout ça, ça ne l'intéressait pas.
Puis j'ai eu moins de souffle. Il y avait aussi la vie qui prenait du temps.
Alors j'ai écrit. J'ai toujours aimé ça. J'écrivais à des prisonniers politiques. Un peu partout. Dans plein de langues, y compris dans des langues que je ne connaissais pas.
Au début, il y avait un peu d'agitation dans ce geste-là aussi. Puis ça a pris du sens. C'est devenu un mouvement attentif et serein. J'écrivais de longues lettres. Je savais qu'elles n'arriveraient pas toutes mais j'écrivais. Parfois on me répondait. Et ces mots-là, qui me revenaient en retour, me disaient que c'était important. Que ce n'était pas juste des mots que j'envoyais au petit bonheur.
J'ai nourri des correspondances. Des passerelles fragiles. Avec quelques-uns, il n'a plus été question d'acte politique. De militantisme. Il y a eu des mots qui fraternisaient. Des liens.
Souvent je lisais nos lettres à Franck. Parce que c'était mas vie. Une partie. Que c'était important pour moi. Je ne lui disais pas tu devrais écrire toi aussi. Mais je crois que j'aurais aimé s'il l'avait fait. Mais ça ne l'intéressait pas.
Il se moquait un peu de moi quand j'écrivais de nouvelles lettres, quand je trouvais de nouvelles causes. C'était avec tendresse, mais il se moquait. Ce n'était pas grave. Au fond, j'aimais bien quand il se moquait de moi. Cela disait nos différences et nous n'aurions pas aimer nous ressembler.
Commenter  J’apprécie          00
La première fois que Franck avait découvert la maison, il était tombé sous son charme. Le charme du lieu mais aussi de la vie qui y régnait. Ses parents étaient des gens simples et la culture l'éblouissait. Il avait passé des heures dans la bibliothèque à inventorier chaque titre. Il était fasciné comme un papillon. Mon père, paterne, lui avait fait visiter les lieux. Cela avait duré des heures sans que ni l'un ni l'autre ne s'ennuient. Mon père racontait l'histoire d'un meuble, d'un tableau, du tilleul devant la maison ou la saveur du cidre tiré de la pommeraie.
Franck prenait pour une faveur l'attention que mon père lui accordait. En fait, il était ainsi avec tous ses invités. Il adorait ce rôle de gentilhomme de campagne qui reçoit benoîtement, comme un chapelain qui fait les honneurs de son oratoire. En ville, il travaillait beaucoup et, enfermé dans ses pensées, il pouvait paraître distant. Mais dès qu'il retrouvait la maison, il était accessible à tout. Il adorait parler, raconter et il avait une verve de conteur. La beauté de la maison lui donnait un décor qui l'auréolait plus encore. Il prenait place en bout de table et l'on s'agrégeait à lui. On se serrait pour l'écouter parler. Il n'aimait rien tant que cet auditoire qu'il flattait de bons mots. Il était habile, il ne pérorait pas. Il questionnait, il appelait la réplique. Il pouvait parler de tout avec une aisance convaincue. Il inventait des théories, il concevait des systèmes comme en un tour de bras.
Commenter  J’apprécie          00






    Lecteurs (22) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Freud et les autres...

    Combien y a-t-il de leçons sur la psychanalyse selon Freud ?

    3
    4
    5
    6

    10 questions
    434 lecteurs ont répondu
    Thèmes : psychologie , psychanalyse , sciences humainesCréer un quiz sur ce livre

    {* *}