Si tu connais en vérité : Nous n’avons
ni autre ni pareil.
Il est en tant que Soi mon ouïe et ma
vue,
Mon intelligence et mon cœur.
Il est mon tout ; Il n’épargne et ne
laisse rien.
Il est mon pied, Il est ma main,
Il est mon âme : de moi nulle mention
n’est faite.
Il ne m’habite pas, et moi je ne
demeure pas en Lui.
Je suis par Lui ; depuis toujours, c’est « comme si » j’étais moi. Écoute-moi
donc et prends-y garde.
Les appellations sont multiples et
pourtant l’Essence est une :
il n’y a là qu’Allâh, nul autre n’a
d’être propre.
L’énoncé du « nous » suggère une
dualité ; cependant l’Essence est
une.
Tu es Lui le Moi et Lui Toi :
souviens-toi donc !
Il répond si tu appelles ; pourtant
c’est Lui qui appelle :
ainsi l’écho rend doubles la parole
et la voix. (poème XVI, 109-110)
Nous avons écarté le voile. Les ténèbres de l’altérité se dissipent.
« Moi », « toi », « soi » ont été
abolis. Il n’est plus d’équivoque.
Autre que Nous ne subsiste, autre que Nous n’était
Je suis l’échanson, l’abreuvé, le vin
et la coupe.
Les contraires en Moi son unis ;
en vérité c’est Moi
qui suis l’un et le multiple, le genre
et l’espèce.
Ne sois pas aveuglé par le voile de
la pluralité visible :
elle n’est autre que Notre Personne
transcendante, très-sainte.
Tant que par Nous tu regardes,
c’est Nous aussi que tu vois ;
sinon tu es l’aveugle par qui tout
disparaît
Réaliser Mon unité : c’est là la
religion. N’imagine pas qu’autrui
M’a proclamé unique ; autrui, c’est
la disgrâce et la dualité.
Tant que tu t’affirmes autre que
Nous, tu es Notre « associé ».
Mais y a-t-il bien là quelque autre,
être stupide et fou ? (poème III, pp. 32-33)