Arnaldur Indridason nous avait préparés à ce récit et les deux aventures précédentes avaient fait monter encore plus la pression. Voilà : Erlendur, de retour dans les fjords de l'Est, se confronte à son passé traumatique.
Intelligemment, l'auteur ne s'est pas contenté d'un simple récit introspectif. Il y ajoute une enquête personnelle - quoique le terme enquête soit mal employé -, sur la disparition en 1942 d'une jeune femme, Matthildur.
Évidemment, les recherches sur ce qui est arrivé à Matthildur ne sont qu'un prétexte pour faire le parallèle avec la disparition du petit frère d'Erlendur. le froid et les tempêtes islandaises réclament toujours leur écot.
« Étranges rivages » est, dans mon cycle de lecture chronologique, à ce jour le meilleur de la série. Il apporte au héros une dimension sensible, une fragilité et une douleur contenue. Il ferme également un cycle, peut-être.
Par son style posé, voire poétique, par son utilisation fréquente mais fluide des flash-back, ce roman « policier » lorgne du côté du thriller psychologique. Nous sommes en effet bien loin des courses poursuites et des interrogatoires musclés : Erlendur est seul, il creuse dans les histoires personnelles par curiosité et c'est en son âme et conscience qu'il se fait justicier ou complice.
Pour mégoter, on pourra reprocher l'utilisation de quelques coïncidences pratiques de trop, et à la traduction française l'usage de répétitions un peu lourdes, surtout à la fin.
Mais cela n'empêche pas qu'une fois terminé ce roman - quelle fin ! -, on ait la furieuse envie de se précipiter sur le suivant.