AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,17

sur 93 notes
5
5 avis
4
5 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Il y a des livres dont le célèbre prescripteur reste indissociable de tout commentaire, critique ou analyse, au point de prendre une place exagérée au moment de s'en faire une image résumée ; les exemples ne manquent pas, se classant en deux groupes plus ou moins évidents : les véritables chef-d'oeuvres, et puis les autres… ceux pour qui le coup de projecteur revêt davantage des circonstances, du contexte historio-artistique du moment ; on citera par exemple pour la deuxième catégorie « Le complexe d'Icare » d'Erica Jong, dont certains pensent toujours qu'il a été écrit par Henry Miller, tant sa préface et la volonté de diffuser ce livre ont pris toute la place quand il s'agissait de le présenter — et que ce texte aujourd'hui n'intéresse plus grand monde, vu qu'il représentait un certain type de féminisme n'ayant plus vraiment cours aujourd'hui, et qu'il n'est simplement pas très bon — et puis il y a les autres…

Ces merveilles peu usitées, dont l'encombrante tutelle pourrait être levée, que l'éclat oblige à s'émanciper de cette parentèle accolée.
Ce texte n'a plus besoin de Rainer Maria Rilke pour exister.

Il est déjà passé par l'âge des dédaigneux modernes le trouvant désuet, passage quasi-obligé pour toute littérature ne sachant pas régler ses conflits générationnels, simple signe d'une progéniture obligée de cracher sur son ascendance pour exister… depuis la fin du 19ème siècle, il en a eu le temps… cycles d'oubli et de re-découverte…

Sa version la plus courante en est sa première traduction — sous-titrée « Entre la vie et le rêve » — par Madame Rémusat, datant de 1928 ; les éditions Stock l'ont même ré-éditée en 2003, alors que l'excellente maison toulousaine Ombres — aussi responsable de la publication du reste de son oeuvre — en a proposé une nouvelle version en 1998 par Sten Byelke et Sébastien Voirol.
Je ne saurais conseiller laquelle choisir… l'ayant seulement sous sa jaquette rose encadrée…

Il faut donc oublier cette dévorante présence du poète Rilke, dont le vibrant romantisme peut rapidement fatiguer… Celui de Jacobsen est nettement plus feutré, sans réelle recherche d'effets.
Un roman d'apprentissage de facture on ne peut plus orthodoxe, disposant d'un charme des plus naturels, accompagné de questionnements universels, dont de potentielles générations d'existentialistes, ou toutes autres créatures disposant de nombrils, ne réussiront pas à circonscrire.

Un possible jalon dans la vie d'un lecteur, alors qu'ils sont si nombreux…
Une vie toute entière racontée simplement, à la sensibilité bien tempérée.
En un mot, un classique, un vrai.
Commenter  J’apprécie          887
Dans cette oeuvre, Niels Lyhne (Entre la vie et le rêve) publiée en 1880 et traduite par R.Rémusat, le poète et botaniste danois  Jens Peter Jacobsen (1847-1885) nous emporte dans une balade romantique en suivant le parcours chaotique de Niels Lyhne dans une société en train de s'ouvrir aux changements.
Un roman d'apprentissage d'une âme sensible.
Un chemin tout tracé avant-même sa naissance car puissamment pensé et rêvé par sa mère, Bartholine. « Pour elle, ses parents, ses frères et soeurs, les voisins, les amis, ne prononçaient jamais un mot digne d'attention, car leurs pensées ne s'élevaient pas au dessus de la terre qu'ils faisaient valoir, et leurs regards n'allaient pas au-delà de ce qui s'offrait à eux tout naturellement. Mais les vers !… Ils étaient pleins de pensées nouvelles et d'enseignements profonds, montrant la vie telle qu'elle se déroule sur la vaste scène du monde, où la douleur et la joie sont intenses ; ils suscitaient des images parmi les rimes qui ruisselaient comme des perles. »
Se considérant comme un être à part, elle se laisse séduire par le jeune Lyhne de Lonborg dans lequel elle reconnaît celui qui pourra répondre à ses aspirations et s'éprend de lui : de cette union naît Niels.
Une enfance choyée sur le domaine de Lonborg mais déchirée entre l'amour paternel et maternel car depuis que le couple se désagrège Niels reste le seul lien entre ses parents.
Bercé jusqu'aux portes de son adolescence par les récits, la poésie et l'imagination fertile de sa mère, Niels est formaté pour devenir un homme au destin exceptionnel, un héros ; lui se rêve poète.

Niels atteignant l'âge adulte, et ayant confirmé ses aptitudes et ses appétences littéraires, va découvrir et affronter la réalité avec son cortège de joies et de peines.
Nous le suivons étudiant à Copenhague évoluant au milieu des artistes et de l'avant-garde intélectuelle .
Pour l'accompagner, son ami d'enfance de la ferme voisine, Frithjof , et depuis l'adolescence, Erik
Refstrup, recueilli et adopté sur le domaine de Lonborg, futur artiste, avec lequel il tisse une indéfectible amitié.
Comme un preux chevalier, il part en quête de l'amour qu'il aura du mal à trouver.
« Il aimait. Il se dit à voix haute qu'il aimait. Il le dit bien des fois. Ces paroles avaient comme une dignité, une noblesse, et leur signification était grande. Il n'était plus soumis aux influences diverses de ses chimères d'enfant, il n'était plus le jouet de désirs sans but, de vagues rêveries : il s'était échappé de la forêt fantastique qui avait grandi autour de lui, où cent bras l'avaient tenu captif, où cent mains s'étaient posées sur ses yeux pour l'aveugler. Il avait secoué ce joug, il s'était retrouvé, reconquis. »

Ainsi au gré du temps qui passe, de la vie qui s'effeuille, nous allons subir ses déceptions, ses désillusions, ses deuils, ses peines mais aussi être témoins de ses joies, de ses extases même si ces dernières sont beaucoup moins fréquentes .
Après la découverte de Copenhague, où il étudie, il découvre l'Europe , toujours sur les traces d'hommes mémorables ou d 'artistes, à Clarens en Savoie sur les pas de Rousseau pour la dernière retraite de sa mère, en Italie à Riva au bord du lac de Garde.
Au fil des années, après les désenchantements, les ruptures, les séparations, sa quête d'amour et de l'âme soeur reste inabouti. Toujours épris d'absolu et enfermé dans ses rêves, il souffre de la solitude et la ressent comme un isolement et un abandon.
Un destin qui ne sera pas à la hauteur de celui que sa mère attendait.
Une mort héroïque pourra-elle racheter sa vie ?

Une balade dans l' univers romanesque et romantique de Jens Peter Jacobsen entrecoupée et illustrée par de magnifiques visions et descriptions de la nature où l'on sent l'oeil averti du botaniste.
Cette immersion dans le 19ème siècle nous rappelle sans cesse les conditions de vie difficiles de tout être humain à cette époque: tout le long du récit des jeunes gens succombent dans la fleur de l'âge aux maladies (Jens Peter Jacobsen, phtisique, mourra à 38 ans), une jeunesse encore enchaînée arrive peu à peu où partiellement à se libérer des conventions bourgeoises et religieuses…

Une découverte et une très agréable lecture. Un style limpide et empli de poésie.

« Ce petit livre est de cette lignée de grandes oeuvres ; je voudrais qu'on le lut comme on les lit . C'est l'histoire des âmes trop grandes pour leur vie ; des âmes trop spiritualisées pour le monde où elles ont vécu et pour les amours dont elles ont souffert ; des âmes obscures et profondes que la destinée à enfermées dans un cycle de malheurs moyens. Certains êtres ont donné toute leur foi à ce désir éperdu de beauté qui vaut seul que l'on vive, mais ce désir, brutalisé par les circonstances, ne peut s'épanouir que dans le renoncement aux satisfactions terrestres et dans la création d'un songe plus beau qu'elles. » Extrait de l'avant-propos de Edmond Jaloux 28 mai 1928
Commenter  J’apprécie          453
Je viens de terminer la lecture de ce classique de la littérature danoise : Niels Lyhne de Jens Peter Jacobsen.
C'est indubitablement un livre remarquable et je regrette de ne pas l'avoir apprécié à sa juste valeur. Je l'ai lu dans une période d'activités et de voyages et ce n'est assurément pas un livre qu'on emporte avec soi pour le lire après une journée de randonnée. Ni une lecture de plage.
Mais ce classique du romantisme où le héros s'initie à la vie et en cherche le sens dans l'amour, l'amitié, l'art, la nature et la famille est écrit tout en poésie et en profondeur.

Un extrait :
"- Il n'y a pas de Dieu, et l'homme est son prophète, dit Niels avec amertume et tristesse.
- Oui, n'est-ce pas ? dit Hjerrild railleusement ; puis, après un silence : l'athéisme est cependant terriblement insipide et, à la fin du compte, son but n'est qu'une humanité sans illusion. La foi en un Dieu qui gouverne et qui juge, voilà la dernière des grandes illusions de l'humanité, et quand cette illusion aura disparu, que restera-t-il ? Ah !oui, je sais, elle sera devenue plus raisonnable ! En sera-t-elle pour cela plus riche et plus heureuse ? Je ne le pense pas.
- Mais, s'écria Niels Lyhne, ne comprenez-vous donc pas que le jour où l'humanité pourra librement triompher, Dieu n'existant plus, ce jour-là verra naître, comme par enchantement, un ciel nouveau et une terre nouvelle ? Alors, seulement, le ciel deviendra l'espace libre et infini, à la place de cette menace sur nos têtes ! La terre enfin nous appartiendra, comme nous appartiendrons à la terre lorsque l'autre monde obscur de béatitude ou de tourments aura éclaté comme une bulle ! La terre sera notre véritable patrie, le pays réel de notre coeur, où nous ne serons plus des étrangers invités pour quelques misérables années ; l'Eternité nous appartiendra. Quelle intensité prendra la vie qui, en elle-même, contiendra tout sans rien espérer d'extérieur à elle ! L'immense courant d'amour qui monte maintenant vers le Dieu, objet de nos croyances, se répandra sur la terre lorsque le ciel ne sera plus qu'un désert ; ce courant s'épanchera amoureusement sur toutes les vertus et les qualités humaines dont nous avons orné la divinité pour la rendre digne de notre amour : bonté, justice, sagesse ! qui pourra les énumérer toutes ? Ne comprenez-vous pas toute la noblesse dont sera revêtue l'humanité, lorsque, libre, elle pourra vivre sa vie et mourir sa mort sans crainte d'enfer ou espoir de ciel ? Elle ne redoutera plus qu'elle-même et en elle seule elle mettra ses espérances."


Si vous aimez la littérature romantique, ce livre en est l'un de ses chefs-d'oeuvre.
Commenter  J’apprécie          90
Comme la majorité des francophones, j'ai rencontré Jacobsen et son roman, Niels Lyhne, grâce à R. M. Rilke qui conseille cette lecture à un jeune poète qui s'interroge sur ses aspirations littéraires. Car le jeune Niels est un poète, bercé dès le biberon par les récits merveilleux d'une mère angoissée par le prosaïsme austère de la réalité. Mais cet idéaliste ne parvient pas à passer le difficile cap de l'accomplissement créatif. Jamais satisfait de son travail, glissant peu à peu dans la solitude, Niels est constamment confronté aux inadéquations de ses désirs avec le réel.
Prolongeant la veine romantique, le style de Jacobsen est prolifique et chatoyant, tellement empreint de grandiloquence lyrique qu'il frôle parfois le cliché.
Commenter  J’apprécie          90
J'ai découvert l'existence du roman Niels Lyhne dans l'Art de la joie (ô merveille), et j'ai immédiatement eu le désir ardent de le lire en apprenant qu'il était le livre de chevet de son héroïne Modesta : « Tu as encore Niels Lyhne ? — Bien sûr, je le garde toujours sur ma table de nuit. — Moi aussi, à la place de la Bible de grand-mère Valentina. ».

Désir devenu nécessité suite à la lecture de l'éloge qu'en fait Rainer Maria Rilke sur la 4ème de couverture : « de tous mes livres peu me sont indispensables : deux sont toujours parmi les choses à ma portée, où que je sois […] Ce sont : la Bible et les livres du poète danois Jens Peter Jacobsen ».

Vous imaginez les attentes qui étaient les miennes. La comparaison renouvelée de Niels Lyhne avec un livre saint laissait présager qu'il était un absolu de sagesse et de littérature.

Ces attentes ont été déçues pendant les deux premiers tiers de ma lecture. J'ai trouvé cette trop longue phase d'installation du récit indigeste. le développement de la psychique de Niels, de sa compréhension du monde et de ses relations de tout ordre sont éclipsées par des descriptions trop nombreuses et par une plume ampoulée. Il est toujours difficile d'évaluer le rôle de la traduction là-dedans. Néanmoins, j'ai eu le sentiment qu'on tentait de nous convaincre de la soi-disant nature poétique de notre héros par un style exagérément recherché plutôt que par les impressions singulières qu'il pourrait tirer du monde qui l'entoure.

Il faut aussi reconnaitre que je n'étais personnellement pas dans les meilleures dispositions mentales pendant cette première grosse moitié de lecture. Cette réflexion m'est venue en refermant le livre et en ayant l'impression d'une inexplicable inégalité entre la partie que je critique ici sans trop de nuances et une fin brillantissime de subtilité et de justesse. Je fais donc amende honorable par précaution.

J'avance donc péniblement dans Niels Lyhne, sans bien me figurer comment nous pourrions basculer dans une oeuvre qui nous aspire, fige notre cou dans une posture courbée, et fait courir nos yeux sur les pages et les aiguilles sur nos montres.

Et comme si seule une rupture pouvait ressusciter ce roman, c'est finalement une ellipse qui lance réellement cet ouvrage. Tout se décante au chapitre 11 qui fait suite à ce saut dans le temps, grâce à la progression induite dans le récit, mais surtout grâce au retournement des priorités littéraires. La lourdeur des tournures cède la place à la profondeur des réflexions, la plume reprend son rôle et s'asservit au fond. Et nous, lecteurs, pouvons admirer la finesse avec laquelle sont traités les changements traversés par les personnages: les inévitables désillusions qu'engendre l'Amour, l'expérience qui rétrécit les idéaux et les espérances, et avec cela l'angoisse face au temps qui passe.

Ces ellipses successives me sont apparues comme un refus d'obstacle, celui d'être capable de décrire l'imperceptible évolution des sentiments et des personnalités à l'échelle de temps la plus fine. Cet art dans lequel Proust excelle.

Mais le dernier tiers demeure époustouflant, addictif, et m'a fait hésiter à mettre une meilleure note. La concurrence est cependant trop rude dans la catégorie des romans d'apprentissage pour céder à cette tentation. Rien ne dit que je ne changerai pas d'avis à la lumière d' une relecture future.

Finalement, peut-être que 250 pages ne suffisent pas pour un roman d'apprentissage. Et c'est un argument que je ne pensais jamais utiliser, moi qui ai un a priori négatif concernant tous les livres de plus de 800 pages (a priori parfois démenti, évidemment).

Je termine en soulignant que Niels Lyhne est un livre fait par les femmes que l'on y rencontre. La divine et inaccessible Edele, la séduisante et affranchie Mrs. Boye, l'évidence Fennimore pourtant si complexe, et Gerda en constante évolution, assoiffée de savoir et de sentiments, sont toutes à leur façon les personnes qui m'ont le plus marqué et inspiré. Et c'est peut être parce qu'elle se retrouvait un peu en chacune d'entre elles que Modesta les gardait toutes près de son lit.
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (290) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11137 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *}