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Il y a des livres dont le célèbre prescripteur reste indissociable de tout commentaire, critique ou analyse, au point de prendre une place exagérée au moment de s'en faire une image résumée ; les exemples ne manquent pas, se classant en deux groupes plus ou moins évidents : les véritables chef-d'oeuvres, et puis les autres… ceux pour qui le coup de projecteur revêt davantage des circonstances, du contexte historio-artistique du moment ; on citera par exemple pour la deuxième catégorie « Le complexe d'Icare » d'Erica Jong, dont certains pensent toujours qu'il a été écrit par Henry Miller, tant sa préface et la volonté de diffuser ce livre ont pris toute la place quand il s'agissait de le présenter — et que ce texte aujourd'hui n'intéresse plus grand monde, vu qu'il représentait un certain type de féminisme n'ayant plus vraiment cours aujourd'hui, et qu'il n'est simplement pas très bon — et puis il y a les autres…

Ces merveilles peu usitées, dont l'encombrante tutelle pourrait être levée, que l'éclat oblige à s'émanciper de cette parentèle accolée.
Ce texte n'a plus besoin de Rainer Maria Rilke pour exister.

Il est déjà passé par l'âge des dédaigneux modernes le trouvant désuet, passage quasi-obligé pour toute littérature ne sachant pas régler ses conflits générationnels, simple signe d'une progéniture obligée de cracher sur son ascendance pour exister… depuis la fin du 19ème siècle, il en a eu le temps… cycles d'oubli et de re-découverte…

Sa version la plus courante en est sa première traduction — sous-titrée « Entre la vie et le rêve » — par Madame Rémusat, datant de 1928 ; les éditions Stock l'ont même ré-éditée en 2003, alors que l'excellente maison toulousaine Ombres — aussi responsable de la publication du reste de son oeuvre — en a proposé une nouvelle version en 1998 par Sten Byelke et Sébastien Voirol.
Je ne saurais conseiller laquelle choisir… l'ayant seulement sous sa jaquette rose encadrée…

Il faut donc oublier cette dévorante présence du poète Rilke, dont le vibrant romantisme peut rapidement fatiguer… Celui de Jacobsen est nettement plus feutré, sans réelle recherche d'effets.
Un roman d'apprentissage de facture on ne peut plus orthodoxe, disposant d'un charme des plus naturels, accompagné de questionnements universels, dont de potentielles générations d'existentialistes, ou toutes autres créatures disposant de nombrils, ne réussiront pas à circonscrire.

Un possible jalon dans la vie d'un lecteur, alors qu'ils sont si nombreux…
Une vie toute entière racontée simplement, à la sensibilité bien tempérée.
En un mot, un classique, un vrai.
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Dans cette oeuvre, Niels Lyhne (Entre la vie et le rêve) publiée en 1880 et traduite par R.Rémusat, le poète et botaniste danois  Jens Peter Jacobsen (1847-1885) nous emporte dans une balade romantique en suivant le parcours chaotique de Niels Lyhne dans une société en train de s'ouvrir aux changements.
Un roman d'apprentissage d'une âme sensible.
Un chemin tout tracé avant-même sa naissance car puissamment pensé et rêvé par sa mère, Bartholine. « Pour elle, ses parents, ses frères et soeurs, les voisins, les amis, ne prononçaient jamais un mot digne d'attention, car leurs pensées ne s'élevaient pas au dessus de la terre qu'ils faisaient valoir, et leurs regards n'allaient pas au-delà de ce qui s'offrait à eux tout naturellement. Mais les vers !… Ils étaient pleins de pensées nouvelles et d'enseignements profonds, montrant la vie telle qu'elle se déroule sur la vaste scène du monde, où la douleur et la joie sont intenses ; ils suscitaient des images parmi les rimes qui ruisselaient comme des perles. »
Se considérant comme un être à part, elle se laisse séduire par le jeune Lyhne de Lonborg dans lequel elle reconnaît celui qui pourra répondre à ses aspirations et s'éprend de lui : de cette union naît Niels.
Une enfance choyée sur le domaine de Lonborg mais déchirée entre l'amour paternel et maternel car depuis que le couple se désagrège Niels reste le seul lien entre ses parents.
Bercé jusqu'aux portes de son adolescence par les récits, la poésie et l'imagination fertile de sa mère, Niels est formaté pour devenir un homme au destin exceptionnel, un héros ; lui se rêve poète.

Niels atteignant l'âge adulte, et ayant confirmé ses aptitudes et ses appétences littéraires, va découvrir et affronter la réalité avec son cortège de joies et de peines.
Nous le suivons étudiant à Copenhague évoluant au milieu des artistes et de l'avant-garde intélectuelle .
Pour l'accompagner, son ami d'enfance de la ferme voisine, Frithjof , et depuis l'adolescence, Erik
Refstrup, recueilli et adopté sur le domaine de Lonborg, futur artiste, avec lequel il tisse une indéfectible amitié.
Comme un preux chevalier, il part en quête de l'amour qu'il aura du mal à trouver.
« Il aimait. Il se dit à voix haute qu'il aimait. Il le dit bien des fois. Ces paroles avaient comme une dignité, une noblesse, et leur signification était grande. Il n'était plus soumis aux influences diverses de ses chimères d'enfant, il n'était plus le jouet de désirs sans but, de vagues rêveries : il s'était échappé de la forêt fantastique qui avait grandi autour de lui, où cent bras l'avaient tenu captif, où cent mains s'étaient posées sur ses yeux pour l'aveugler. Il avait secoué ce joug, il s'était retrouvé, reconquis. »

Ainsi au gré du temps qui passe, de la vie qui s'effeuille, nous allons subir ses déceptions, ses désillusions, ses deuils, ses peines mais aussi être témoins de ses joies, de ses extases même si ces dernières sont beaucoup moins fréquentes .
Après la découverte de Copenhague, où il étudie, il découvre l'Europe , toujours sur les traces d'hommes mémorables ou d 'artistes, à Clarens en Savoie sur les pas de Rousseau pour la dernière retraite de sa mère, en Italie à Riva au bord du lac de Garde.
Au fil des années, après les désenchantements, les ruptures, les séparations, sa quête d'amour et de l'âme soeur reste inabouti. Toujours épris d'absolu et enfermé dans ses rêves, il souffre de la solitude et la ressent comme un isolement et un abandon.
Un destin qui ne sera pas à la hauteur de celui que sa mère attendait.
Une mort héroïque pourra-elle racheter sa vie ?

Une balade dans l' univers romanesque et romantique de Jens Peter Jacobsen entrecoupée et illustrée par de magnifiques visions et descriptions de la nature où l'on sent l'oeil averti du botaniste.
Cette immersion dans le 19ème siècle nous rappelle sans cesse les conditions de vie difficiles de tout être humain à cette époque: tout le long du récit des jeunes gens succombent dans la fleur de l'âge aux maladies (Jens Peter Jacobsen, phtisique, mourra à 38 ans), une jeunesse encore enchaînée arrive peu à peu où partiellement à se libérer des conventions bourgeoises et religieuses…

Une découverte et une très agréable lecture. Un style limpide et empli de poésie.

« Ce petit livre est de cette lignée de grandes oeuvres ; je voudrais qu'on le lut comme on les lit . C'est l'histoire des âmes trop grandes pour leur vie ; des âmes trop spiritualisées pour le monde où elles ont vécu et pour les amours dont elles ont souffert ; des âmes obscures et profondes que la destinée à enfermées dans un cycle de malheurs moyens. Certains êtres ont donné toute leur foi à ce désir éperdu de beauté qui vaut seul que l'on vive, mais ce désir, brutalisé par les circonstances, ne peut s'épanouir que dans le renoncement aux satisfactions terrestres et dans la création d'un songe plus beau qu'elles. » Extrait de l'avant-propos de Edmond Jaloux 28 mai 1928
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Rilke n'a pas connu Babelio, n'empêche, lui aussi aimait bien conseiller des livres oubliés ou obscurs à ses connaissances. Et à lire les lignes élogieuses qu'il consacre, dans ses lettres à un jeune poète, à un certain Jens Peter Jacobsen, j'ai eu envie d'aller y voir de plus près. Bien m'en a pris !

"Niels Lyhne" raconte la vie brève d'un danois fin de siècle, un jeune idéaliste romantique par sa mère, progressiste par son père, désireux de se lancer dans la carrière littéraire, et qui n'arrive à rien. Une histoire simple, qui pourrait même donner lieu au plus ennuyeux des romans, si n'était le regard d'une justesse et d'une tendresse incroyables que Jacobsen porte sur ses personnages. Souvent les poètes sont un peu étourdis, les psychologues sont par trop précis, mais imaginez un peu quand le miracle se produit et que soudain un auteur parvient à mêler en lui les deux natures.

Ici chaque phrase, en plus de faire preuve d'une intelligence acérée sur la nature humaine, semble extraite d'un long poème en prose, tant les images sont belles, les comparaisons émouvantes, les métaphores sensibles. Avec une grâce rare, Jacobsen peint le portrait d'un homme repu de rêve et qui ne connait que la déception, d'une génération qui à force d'idéal passe à côté de la vie, d'une humanité qui voudrait jouer au Grand mais n'est qu'un enfant abandonné et fragile. Douces et banales tragédies. En attendant que les choses changent, semble soupirer Jacobsen, faisons de notre malheur une chance, et profitons de la fugacité des choses, puisque la beauté n'est belle que de ne pouvoir durer.
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Niels Lyhne est un roman d'apprentissage dans lequel le personnage tente de donner un sens à sa vie, tout en s'affranchissant de la foi de ses ancêtres – il célèbre la nature sans pour autant y voir la manifestation d'une providence, comme si l'homme était constamment confronté à des forces contraires et arbitraires – des rêves et des illusions qui consolent. A l'amour et l'amitié se succèdent souvent les drames et les déceptions, le sentiment d'une solitude infinie. le style de Jacobsen est plein de délicatesse et de sensualité mais aussi marqué par une profonde mélancolie et une vision tragique. Il orne son intrigue de réflexions pénétrantes qui donnent à son récit une dimension philosophique et poétique autant que romanesque. Et l'émotion, à chaque page, affleure, en sorte qu'il est difficile de ne pas en être bouleversé.
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Fabuleux ! pour ce livre je donnerais tout Flaubert. Ecriture limpide, sans effets de style (c'est une traduction de Mme R. REMUSAT).

Ce roman traite, à travers les différents points de vue incarnés par les personnages, des rapports de la poésie et de la réalité, et finalement, en filigrane, des rapports de la poésie et de Dieu.

Niels Lyhme, le héros de JACOBSEN est poète dans l'âme. Niels Lyhme est athée aussi, mais d'un athéisme ni borné, ni ricanant : c'est un athéisme qui est une quasi-croyance et qui s'accompagne d'une vision poétique du sens de la vie, de la nature, de la souffrance, de l'amour et de la mort. Et du don de soi.

Après lui avoir fait perdre successivement sa femme et son enfant, Jacobsen écrit de Niels : "Il avait abandonné son drapeau. En effet, ces grands mots, athéisme et sainte cause de la vérité, n'étaient que des mots pompeux décernés à cette chose si simple : accepter la vie comme elle est avec ses inéluctables lois."

En faisant un saut au-dessus de l'abîme, j'oserai pour ma part, ajouter que la vie avec ses inexorables lois sont un attribut divin car la Nature selon Spinoza, c'est Dieu.

Spinoziste, JACOBSEN ? Peut-être.

Niels a abandonné toute revendication non religieuse (son athéisme est une croyance) en même temps que ses prétentions à devenir poète : à son insu, il s'est fait caisse à résonance pour autrui et lui-même, sa vie est devenue poésie comme son athéisme est devenu foi.

Niels a aimé, beaucoup.

Niels Lyhme est une grande oeuvre, le livre préféré de Rilke.
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Je viens de terminer la lecture de ce classique de la littérature danoise : Niels Lyhne de Jens Peter Jacobsen.
C'est indubitablement un livre remarquable et je regrette de ne pas l'avoir apprécié à sa juste valeur. Je l'ai lu dans une période d'activités et de voyages et ce n'est assurément pas un livre qu'on emporte avec soi pour le lire après une journée de randonnée. Ni une lecture de plage.
Mais ce classique du romantisme où le héros s'initie à la vie et en cherche le sens dans l'amour, l'amitié, l'art, la nature et la famille est écrit tout en poésie et en profondeur.

Un extrait :
"- Il n'y a pas de Dieu, et l'homme est son prophète, dit Niels avec amertume et tristesse.
- Oui, n'est-ce pas ? dit Hjerrild railleusement ; puis, après un silence : l'athéisme est cependant terriblement insipide et, à la fin du compte, son but n'est qu'une humanité sans illusion. La foi en un Dieu qui gouverne et qui juge, voilà la dernière des grandes illusions de l'humanité, et quand cette illusion aura disparu, que restera-t-il ? Ah !oui, je sais, elle sera devenue plus raisonnable ! En sera-t-elle pour cela plus riche et plus heureuse ? Je ne le pense pas.
- Mais, s'écria Niels Lyhne, ne comprenez-vous donc pas que le jour où l'humanité pourra librement triompher, Dieu n'existant plus, ce jour-là verra naître, comme par enchantement, un ciel nouveau et une terre nouvelle ? Alors, seulement, le ciel deviendra l'espace libre et infini, à la place de cette menace sur nos têtes ! La terre enfin nous appartiendra, comme nous appartiendrons à la terre lorsque l'autre monde obscur de béatitude ou de tourments aura éclaté comme une bulle ! La terre sera notre véritable patrie, le pays réel de notre coeur, où nous ne serons plus des étrangers invités pour quelques misérables années ; l'Eternité nous appartiendra. Quelle intensité prendra la vie qui, en elle-même, contiendra tout sans rien espérer d'extérieur à elle ! L'immense courant d'amour qui monte maintenant vers le Dieu, objet de nos croyances, se répandra sur la terre lorsque le ciel ne sera plus qu'un désert ; ce courant s'épanchera amoureusement sur toutes les vertus et les qualités humaines dont nous avons orné la divinité pour la rendre digne de notre amour : bonté, justice, sagesse ! qui pourra les énumérer toutes ? Ne comprenez-vous pas toute la noblesse dont sera revêtue l'humanité, lorsque, libre, elle pourra vivre sa vie et mourir sa mort sans crainte d'enfer ou espoir de ciel ? Elle ne redoutera plus qu'elle-même et en elle seule elle mettra ses espérances."


Si vous aimez la littérature romantique, ce livre en est l'un de ses chefs-d'oeuvre.
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Comme la majorité des francophones, j'ai rencontré Jacobsen et son roman, Niels Lyhne, grâce à R. M. Rilke qui conseille cette lecture à un jeune poète qui s'interroge sur ses aspirations littéraires. Car le jeune Niels est un poète, bercé dès le biberon par les récits merveilleux d'une mère angoissée par le prosaïsme austère de la réalité. Mais cet idéaliste ne parvient pas à passer le difficile cap de l'accomplissement créatif. Jamais satisfait de son travail, glissant peu à peu dans la solitude, Niels est constamment confronté aux inadéquations de ses désirs avec le réel.
Prolongeant la veine romantique, le style de Jacobsen est prolifique et chatoyant, tellement empreint de grandiloquence lyrique qu'il frôle parfois le cliché.
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Une belle prose poétique. le parcours d'un jeune homme qui est le miroir du poéte qui est en chacun de nous. Une réflexion délicate et poétique sur la vie, l'amour la mort et Dieu. C'est un livre que je relirai plusieurs fois avec autant de plaisir esthétique qu' existentiel.
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Niels Lyhne est un jalon important dans la littérature danoise du XIXè siècle, parfaitement ancré dans ce qu'on appelle la "percée moderne" initiée par Georg Brandes, même si, semble-t-il, ce dernier n'a pas apprécié le roman. On suit le parcours d'un homme, une sorte de rêveur pourrait-on dire à première vue, mais porté par un désir de vivre, et qui ne s'accommode pas de la platitude de la vie quotidienne. Elevé par une mère férue de poésie, mais coincée dans une petite ville jutlandaise, Niels vise toujours plus haut, plus beau, mais sans se mentir. Pour lui, l'humanité se leurre en s'inventant des dieux qui ne sont là que pour la rassurer, en vain. A Niels sera refusé tout bonheur : les amours lui glisseront entre les mains, sa carrière de poète ne dépassera pas le stade du projet, et ses amitiés seront trahies. Il est difficile de ne pas faire le rapprochement entre le personnage et l'auteur, chantre du darwinisme et de l'athéisme dans un Danemark encore empreint de protestantisme luthérien. En relisant ce texte que j'avais lu la première fois il y a25 ans, j'ai été surpris d'y découvrir quelques considérations sur la statut de la femme, construction sociale artificielle voulue par l'homme, sorte d'idéal inatteignable, voulu pour être figé, et dont je ne me rappelais pas. Un texte à découvrir.
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Très grand livre découvert également par les lettres à un jeune poète de Rilke.
Et le moins qu'on puisse dire c'est que je n'ai pas été déçu. Histoire d'un jeune danois pas croyant et qui aura bien des désagréments en amour ayant du mal à marier ses ambitions avec les destins des femmes rencontrées.
C'est très bien écrit et traduit et je le conseille fortement.
Lecture très forte avec des personnages bien construits et profonds.
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