Dans sa préface «
Les Liaisons dangereuses »,
Pierre Choderlos de Laclos écrivait ceci : « Il me semble que c'est rendre un service aux moeurs que de dévoiler les moyens qu'emploient ceux qui en ont de mauvaises pour corrompre ceux qui en ont de bonnes. » (phrase également citée par
Emad JARAR en préambule de son chapitre 3 tome I).
Quelle longue et belle « Nuit à Aden », j'ai presque envie de dire, tellement la lecture de ce récit m'est apparue savoureuse et dense. Un roman fractionné en deux tomes, où tout contribue à faire monter l'émotion. L'auteur nous raconte la jeunesse d'un palestinien qui, par le biais d'une histoire d'amour hors du commun, atteint la découverte de lui-même, le sommet de son être et de sa conscience. le thème de l'Islam et du Christianisme y sont largement évoqués, c'est aussi le but. Une lecture fascinante et riche où tout se mêle : l'histoire d'un jeune homme, quelques citations bien à propos de la pensée arabophone, des extraits choisis du Coran, de la Suna et évidemment de très beaux proverbes des Hadiths. Cette lecture nous fait transpirer, nous attire, croyez-moi. N'est-ce pas derrière toute addiction que quelque-chose de fort se construit et se mesure ? Ici, ça va bien au-delà du simple plaisir de lire ; nous entrons dans le « royaume » de la rareté et de l'appétit, du questionnement : et si cette fameuse « Nuit à Aden » désignait l'image forte de la possibilité d'une complémentarité harmonieuse entre deux religions monothéistes ?
Rares sont les livres qui nous font tant voyager. Nous voilà partis à parcourir le monde avec Emad. On le suit partout : à New-York, au Caire, à Djibouti, à Paris, à Moscou ; il nous fait connaître ses amours, ses nuits de doutes, ses peurs, tout ce qui relève des émotions, de l'intime et fait trembler la vie. Et là, une phrase d'Ibn Rohd qu'il me faut citer ici impérativement : « L'ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine mène à la violence ». Une phrase que plus personne ne lit et qui, pourtant, résume le tableau de ce que malheureusement les peuples vivent aux quatre coins de la planète.
Mais qui est Emad ? Emad est l'enfant né d'un amour entre un père musulman et une mère chrétienne. Et comme chacun le sait, l'enfant est musulman dès son premier cri, comme l'édictent les lois coraniques. Il ira aussi au catéchisme comme le désire sa mère, et de ce fait, sera bercé dans deux religions. Tout cela est bien, mais quelques questions vont commencer à émerger de la tête du très jeune Emad : « jusqu'où cette double éducation religieuse va-t-elle (peut-elle) me mener ? Quelle sera sa place dans ma vie en société ? » Certes, il y a beaucoup de points communs entre l'Islam et le Christianisme, toutes deux religions dites « sémitiques », puisque leur prophètes respectifs vivaient dans les mêmes terres du Moyen-Orient. Il faut quand même noter, entre parenthèses, que s'il existe des notions de pacte avec Dieu au niveau de l'Islam , aucun des accords ne recouvre la même notion d'Alliance avec les hommes, et le Souverain est vertical, alors que l'Alliance biblique introduit un lien purement horizontal entre Dieu et les hommes, et c'est de ce fait que nous retrouvons ces aménagements d'écriture dans la Bible entre Ancien et Nouveau Testament. Mais n'entrons pas dans ces détails ici, nous friserions le hors propos par rapport à l'histoire dont il est question. Peut-être aurais-je aimé voir ressortir encore plus souvent, c'est-à-dire sans modération, quelques autres préceptes d'Averroès, ce géant de la pensée musulmane. Suis-je trop exigeant ? Certes, même si ce philosophe ne sort pas de ce qu'on peut appeler le champ de la foi, notons qu'il sait libérer tant d'ondes positives, conférant par le biais de sa pensée une dynamique propre et légitime dans tout ce que concerne la recherche de la vérité. Et Dieu sait à quel point le sujet a pu passionner Emad. Toute pensée libre a une dette à l'égard d'Averroès, je crois. Refermons la parenthèse.
Je garderai de cette lecture (ouvrage composé de deux tomes) le souvenir d'une très belle histoire, parfois pathétique, où l'on sent la profondeur d'une analyse si bien argumentée, structurée de la part de l'auteur. Quelle place la religion doit-elle occuper dans notre société ? Pensez-vous qu'
Emad JARAR ait pu répondre ? Pour le savoir, je ne saurai que vous conseiller la lecture de son ouvrage paru en deux tomes.