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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La Guerre d'Algérie de Max et Leila

Avec la plume malicieuse qui avait fait le succès de Pleurer des rivières, Alain Jaspard raconte la Guerre d'Algérie. Vu par les yeux de Max, un jeune appelé, il va révéler toute l'absurdité et le tragique de ce conflit.

Après nous avoir régalés avec Pleurer des rivières, un premier roman qui imaginait un couple de gitans échangeant un enfant contre un camion, Alain Jaspard poursuit son oeuvre avec le même style corrosif en revenant sur une période peu glorieuse de notre Histoire, la Guerre d'Algérie (qu'il ne fallait surtout pas appeler comme cela, les pudeurs de l'État-major préférant le terme d'événements ou d'incidents).
J'imagine que le titre, qui s'applique très bien au personnage de Max – le principal protagoniste – souligne combien les hommes appelés pour l'occasion étaient jeunes et inexpérimentés, combien ces bleus étaient verts.
Car le jour où Max embarque pour rejoindre son affectation, il sait juste qu'il n'a aucune envie de suivre son père au fond de la mine. Comme sa soeur Marisa qui avait «décidé de faire instit», il avait choisi de se rebeller et d'oublier le chemin tout tracé. Alors, il imagine que le bateau sur lequel il monte est un symbole de liberté. Il va vite déchanter. Déjà la traversée sur une mer houleuse va lui donner une petite idée de ce qui l'attend. Les bleus vont là aussi devenirs verts, et vomir leurs tripes par-dessus le bastingage. Une fois débarqué, il est conduit à Cherchell. «Bouffé par les moustiques, les yeux battus par une nuit sans sommeil, traînant derrière lui des relents de vomi, de diesel, de vieille sueur. On l'envoya à la douche.»
Par la suite, son affectation va ressembler au Désert des Tartares de Dino Buzzati. Surveiller un territoire où il ne se passe rien, attendre une attaque qui devient de plus en plus improbable à mesure que les jours passent. «C'est pas Dieu permis de s'emmerder à ce point! Max, sorti aspirant de l'école d'officier, est chef d'une section de vingt chasseurs alpins enfermés dans une tour de parpaings à surveiller la frontière de l'empire colonial en cours d'effondrement. Sur les marches de l'est, face à la Tunisie, il ne se passe rien.»
Pour passer le temps, on invente des jeux idiots, on boit, on se masturbe, on patrouille. Quelquefois, on sympathise avec les autochtones. C'est dans ces circonstances que Max va croiser le regard de Leila et qu'ils vont tomber amoureux. Dans ses bras, il oublie sa fiancée restée dans le Forez. Mieux, il nage dans le bonheur. Mais leur amour survivra-t-il à la guerre? Tous deux veulent le croire et élaborent des projets quand ce foutu conflit prendra fin.
En mêlant l'intime à l'Histoire, Alain Jaspard réussit un roman prenant. On tremble, on s'émeut, on enrage et on s'indigne avec ces personnages qui tentent de se construire un avenir au coeur de circonstances de plus en plus dramatiques, d'enjeux qui les dépassent, d'attentats qui se multiplient et de faits moins glorieux les uns que les autres. Et quand arrive le moment de choisir pour l'Algérie indépendante ou pour la France, le lecteur comprend le poids des décisions, la peine et la souffrance qui accompagnent les choix des uns et des autres. Sans oublier le chaos logistique qui va remettre en cause le choix de Max et Leila de traverser la Méditerranée.
Sans prendre parti, le romancier nous donne à comprendre les enjeux de cet épisode peu glorieux. Il nous laisse deviner combien les positions des uns et des autres ont pu causer de déchirements, y compris au sein d'une même famille. Des plaies qui ne sont pas toutes refermées et sur lesquelles Alain Jaspard pose un regard plein d'humanité.


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Après "Pleurer les rivières" j'étais curieux de découvrir le nouveau roman d'Alain Jaspard, Les bleus étaient verts.
Il n'est pas question ici des séquelles laissées par quelques gnons sur un visage tuméfié, mais d'un épisode vécu par les jeunes troufions envoyés rétablir l'ordre en Algérie.
1961, le conflit franco-algérien tire à sa fin.
Max, qui ne voulait surtout pas descendre au fond de la mine comme son père ou son frère a choisi de s'engager.
Il a 20 ans et comme les jeunes hommes de son âge c'est la guerre d'Algérie qui l'attend.
L'histoire de Max, Ali, Monique, Leïla, entre autres, de leur vie, de leurs aventures, de leurs joies et leurs peines, de leurs peurs, de leurs amours, des horreurs qu'ils ont vécues, c'est au comptoir chez Jef qu'elle se raconte. Entre deux bières, deux canons de rouge ou de verres de calva, c'est tour à tour Max, lui-même ou Ali qui se confie à l'oreille amicale du patron de bistrot.
Des années 50 aux années 2000, Jaspard nous entraîne dans les pas de ce soldat. D'où il vient, vers quel futur il voudrait aller et les obstacles que la vie dresse devant lui.
Une guerre, peut-il y avoir pire obstacle ?
C'est aussi l'histoire d'une fracture.
L'histoire d'un peuple qui réclame sa liberté, qui se bat pour elle.
C'est l'histoire des Pieds-noirs, des harkis, de ces colons qui du jour au lendemain se retrouvent sans patrie. D'un pays qui n'en veut plus et d'un autre qui n'en veut pas, d'un pays qu'ils doivent fuir ou dans lequel ils vont mourir, souvent dans une sauvagerie sans nom.
Max est acteur, Max est spectateur. Max survivra et rentrera en France, pour une vie différente, mais n'oubliera jamais.
Un roman coup de poing qui n'en fait pas trop.
Parce que l'auteur nous le propose comme une conversation de comptoir, comme les souvenirs qu'on égrène quand l'alcool nous grise, nous libérant de toute pudeur et de toute retenue.
On alterne les moments forts et les moments de tendresse. C'est la violence du conflit, c'est la chaleur et la sueur, c'est l'érotisme des corps qu'on caresse, c'est parfois un trait d'humour qui vient alléger le récit.
Un roman réussi de cette rentrée littéraire.

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La guerre d'Algérie est un épisode de l'Histoire de France souvent passé sous silence. Les grandes lignes et les pires exactions, nous les connaissons tous, mais le détail reste flou, bien peu sont ceux qui peuvent, et qui veulent, le raconter. Dans Les Bleus étaient verts, Alain Jaspard brise le tabou et nous parle, avec humour et dérision, des dernières années de cette « opération de maintien de l'ordre » qui a si mal tourné. A travers le personnage de Max, fils de mineur de Saint-Etienne rêvant d'ailleurs, il revient sur ces jeunes hommes envoyés contre leur gré dans ce pays déchiré où la guerre est déjà perdue d'avance, et où l'oisiveté est finalement le pire des maux.

Variant les points de vue, Alain Jaspard raconte une époque, celle du début des années 1960, une France ankylosée dans des traditions d'un autre âge, des jeunes assoiffés de liberté et de changement, une Algérie fière à l'avenir tout tracé de république communiste. L'absurdité déborde de ces quelques pages de romans : absurdité d'une guerre gagnée sur le terrain mais perdue politique, absurdité des massacres de part et d'autre quand les hommes s'apprécient, sans distinction de nationalité ou de religion, absurdité de l'amour qui fleurit là où on ne l'attend pas, absurdité des magouilles familiales pour marier les filles aux prestigieux soldats qui n'ont jamais combattu qui que ce soit, absurdité d'un monde qui ne sait pas encore exister sans la guerre.

Ce livre m'a appris énormément sur la guerre d'Algérie, sur la réalité vécue par les soldats sur place, ces hommes qu'on prenait pour de la chair à canon mais qui n'en avaient pas moins des rêves de grandeur, des fiancées restées au pays et des sentiments mitigés pour leurs ennemis, tant qu'ils le restèrent. J'ai énormément ri à la lecture, contre toute attente, retrouvant dans Les Bleus étaient verts un peu de cet humour de la 7ème compagnie que j'avais adoré, enfant. Instructif, drôle, mais aussi touchant, c'est un roman atypique qui participe à rétablir la vérité sur une époque historique trop souvent réécrite et méconnue.
Lien : https://theunamedbookshelf.c..
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Saint Étienne dans les années 60. Max est fiancé à la belle Monika, enfin Monique, mais avouez que ça fait plus sexy et moderne avec un a. la belle n'est pas farouche mais n'a pas encore consenti à offrir son corps, pas avant le mariage. Qu'importe, Max part au front avec dans le coeur de jolies perspectives. Et ces deux années en Algérie sont un excellent moyen d'échapper au sort qui l'attend, descendre à la mine comme son père avant lui, comme tous les jeunes autour de lui. Pas bien gai comme perspective la silicose dans les poumons et le cancer avant 50 ans.

Algérie, 1961. Si l'Algérie est colonie française depuis 1830 environ, les années soixante sont davantage synonyme de conflit armé et de décolonisation. Aussi quand Max embarque pour Alger, les espoirs de soleil et de mer sont assombris par les conflits, FLN et ALN, ne sont pas des mots en l'air. Il va s'en rendre compte par lui-même, lui qui est parti là-bas pour une opération de maintien de l'ordre. Même si finalement son poste à la frontière algéro-tunisienne dans le 11e bataillon des chasseurs alpins est relativement privilégié. Là, il va rencontrer la belle Leila et succomber au charme de celle qu'il nomme sa sorcière.

La fin de cette guerre commencée en 1954 est proche, mais les risques sont réels pour ces jeunes hommes, personne n'en sortira intact, aucun n'osera en parler plus tard. C'est toujours moche la guerre, et celle-là n'a vraiment rien de glorieux. Les conditions du référendum de 1962, le sort des harkis abandonnés par la France, la débandade des pieds noirs qui partent les mains vides de ce pays où souvent ils sont nés, les exactions, la torture, des centaines de milliers de morts des deux côtés, sont évoqués, en toile de fond de ce roman.

Le récit alterne deux grandes époques, de 1961/62 à 2016/2020, et les voix de plusieurs protagonistes, Max, Monica, Ali, pour ne citer qu'eux. On entre dans le coeur et la tête de ces jeunes, français ou arabe, partagés entre l'amitié et l'amour du pays, la foi en l'homme et l'envie d'aimer, de vivre, de partager, de donner et de recevoir.

Le ton est mordant, ironique, jamais voyeur ni polémique pour évoquer ces situations souvent à la limite de l'absurde. Les paysages, couleurs, saveurs, odeurs, servent de décors aux scènes, violence, douceur, tendresse, amour, guerre, espoir, la mine, la mer, le bled, tout y est, transpire, s'efface, crépite, comme dans un film. C'est, il me semble, une des grandes qualités d'écriture d'Alain Jaspard, cette propension à nous faire vivre dans un décor que l'on s'approprie grâce à ses mots.

lire la chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2020/10/08/les-bleus-etaient-verts-alain-jaspard/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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J'ai pris beaucoup de plaisir à suivre Max qui en fait d'aventure se retrouve en arque sur un bateau direction l'Algérie
Max va tombe amoureux de ce pays et surtout de la jolie Leila
Mon père ayant été deux en a en Algérie et ne nous ayant jamais raconté cette époque de vie , j,ai eu un peu l'impression de le revoir Et j'ai mieux compris je pense les tenants et les aboutissants de ce conflit
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Max ,fils et frère de mineurs de fond est enrôlé pour l'Algérie. Il laisse derrière lui sa fiancée Monika .
Ce récit alternativement nous transporte en Algérie durant le conflit, en France de nos jours dans le bistrot d'un ami de Max, et nous fait lire le journal intime de la Monika ( la fiancée restée en France.)
En Algérie, Max tombe amoureux de Leïla qui disparait la veille du jour où il doit lui faire quitter l'Algérie .Il ne la retrouvera pas et de retour en France, épousera Monika, mais n'oubliera jamais Leïla.
60 ans plus tard dans le bistrot, on entend la confidence qu'Ali se décide à faire, à son ami Max, rompant ainsi une promesse faite à Leïla 60 ans auparavant .
Ce récit, tout en finesse, nous parle de cette vie ratée par un amour brisé et porte un regard très critique sur le conflit en Algérie.
Livre que je recommande aux hommes comme aux femmes qui s'intéressent à ce moment de notre histoire
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« Ça a débuté comme ça. Moi, j'avais jamais rien dit. Rien. »

Je voulais absolument commencer cette chronique par l'incipit de Voyage au bout de la nuit de Céline. Pour plusieurs raisons, le roman d'Alain Jaspard, Les bleus étaient verts, paru avant-hier aux éditions Héloïse d'Ormesson, se rattache à ce roman célinien.

Ce roman est celui d'une génération. Celle qui en a assez des histoires de guerre de leurs pères et de leurs grands-pères, mais qui aimerait quand même avoir des trucs à raconter aux petits-enfants. Celle qui garde en tête les règles de la bienséance des parents mais qui a au coeur l'envie de se libérer de toutes les entraves. Celle qui ne voit plus en de Gaulle le bienfaiteur de la France, celle qui ne sait pas trop ce qu'elle pense de la situation en Algérie.

Max, grand dadais qui ne sait pas ce qu'il veut faire de sa vie, à part faire l'amour à la pulpeuse Monique et ne jamais travailler à la mine, est affecté en Algérie à la fin du conflit. Une fois sur place, c'est l'incompréhension. L'armée française n'a rien de glorieux, le conflit n'a rien de glorieux non plus. Les hommes s'ennuient, essaient de ne pas trop souffrir de la chaleur, de chasser pour se nourrir correctement et de s'intégrer auprès d'une population qui, elle-même, ne sait pas trop ce qu'elle veut.

L'affaire se corse, on ne le sait que trop, encore davantage quand le conflit est censé s'arrêter et là, c'est la débandade. Plus personne ne sait quoi faire.

De cette vérité historique ressort un rythme original. J'ai eu un peu de difficulté à rentrer dans l'oeuvre en raison de cette lenteur de la première partie, servie par un langage souvent cru et une alternance de points de vue et d'époques. Ce langage, cette lenteur, cette impression d'absurdité m'ont donc fait penser à Céline, dont l'ouvrage connaît d'ailleurs un franc succès dans la jeunesse de l'époque.

Max découvre l'armée, en même temps qu'il découvre l'Algérie et qu'il découvre l'amour. Cela fait de ce récit un roman d'apprentissage. Celui de Max, mais aussi celui de Monika, amoureuse transie et déçue, et celui d'Ali, l'Arabe du quartier, communiste, devenu soldat du FLN. Ces histoires croisées tendent le fil d'une tragédie moderne : un empire colonial qui s'effondre, un général qui s'effondre, une jeunesse qui s'échauffe. Tous les événements, souvent incompris, sont relatés avec une pudeur que l'on pourrait confondre avec de la froideur s'ils n'étaient pas si graves humainement parlant.

En bref, Les bleus étaient verts est un roman qui m'a marquée par sa justesse et son ton incisif. Sur une thématique lourde et encore sensible, Alain Jaspard arrive à faire du neuf et touchant, sans devenir larmoyant. Une belle réussite !
Lien : https://livresque78.com/2020..
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