Citations sur J'aurais pu devenir millionnaire, j'ai choisi d'être va.. (150)
Pleurs, pompes funèbres, triste mine ; ça finit par être terrifiant. Avec tout ce bazar, il devient inconcevable de dire : je n'ai pas peur de mourir. Il n'y a rien de naturel dans la peur de la mort, elle est aussi belle que la vie, car tout n'est que divine harmonie.
La mort ne l'a jamais gêné, et il trouve qu'il n'y a pas de sujet sur lequel nos idées soient plus pitoyables et biscornues. On en fait trop avec la mort, alors qu'il suffit de regarder la nature, partout, et on verra son union fraternelle avec la vie.
En ces temps troublés, on pouvait vivre et mourir sur un hasard; Muir a la chance des inconscients, des naïfs magnifiques, il passe à travers tout.
Muir a cette capacité rare de toucher immédiatement, de rendre vivant le moindre mot qu'il écrit. C'est l'effet d'une grande sensibilité sans doute, mais surtout d'une grande liberté intérieure qui ne met pas d'obstacle à cette sensibilité, ni à son ressenti, ni à son expression.
J'imagine le vacarme des tempêtes d'hiver, le rugissement du vent, le fracas des vagues, je connais celles de Bretagne, mais ici, plus de mille kilomètres plus au nord, tout doit être plus grand, plus violent, et la nuit tombe plus tôt, alors on ne distingue plus le ciel de la mer, les vagues des nuages, tout n'est plus que maelstrom, fin du monde, cataclysme glacé et terrifiant dont on ne voit pas comment on s'en sortira.
Quand un séquoia tombe, son bois casse, forme des tronçons qui restent longtemps, car ce bois pourrit mal. Quand l'incendie vient, et il finit toujours par venir, le feu s'y introduit et le consume pendant des semaines, creusant lentement jusqu'à ce que les braises s'éteignent, et il reste pour des siècles ces grottes de bois à l'intérieur noirci où l'on peut loger.
Il allait dans ces forêts claires où le séquoia règne sans partage, et les arbres géants, plantés directement dans le ciel, semblaient dire : "Tout va bien pour nous, et nous comptons vivre éternellement." Les autres arbres, des conifères eux aussi, n'étaient pas des rivaux : ils servaient à meubler le paysage, ils étaient les écuyers des colosses de la forêt.
Le troupeau moutonnier qu'il a monté jusque-là lui semble insupportablement étranger à ces jardins, il y provoque des dégâts qui lui brisent le cœur. Mais les moutons sont là, il faut les soigner, les compter, se réjouir qu'ils soient tous là, et aller chercher ceux qui se perdent et n'osent pas rentrer par eux-mêmes tant ils sont paralysés de terreur dès que le gros du troupeau est hors de vue. Il n'a que mépris amusé pour la bêtise des moutons, incapables de liberté, préférant à toute autre chose rester à brouter les uns contre les autres. On les croirait vêtus de velcro, et construits avec la tête inclinée pour mieux brouter tout le temps, pour ne jamais rien voir d'autre que l'herbe qu'ils détruisent. Derrière eux ils laissent la terre nue sans même s'en rendre compte, et ils se déplacent lentement comme une monstrueuse chenille qui méthodiquement grignote le paysage. p.130
Rien de ce qui est véritablement sauvage n'est sale. Les carnivores n'ont pas une seule trace de sang sur leur pelage, les oiseaux gardent leurs plumes toujours éclatantes, les écureuils qui vivent dans les pins poisseux se nettoient soigneusement de toute trace de résine. Il n'est que l'homme qui soit sale.
Le monde a besoin des forêts.