Citations sur Sauver Mozart (64)
Mahler aimait beaucoup la musique de Bruckner. Il a dit de lui qu'il était " mi-simplet, mi-dieu". N'est-ce pas ainsi que les Allemands voient Hitler ?
Cette ingérence des nazis dans le programme du Festspiede est inadmissible. Révoltante. Faire du festival un vulgaire outil de propagande, un amusement troupier, c'est un comble. Prendre Mozart en otage. L'avilir ainsi. N'y a-t-il donc personne pour empêcher un tel outrage ?
J’ai rêvé de monter un orchestre. Avec les malades. Ça m’a fait rire. Tous ces squelettes en pyjama jouant du Schubert à l’entrée du réfectoire ! C’est trop cocasse.
J'aimerais bien rencontrer le père Noël, cette année. J'aurais deux mots à lui dire.
Il y a un nouvel arrivé. Phtisique à souhait. Il tousse beaucoup, la main posée en travers de la bouche, embarrassé. Il n'a pas encore l'habitude.
Je me souviens de mon premier jour. La maladie, passe encore. Mais se retrouver là, tout à coup, parmi ces moribonds. Au début, je les ai observés en spectateur, comme de loin. Encore aujourd'hui, j'évite leurs regards. Et puis, j'ai appris à ne plus faire attention à eux. Surtout ceux qui geignent, qui se plaignent. À respecter le règlement interne. Ou du moins en donner l'impression. À être toujours poli avec le docteur Müller. À obéir aux infirmières, dont le ton despotique est si déplaisant. À soudoyer le fils du concierge avec des bonbons. J'ai pris le pli sans que personne ne me le dise. Sans explications. À l'instinct.
Mais enfin, Le bourgeois gentilhomme ? Quel choix malheureux. Dangereux, dirais-je. Ce rustre qui se dandine avec des mimiques de grand seigneur, ce Monsieur Jourdain, imbu de lui-même, qui vocifère bien haut pour se donner des airs de tribun, n'est-ce pas un peu Hitler ?
Vendredi 26 juillet 1940
Mon voisin de salle m'a rapporté du papier à lettres. Il n'a pas trouvé mieux. Je m'applique pour que mon écriture soit lisible. J'ai déjà trois exemplaires prêts. IL m'en faut cinq dans l'espoir qu'une revue accepte mon article. Qui devrait faire sensation. C'est une lettre ouverte au gauleiter, bien que signée d'un faux nom, où je m'offusque du choix des morceaux du deuxième concert. De la musique youpine ! Du violon « klezmer » ! Et nos soldats qui l'entonnent en plein Mozarteum ! Quelle honte pour le festival, pour Salzbourg, pour le Reich tout entier. Si les Américains apprennent ça, ils crèveront de rire. De quoi monter une comédie musicale à Broadway ! Et pourquoi pas jouer du Mahler pendant qu'on y est. Et du Mendelssohn !
Jeudi 11 avril 1940
Visite de Hans. En pleins préparatifs du "Festspiele". Il a encore besoin d'un coup de main, pour la partie rédactionnelle. Les nouveaux officiers du service culturel sont pires que les anciens. Eux étaient des brutes ignares.Ceux-ci se croient raffinés. Avec leurs gants noirs et leur rasage de près.
Le prochain festival a des odeurs de cabaret à soldats. Hans est dépité. Il a mauvaise mine. Lui aussi se fournit au marché noir. Les épiceries sont vides. Il faut des tickets.
J'ai accepté. Pas pour Hans. Mais pour sauver Mozart, malgré tout.
"Je me suis retourné. Mussolini se tenait à la portière de son wagon, étendant le bras en l'air, comme s'il bénissait les hommes qui l'acclamaient. En face, de l'autre côté du quai, Hitler est apparu à son tour, sous les hurlements des "Heil", le vacarme des claquements de bottes, des canons de fusils portés à l'épaule. La fanfare, que j'avais complètement oubliée, a fait donner du cor et de la percussion. Bien appuyé pour le Duce. Encore beaucoup plus fort pour le Führer. C'était grotesque. Du battage. La mauvaise musique m'éraflait les tympans. Un boucan de foire. Comme dans ces cirques de province où l'on martèle les tambours à l'entrée des acrobates. Toute la solennité de l'événement s'est évanouie d'un seul coup. Et ma peur avec."
Le gauleiter lui a demandé de choisir personnellement deux trois morceaux pour la fanfare militaire du district, en vue d'un événement de la plus haute importance. Il n'en sait pas plus. Je lui ai suggéré quelques œuvres où les percussions dominent clairement et pour lesquelles le reste de l'interprétation n'exige pas de grande virtuosité, juste du rythme. Il ne les a pas trouvées assez solennelles. Trop faciles. A vrai dire, il ignore de quel genre de cérémonie il s'agit. C'est un secret. Le gauleiter lui a juste laissé entendre que des personnages très éminents y assisteront. Peut-être même le Führer. Une simple marche d'escadron ne suffit pas. Du Wagner, alors ?