Ce tome est le premier (et le seul) d'une nouvelle série consacrée à Angela. Il comprend les épisodes 1 à 6, ainsi que les couvertures variantes, initialement parus en 2015, coécrits par
Kieron Gillen et Marguerite Bennett. Chaque épisode est dessiné par
Phil Jimenez pour la séquence se déroulant dans le présent (15 pages), et par
Stéphanie Hans pour la séquence se déroulant dans le passé (5 pages). Jimenez est encré par
Tom Palmer pour les épisodes 1 & 2, puis par le Beau Underwood pour les épisodes 2 à 5, puis par
Scott Hanna pour les épisodes 5 & 6. La mise en couleurs est réalisée par Romula Fajardo Jr. pour les pages de Jimenez, par Stéhapnie Hans elle-même pour ses propres pages. C'est également elle qui réalise les magnifiques couvertures.
Angela progresse dans les limbes avec un nourrisson dans les bras. Elle atteint la ville d'Un-Town où elle exige de savoir ce qu'il est advenu de sa compagne Sera. Alors qu'elle s'apprête à débiter du gnome en rondelle, Sera fait son apparition et explique qu'elle vient de leur procurer un cheval. Angela lui confie le bébé alors qu'elle s'apprête à en découdre avec 6 revenants belliqueux qui étaient à ses trousses.
Pour répondre à une question que lui pose un gnome, Sera explique qui est Angela, comment elle l'a rencontrée, et quelles sont ses valeurs. Il se trouve qu'elles sont toutes les 2 poursuivies (3 avec le nourrisson) par d'autres personnes qui souhaitent le récupérer : Odinson (= Thor sans son marteau), Sif, Heimdal, Fandral, Volstagg et Hogun, et même Toothgnasher (à moins que ce ne soit Toothgrinder).
Angela est un personnage à l'histoire compliquée, d'abord apparue dans Spawn de
Todd McFarlane, dans l'épisode 9 écrit par
Neil Gaiman, en 1993 (voir Spawn Origins Book 1), puis rapatriée dans l'univers partagé Marvel en 2013 dans le crossover Age of Ultron, comme dénouement d'une longue lutte judiciaire entre
McFarlane et
Gaiman (mais c'est une autre histoire). Elle a bénéficié d'une rapide intégration dans les Gardiens de la Galaxie de
Brian Michael Bendis (dont elle est repartie tout aussi rapidement). Vient ensuite une minisérie clarifiant son origine et son positionnement dans la mythologie asgardienne, qu'il vaut mieux avoir lu avant : Original Sin: Thor & Loki: The Tenth Realm.
Le lecteur la découvre avançant difficilement dans les limbes, avec un bébé dans les bras, en plein milieu d'une histoire déjà commencée. Dans les 2 premiers épisodes,
Kieron Gillen et Marguerite Bennett font le nécessaire pour présenter les personnages, conserver l'attention du lecteur avec de l'action qui pète, les faire évoluer dans des lieux exotiques (différentes dimensions d'Asgard), et étoffer le contexte du récit pour mettre à jour les motivations des uns et des autres. Il en découle un récit au rythme rapide, dense tout en étant fluide, avec l'émergence du credo basique d'Angela "On n'a rien sans rien" (nothing for nothing), ou encore "Il faut payer ses dettes". Malgré tout le lecteur reste un peu en retrait pas forcément convaincu par la pertinence d'avoir rattaché Angela à Asgard, ou encore d'avoir conservé son costume si révélateur, si connoté années 1990.
Entrainé par une narration efficace et substantielle, le lecteur arrive à l'épisode 3 et découvre tout le savoir-faire des auteurs. Pour commencer, Angela acquiert une tenue moins aguicheuse, plus en phase avec son caractère d'assassin (c'est dans le titre), tournant ainsi la page sur ses origines de Bad Girl, à la sauce Image comics. Ensuite, l'adjonction artificielle d'un dixième royaume aux 9 originels d'Yggdrasil prend du sens grâce au savoir-faire de
Kieron Gillen.
Ce scénariste avait déjà fait ses preuves de conteur sur la série Journey into mystery, dans laquelle il mettait en scène un Loki jeune adolescent qui naviguait avec malice dans la mythologie dAsgard. Il a également réutilisé un personnage des 9 royaumes (pardon, 10 royaumes), dans la série Iron Man (voir Iron Man Volume 5: Rings of the Mandarin). le lecteur a le plaisir de retrouver quelques-uns des personnages emblématiques, en particulier les terribles séides d'Hela, voir Journey Into Mystery/New Mutants: Exiled. Alors même que le rapatriement d'Angela constitue une opération qui doit tout aux affaires juridiques, Gillen réussit le tour de force de l'incorporer de manière organique aux 9 (pardon 10) royaumes, et à lui définir une place unique.
S'il n'est pas possible de dire qui est à l'origine de quoi, le lecteur peut supposer que Marguerite Bennett a dû plus contribuer à définir la philosophie de base d'Angela. Celle-ci a pour credo de maintenir un équilibre parfait dans la balance débit / crédit. Cela va assez loin puisqu'à une petite fille qui lui demande de lui rendre son ballon (qu'elle a rattrapé au vol), Angela lui demande quelle contrepartie elle prête à donner en échange, car on n'a rien sans rien.
Les coscénaristes savent également inclure une dose d'humour. Cela commence dès la troisième page quand Angela se fait la réflexion qu'elle va sûrement devoir tuer quelqu'un et que cela arrive trop tôt dans la journée car elle essaye de diminuer (sous-entendu : diminuer le nombre de personnes qu'elle assassine par jour). Ils ne lésinent pas sur les décors grandioses propres à cet environnement de contes et légendes.
En surface les dessins sont magnifiques. Les schémas de couleurs sont chatoyants et riches, sans être criards ou surchargés. Les costumes mêlent Fantasy et moyen-âge, comme on peut s'y attendre dans le contexte des mondes d'Yggdrasil. Les personnages sont tous dotés d'une forte identité visuelle et les scènes d'action impressionnent par leur éclat et leur ampleur.
Au premier regard, le lecteur ne reconnaît pas le style classique de Phil Jienez, hérité de celui de George Perez. C'est en parti dû au fait qu'il ne s'encre pas lui-même. Tom palmer réalise un encrage assez minutieux, les deux suivants un peu moins. Les dessins gagnent en facilité de lecture, ce qu'ils perdent en minutie. le lecteur constate quand même que Jimenez n'économise pas sa peine pour dessiner les rubans d'Angela, les détails des armures, l'aménagement de chaque lieu, ou encore les plumes des ailes. C'est dû aussi en partie à l'approche esthétique de la mise en couleurs.
Romulo Fajardo junior effectue un énorme travail pour donner du relief à chaque surface, pour rendre compte de la direction de l'éclairage, de la qualité de la lumière, et pour ajouter quelques textures de manière judicieuse. le lecteur éprouve l'impression de contempler un comics dessiné par des moyens habituels (détourage des formes par un trait repassé à l'encre), puis peint par la suite. Il en découle une apparence visuelle très riche.
Phil Jimenez et Romulo Fajardo donne à voir un monde très substantiel que le lecteur a l'impression de pouvoir toucher, avec des protagonistes à la forte personnalité visuelle, évoluant dans des endroits présentant tous des particularités qui les rendent uniques. Puis s'intercalent les pages réalisées par
Stéphanie Hans. La distinction se reconnaît aisément, d'abord par le choix des couleurs plus soutenues et plus chaudes, puis par le mode dessin où les surfaces ne sont pas toutes détourées à l'encre (le bénéfice induit de travailler à l'infographie).
Cette artiste réalise des dessins tout aussi majestueux que Jimenez, peut-être même plus, les personnages ayant un langage corporel plus régalien, plus impressionnant. En intégrant plus les couleurs comme éléments de dessin (et pas seulement comme éléments pour rendre compte de la luminosité et des couleurs des étoffes et des matières), elle établit une ambiance qui baigne dans des teintes différentes à chaque fois, semblant émaner directement de l'environnement du moment, pour une ambiance plus féérique. le découpage des séquences s'avère un peu plus conceptuel dans l'agencement des cases que celui de Jimenez, ce qui participe à prendre un peu de distance, et à augmenter leur caractère distant du fait de leur rang et de leur importance.
En réduisant ainsi à 15 le nombre de pages à dessiner par Jimenez, les responsables éditoriaux ont effectué un choix pertinent qui lui permet de passer le temps nécessaire pour réaliser des planches détaillées, tout en respectant les délais, et qui donne une apparence légendaire aux scènes se déroulant dans le passé.
Alors que le lecteur s'apprêtait à découvrir le fruit d'une politique éditoriale dictée par des questions de business, il plonge dans un récit tirant profit de la mythologie asgardienne (à la sauce Marvel) pour légitimer la présence d'Angela, pour lui donner un caractère bien trempé, dans des environnements rendus tangibles par les dessinateurs. 5 étoiles. Si la série s'arrête aussi vite qu'elle a commencé, l'histoire continue dans 1602 Witch Hunter Angela, réalisé par les mêmes créateurs.