Il est aisé, à la lumière contemporaine dans un quotidien (peudo) en paix de réécrire
L Histoire et de placer sa morale au-dessus des turpitudes dont ô grand jamais nous n'aurions été capables.
Et pourtant, nous ne pouvons avoir qu'une seule certitude : c'est que nous ne pouvons en avoir sur qui nous aurions été, plongés dans la terreur de l'Histoire. Car, dans certains contextes, les contours du bien et du mal sont mal définis.
Pour pouvoir survivre et manger à peu près à votre faim, travailler en déménageant des biens de Juifs spoliés est-ce acceptable ?
Et dénoncer un Juif non par conviction mais par intérêt personnel l'est-il moins ?
La différence au fond n'est-elle pas que le mal prend une figure anonyme et indistincte dans un cas et un visage humain et singulier dans l'autre ?
L'échelle du mal a des degrés mais n'en reste pas moins le mal...
Dans la gueule de la bête nous plonge dans la Belgique francophone (à Liège plus précisément) de 1943 où l'on côtoie des salauds de collabos, des résistants actifs et passifs, des neutres effrayés, mais aussi des gens qui tentent de profiter d'occasions sans réelle intention de nuire...
L'église elle-même nous est rapportée dans le même camaïeu de gris que le peuple - petites gens ou nantis d'ailleurs,
Armel Job balaie là aussi les clichés des classes sociales pro ou anti-nazis - .
Ainsi, l'histoire débute avec Hanna, dite Annette, petite fille juive cachée dans une institution catholique. A l'échelle individuelle, l'Église a donc contribué à protéger des Juifs (... mais était parfois tentée de les convertir... bien ou mal se rejoignent inlassablement vous disais-je !) . Tandis qu'en tant qu'Institution officielle, l'Église catholique est restée criminellement muette face au sort des Juifs.
Riche en réflexions sur le bien et le mal,
Dans la gueule de la bête nous plonge aussi dans l'émotion : la peur, la suspicion, la traque, l'héroïsme qui vient parfois malgré soi, autant que la lâcheté peut nous saisir (qui peut dire s'il aurait résisté à ne pas lâcher un nom sous la torture ou sous la menace de celle-ci ?). le livre a aussi l'originalité de traiter deux aspects assez peu utilisés dans les romans historiques sur cette période : la guerre vue du peuple belge et le rôle de l'Église catholique.
Une sorte de Seuls dans Berlin (
Hans Fallada) à la sauce belge (sauce lapin même pourrait-on dire... comprenne qui pourra !), très plaisant et très intéressant.