Nino dans la nuit a fait pas mal parler de lui lors de sa parution en janvier 2019.
Déjà, parce qu'il s'agit d'un roman à 4 mains - chose suffisamment rare pour être rappelée – écrit par le couple Capucine et
Simon Johannin. Ensuite, parce que le style est unique, et plutôt réussi. Enfin, parce que l'intrigue est aussi noire que la présence quasi permanente de la nuit dans cette fiction (présence très poétique que j'ai beaucoup aimée !).
Tout d'abord, il faut savoir que les auteurs sont jeunes. Ou en tout cas, plus jeunes que moi. Cette histoire, c'est un peu la leur, dans le sens où ils se sont inspirés de faits réels de leur vie pour extrapoler la vie des protagonistes. de savoir qu'à moins de 30 ans, ils ont écrit ça, j'en reste bouche bée d'admiration.
Nino dans la nuit raconte, ou plutôt expose, la réalité d'une vie archi précaire, archi glauque et archi joyeuse d'un très jeune couple d'une vingtaine d'années : Nino et Lale. Tous deux dans une galère sans nom, ils tentent de subsister avec des petits boulots qui les exploitent, des vols discrets ou non, et le monde de la fête underground. Entre cocaïne, kétamine, ectasie, joints, alcool et boulots de merde, espoir, famille, Nino et Lale se construisent un binôme solide, auquel tous deux sont accrochés comme des moules à leur rocher. Un couple très enfantin sur bien des aspects et déjà trop adulte sur d'autres. Ces deux personnages sont touchants : l'un par son romantisme, l'autre par son désarroi, mais on les « sent » bien, ils nous sont réellement dessinés. Bien que violent par ce qu'il dénonce,
Nino dans la nuit n'est pas du tout un roman misérabiliste, mais bien un portrait de l'absurdité d'un système que nous connaissons tous mais contre lequel nous ne prenons (plus, pas ?) assez le temps de nous offusquer.
Le style des auteurs est inimitable : drôle, acerbe, sympathique, grossier mais pas vulgaire. Pour autant, ce n'est pas ma came d'écriture, mais c'est très perso. Je pense à ma soeur par exemple qui a littéralement adoré le style. J'ai cru sentir, de façon infinitésimale, le changement de main par moment, l'impulsion d'un des co-auteurs plus qu'un autre, ce qui a gâché pour moi le sentiment de fluidité. Autant j'ai trouvé que les monologues intérieurs étaient très savamment retranscrits, autant les dialogues entre protagonistes ont sonné plus faux à mon oreille. Question de rythme, ou de crédibilité du vocabulaire à ces moments-là, je ne sais pas. Toujours est-il que le choix des mots est en général excellent, et que les auteurs usent et détournent des métaphores avec dextérité.
En somme, c'est un bon roman, qui à titre personnel m'a demandé un effort pour entrer dans le style, mais un effort pas désagréable car il apporte sa récompense. Au fil des pages, cela se transforme en musique. Bien que ce livre soit vanté partout pour son écriture inimitable, il a davantage résonné chez moi comme un recueil sociologique fort, qui ne m'a rien appris mais qui m'a questionnée : et toi, tu fais quoi face à cette réalité ?
Jo la Frite
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