« Peut-être que c'était ça, le but de cette foutue vie, attendre la mort. »
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Le poids du monde" interroge sur les mauvais départs dans la vie et notre capacité à supporter et passer outre pour y survivre. Il interroge sur l'amitié : Ses bienfaits, mais aussi ses limites. Il interroge plus généralement sur le sens de nos vies : Doit-on vivre pour nous, ou pour les autres, si proches soient-ils...? La vie est une succession de petites décisions qui, mises bout à bout, nous mènent là où l'on est. Mais quand le sort s'acharne et qu'aucun modèle ne nous guide dans la vie, la survie est plus difficile. Et la vie, est-elle possible ?
Aiden est né d'un père violent et d'une mère battue. Thad ne sait pas qui est son père mais sa naissance cachait déjà un lourd secret, fait de violence, de douleur, de rejet et de déchéance. Les deux garçons grandissent tout seuls, livrés à eux-mêmes, sans modèles, sans personne pour combler ce vide qui, semble-t-il, va finir par les engloutir. Ils n'ont qu'eux-mêmes pour survivre.
Tous les deux, c'est à la vie à la mort. Et la vie va se charger de le leur rappeler…
Bientôt, pour oublier la vacuité de ce monde sans but, la solitude d'une vie sans amour, l'inutilité de leurs compétences face au chômage, Thad et Aiden basculent dans la drogue. Ils perdent le contrôle d'eux-mêmes, de leurs actes puis bientôt, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, de leur vie.
Très tôt marginalisés du fait de leur mode de vie différent, sans réseau fiable et ne pouvant compter que sur eux-mêmes pour se défendre, ils n'ont personne avec qui partager «
le poids du monde » qui pèsent sur leurs seules épaules, Aiden et Thad vont connaître une violente descente aux enfer.
Un ami doit-il demeurer fidèle même quand l'autre s'éloigne du droit chemin et menace de l'emporter dans sa chute sous le poids de ses mauvaises décisions, ou se doit-il d'abord de prendre les bonnes décisions pour lui-même ? Jusqu'à quel point est-on responsable des autres...
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A travers ce roman et ces personnages,
David Joy nous donne envie de nous intéresser un peu plus à ces âmes meurtries : Si on avait été là pour eux, si quelqu'un avait pris la peine de faire un pas vers eux, la fin aurait-elle été différente ? D'un autre côté, n'est-il pas plus raisonnable de demeurer éloigné de toute source d'ennui : Si l'on se rapproche de ces deux gamins, va-ton contribuer à ralentir ce cercle vicieux, ou au contraire vont-ils nous emmener avec eux dans leur chute ?
En tant que lecteur, on a envie d'intervenir aux moments les plus cruciaux de l'histoire pour sortir les personnages de cette transe dans laquelle les plonge la drogue, afin qu'ils reprennent contact avec la réalité. Mais en même temps, on comprend qu'ils se demandent quoi faire d'autre puisque, visiblement, rien ne leur sourit. Pas de modèle, pas de petit coup de pouce quand il faut même si une certaine routine de survie s'est nécessairement mise en place. Mais bien sûr, ça ne suffit pas, ça ne suffit à personne. Qu'aurait-on fait à leur place ?
Un roman sombre mais qui sonne certainement assez juste auprès de ceux qui galèrent, dans une Amérique où les armes circulent librement, où la drogue est un réel business qui résout tout d'un coup de baguette magique. Ou d'un coup de fusil. Tout dépend.
« Au bout du compte, la seule chose qui différenciait une personne d'une autre, c'était d'avoir quelqu'un pour sauter à l'eau et vous empêcher de vous noyer ».